Lors d'une rencontre organisée sous l'égide du PNUD et à laquelle ont pris part des magistrats,des avocats, des juristes des membres de la composante civile dont des organisations de défense des droits de l'Homme, ainsi que des représentants de médias écrit et audiovisuel, le doyen Fadhel Moussa, président du comité de Justice administrative et financière , a pu écouter les observations et les commentaires des différents participants à propos des articles relatifs au chapitre du pouvoir judiciaire dans le brouillon de la prochaine Constitution, consacré par les articles 100 à 125 L'indépendance du juge condition sine qua non pour son impartialité «Le magistrat est indépendant n'étant subordonnée qu'à la seule autorité de la Constitution et de la loi». Cette vérité énoncée dans l'article 100 définit clairement et sans équivoque l'indépendance du juge. Celui-ci en effet doit bénéficier indispensablement d'une indépendance vis-à-vis des autres organes afin de faire respecter la loi et de garantir les droits et les libertés. Cette indépendance n'est pas absolue, le juge étant astreint à une certaine obligation de réserve qui l'empêche de dépasser certaines limites, et de trahir certains principes tels celui du secret professionnel, ou celui de l'intégrité. Ces limites constituent des garde-fous, qui l'incitent à être toujours impartial, et équitable dans ses décisions, car il y va des droits des gens et de l'intérêt général.
Qui contrôle le pouvoir judiciaire ? La réponse à cette question, dépend de ce qu'on entend par pouvoir judicaire. Celui-ci englobe tout l'organe de la Justice, qui était coiffée, durant l'ancien régime par l'exécutif, le président de la République, ayant été pendant longtemps au sommet de la hiérarchie du pouvoir Judiciaire. Ce qui altérait indubitablement, l'indépendance des magistrats. Outre le fait que le pouvoir judicaire fonctionne en collaboration avec les autres pouvoirs, à savoir l'exécutif et le législatif, qui travaillent de concert, comme l'a affirmé Montesquieu, pour se contrôler mutuellement, il y des mécanismes propres au pouvoir judiciaire. Ces mécanismes prévus dans la prochaine Constitution, tendent à assurer au maximum une indépendance pondérée, avec des critères que les magistrats doivent remplir, et une ligne de conduite tracée à l'avance. Dans l'article 101, il est énoncé que « le magistrat doit être compétent, intègre et impartial ». Toutefois « il répond personnellement de tout manquement à ses obligations ».
Procédures disciplinaires Le juge est responsable de tout manquement à ses obligations. Cependant il importe de faire la procédure de poursuite et celle de la sanction disciplinaire. Quel organe est en mesure de poursuivre un magistrat pour manquement à ses obligations ? Car dans ce cas, se pose le problème de l'immunité du juge qui doit être levée en l'occurrence. L'organe chargé de le faire doit être neutre et doit permettre au magistrat concerné de se défendre en lui communiquant et en l'informant à l'avance des mesures qui seront prises à son encontre, y compris la levée de l'immunité. A la Révolution, a été proposée la création d'une instance indépendante de la magistrature, en remplacement du conseil supérieur. Cette proposition devait être adoptée par la Constituante, mais elle a été vraisemblablement abandonnée en cours de route. En attendant c'est le conseil supérieur qui continue, avec à peu près la même structure que celle de l'ancien régime. Les magistrats représentés par leurs pairs ? Pas tout à fait ! Dans la prochaine Constitution, c'est un conseil supérieur autrement constitué qui est proposé, et consacré par l'article 108. Ce conseil est désormais composé d'une assemblée générale, ainsi que de trois organes, administratif, judiciaire et financier. Chaque organe est composé, en vertu de l'article 109 pour moitié de juges élus et nommés, alors que la deuxième moitié est composée de membres appartenant à d'autres secteurs. Les intervenants ont été unanimes à faire remarquer, que cette composition ne constitue pas la meilleure garantie pour une parfaite indépendance judiciaire. En effet on ne sait pas quelle proportion est réservée aux juges élus, au sein de cette première moitié énoncée dans l'article précité. D'autant plus que la deuxième moitié est composée par des membres appartenant à d'autres secteurs, qui peuvent constituer la plus grande proportion au sein du conseil.
Justice militaire et pouvoir judiciaire Au sein du pouvoir judiciaire ont été consacrées, également la justice constitutionnelle, administrative, financière ainsi que la justice militaire. Si les trois premières sont fondamentales dans tout système judiciaire démocratique, la justice militaire, est considérée comme ne faisant pas partie du pouvoir judiciaire. Le tribunal militaire était à la base un tribunal d'exception. Il a été utilisé par les occupants pour juger les militants et tous ceux qui osaient s'ériger contre le colonialisme. A l'avènement de l'indépendance il a été utilisé sous Bourguiba, contre ceux qui ont dénoncé les exactions et les injustices, et qui ont donc été poursuivis pour rébellion. Il est donc opportun que le tribunal militaire soit désormais réservés aux seuls militaires, pour juger les litiges et les infractions uniquement dans ce domaine. il sera désormais un tribunal spécialisé, tout comme le tribunal foncier ou le tribunal de commerce par exemple. Enfin tous, les intervenants ont fait remarquer que la référence aux normes internationales dans ce chapitre du pouvoir judiciaire fait défaut. Tels sont les points qui restent à parfaire afin de garantir au mieux un pouvoir judicaire qui réponde aux objectifs de la Révolution et à l'intérêt général.