Encore une fois, un des jeunes tunisiens vient de s'immoler par le feu. Ce vendeur ambulant de cigarettes, âgé de 27 ans n'est qu'un exemple concret de la jeunesse tunisienne qui vit mal cette situation même après la Révolution. Rien ne change pour cette frange de la société qui se trouve encore dans la précarité. Elle n'a pas d'ailleurs beaucoup de choix. Elle est obligée d'émigrer illégalement ou de s'immoler par le feu. Ces deux formes de fuite de la réalité ne diffèrent pas l'une de l'autre, car dans les deux cas, le jeune met en péril sa vie. Les deux phénomènes persistent toujours dans notre pays pour ne pas dire qu'ils prennent de l'ampleur. Une étude réalisée récemment par le Migration Policy Centre (MPC) à l'Institut Universitaire Européen de Florence, intitulée « migrations internationales et révolution en Tunisie » démontre que nos jeunes notamment, ceux peu instruits envisagent d'immigrer vers l'un des pays européens. Un grand chantier de travail s'annonce pour le nouveau gouvernement. Il s'agit en fait de l'emploi des jeunes diplômés du supérieur et non qualifiés, tous prêts à risquer leur vie pour atteindre l'Europe. Mais malheureusement cette question très cruciale n'a pas été évoquée dans le discours prononcé avant-hier à l'ANC par Ali Larayedh. L'émigration illégale des jeunes reste encore un chantier négligé. « Tous les jeunes peu instruits, (c'est-à-dire ceux qui ont un niveau d'enseignement primaire ou moyen), pas ou peu qualifiés envisagent de migrer, et même de ré émigrer pour certains et souvent définitivement ». Ce constat a été confirmé par des jeunes qui ont participé au focus group réalisé dans le cadre de l'étude migrations internationales et révolution en Tunisie. Victimes du chômage, ils n'arrivent pas à s'intégrer dans la sphère socio-économique tunisienne laquelle manque de visibilité et n'offre surtout pas des opportunités d'insertion socioprofessionnelle. D'ailleurs, la même étude confirme cette réalité. En effet, parmi nos jeunes qui envisagent de partir à l'étranger il y en a ceux « qui rencontrent beaucoup de difficultés pour se stabiliser après des expériences professionnelles qui n'avaient pas abouti, telles que le travail temporaire ou saisonnier, les tentatives de création d'une source de revenu ou d'une entreprise vouée à l'échec », démontre le Professeur Hassan Boubakri qui a veillé entre autres à la réalisation de ladite étude. Le chercheur précise par ailleurs, que « d'autres jeunes moyennement instruits ou qualifiés, qui ne désespèrent pas de pouvoir trouver un jour un emploi envisagent la migration comme solution provisoire, un passage professionnel temporaire pour se reconstruire et construire leur vie ». Et les politiques ? Certes, l'emploi des jeunes est un problème épineux difficile à résoudre en un temps record. Mais il est essentiel d'établir les bonne politiques pour aider cette tranche d'âge qui veut être active et dynamique à s'intégrer dans la société. Il importe dès lors, de la protéger contre les risques d'émigration illégale. Par conséquent le gouvernement de Larayedh aura intérêt à gérer convenablement ce dossier pour aider nos jeunes à vivre dans des meilleures conditions. Il aura entre autres à « définir une ligne de conduite claire et de principes fixant le cadre des négociations et des partenariats à venir avec l'Union Européenne et ses pays membres dans les domaines de la mobilité et de la circulation des personnes », recommande l'étude réalisée par le Migration Policy Centre. Il s'agit dans ce cadre « des politiques de visas, de la migration professionnelle et de l'association de la Tunisie à la réflexion européenne sur les dispositifs et les moyens de lutte contre la migration illégale et le trafic des migrants ». Dans cette optique, les chercheurs recommandent aux décideurs tunisiens de « placer le respect de ses obligations internationales et celles de ses partenaires européens en matière de respect et de protection des droits humains fondamentaux et de la dignité des migrants au centre de toute politique migratoire en vue d'une bonne gouvernance des migrations ». Pour mieux gérer la question de la migration et offrir des nouvelles opportunités de travail à nos jeunes, ce gouvernement a aussi intérêt à « réorganiser les organismes et les structures chargés de la gestion des questions migratoires et en particulier, la coordination de leurs actions en vue d'éviter les conflits de compétences et le déroulement ou le chevauchement des interventions... », conseille la même étude. Plusieurs experts et centres d'études ne cessent d'offrir aux gouvernements qui se succèdent l'un après l'autre des solutions pratiques pour remédier aux problèmes de la société tunisienne. Seront-elles prises en considération ?