La 1ère édition de la semaine du film francophone, qui a démarré le 26 mars, s'est terminée dimanche dernier au Colisée par le film égyptien « Les femmes du bus 678 » de Mohamed Diab. L'action a lieu au Caire d'aujourd'hui. Fayza, Seba et Nelly, trois femmes aux vies totalement différentes, s'unissent pour combattre le harcèlement pesant que leur font endurer au quotidien des hommes, dans les rues et dans les bus. Déterminées, elles décident dorénavant de ne plus subir, quitte à utiliser des moyens réprimés par la loi. Devant l'ampleur du mouvement, l'atypique inspecteur Essam mène l'enquête. Qui sont ces mystérieuses femmes qui ébranlent une société basée sur la suprématie de l'homme ? A l'instar de la fiction « Les femmes du Caire » de Yousry Nasrallah, « Les femmes du bus 678 » s'attaquent à un sujet qui domine la société arabe : le machisme des hommes. Dans le bus qui les transporte à leur travail les femmes subissent tous les affronts : attouchements, humiliations, violences verbales et physiques. Au Caire comme en Tunisie, les bus sont bondés, c'est là que les pervers s'adonnent à leur jeu favori : le harcèlement sexuel, un cauchemar que vivent les jeunes filles au quotidien. Pour son premier long métrage, Mohamed Diab revient sur la question qui a longtemps taraudé Youssef Chahine et qui a été brillamment évoquée dans « Gare centrale », la sexualité masculine difficile à gérer dans une société arabo-musulmane dominée par les interdits religieux et les tabous moraux. Le réalisateur s'est inspiré de faits réels pour raconter les histoires de ces femmes, Fayza, la mère de famille traditionaliste, Seba, l'intellectuelle révoltée, et Nelly, la jeune fille moderne dont le seul point commun entre elles est que des inconnus se sont servis d'elles pour assouvir leurs frustrations. Fayza se fait tripoter dans le bus sur le chemin du travail. Nelly, malmenée et renversée dans la rue par un automobiliste libidineux. Quant à Seba, elle échappe de peu à un viol collectif, après un match de foot. Ces scènes sont filmées de manière réaliste : images volées sur un corps qui se colle ou bien des cris dans la cohue... Pas la moindre complaisance dans le traitement de ce vécu des personnages livrés à toutes les humiliations. Mais, le cinéaste ne s'attarde pas trop sur ces scènes, ce qui l'intéresse, ce sont les conséquences, la manière dont les événements détruisent le quotidien de chacune. La perte du désir, la rupture avec les autres et l'indifférence et la nonchalance des autorités. Porté par un trio de comédiennes émouvantes et fortes, le film est poignant mais ne manque pas d'humour qui est le bienvenu dans des scènes parfois éprouvantes. Des femmes en colère dont les destins se croisent. Des femmes qui ont choisi le combat plutôt que d'être des victimes. Fayza, la plus humble, la moins « éduquée », choisit la violence, presque une forme de terrorisme. Dans son bus, elle se met à blesser ses harceleurs à coups d'épingle, furtifs et vengeurs. Les autres la soutiennent et la protègent, un temps, mais cherchent des réponses plus militantes, des voies moins violentes. Un film à thèse, militant qui mérite tous les égards.