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Lettre de Tozeur
La chronique de Youssef SEDDIK
Publié dans Le Temps le 02 - 04 - 2013

J'ai toujours cru à cette profonde maxime qui affirme que “ l'universel, c'est le local moins les murs “. C'est pourquoi il a été impossible pour moi de décliner la si voluptueuse invitation au voyage lancé par la très active Association des Amis du Jédrid, dans le cadre du Forum Social Mondial,à plusieurs journalistes, artistes, intellectuels, entrepreneurs, médecins, poètes et hommes de théâtre pour rejoindre cette terre bénie où je naissais un jour d'un bel été.
C'est plus fort que moi et que toute autre tentation. Non pas tant parce que j'y suis né et que j'y ai inhumé mon père pourtant résident depuis longtemps dans la Capitale, à deux pas du cimetière du Jellaz, mais parce que sans me risque de me tromper ou tromper, je demeure convaincu que c'est bien dans cet espace lumineux que la Tunisie ne cesse de reprendre chaque jour son souffle pour des enfantements sans cesse recommencés.
Ce vaste espace doublement aride, puisque fait de la première façade du grand Sahara et d'un immense lac nu de toute eau, défait par l'empire du sel, parsemé par des points oasiens, n'est pas la mal-vie ou la non-vie comme l'entend l'ouïe-dire poncif et ignare. Avec ces cents mille habitants seulement le Jérid s'est depuis la nuit des temps, depuis d'immémoriaux calendriers se perdant dans les arrière-âges du monde, la matrice de nos mythes et des socles les plus solides de l'Histoire, de nos histoires...
Je ne suis pas sur le point d'introduire, par un vulgaire goût de régionalisme, à une plaquette de propagande touristique, mais m'apprête à rejoindre le tout de la Tunisie à partir d'une contrée en elle qu'un certain tourisme précisément a banalisée à outrance ne laissant dans l'imaginaire du Tunisien et du visiteur étranger que le maigre dessin infantile de l'indolent dromadaire entre dunes et palmier dattier. Vivement que de Gabès ou du Kef, de Tataouine ou de Thala un concitoyen ou une concitoyenne se placent en leurs “ locaux “ respectifs pour un reploiement du pays à partir d'un méticuleux savoir, un recensement de tous les joyaux qui le distinguent de toutes les autres perles qui ornent les rives de notre Mer d'émeraude et de l'inépuisable jeunesse de l'univers.
Faut-il commencer ce voyage initiatique en sollicitant la compagnie du père de l'histoire, cet Hérodote du Livre IV qui nous apprend que Zeus le seigneur des dieux, bien avant l'irruption sur la surface du globe de cet être menu, frêle et tout gonflé d'orgueil qu'on appelle l'homme était venu enfanter “ de sa cuisse “ l'incroyable Athéna, déesse des armes, de la stratégie et de la rationalité. Cela se passait, nous dit-il avec la certitude des auteurs de Théogonies (Généalogie des divinités) dans le Lac Triton “ ... vaste étendue d'eau fortement salée sur les rivages méridionaux de la Méosis (Méditerranée), au sud du territoire des Frexès... “ Un salut en passant à nos valeureux Frachics de Kasserine, Hydra et Telepte que le tout premier historien cite et atteste de leur existence en ce pays à l'instant où la Terre achevait la panoplie de son imaginaire religieux primitif ! Un soupir de lointaine nostalgie pour ce lac antique, le Chott El-Jérid, aujourd'hui mortellement assoiffé, empli seulement de sel et de mirage. De son lieu de naissance Athéna a depuis longtemps déserté nos espaces pour en féconder d'autres que nous peinons gauchement à singer !
Laissons “ tomber “ Hérodote, non pour avancer sur le sinueux du temps, mais pour risquer de nous enfoncer encore plus loin dans les indécidables débuts où légendes et histoire n'ont pas démêlé leurs équivoques. Des archéologues britanniques et des égyptologues parmi mes collègues dans l'enseignement ont soutenu que le vocable-même de “ Tozeur “ quand bien même attesté sur les calepins et les inscriptions romaines ne saurait avoir une autre origine que pharaonique. Il serait composé du “ T “ initial des noms de villes en héraldique (cousin direct des parlers berbères) et de Osir “ apocope d'Osiris, le patron des dieux de la Vallée du Nil... Hypothèse à suivre puisque une étrange trace de nos jours reconnaissable et parfaitement “ lisible “ nous font entendre dans tout le Jérid ce chant grivois des jeunes filles désireuse de convoler en juste noce et qui entonne les soirée de pleine lune :
O Pharaon (Yâ Far'ûn ! Fais que ma chevelure sois longue
Que large sois ma croupe
Et que me prenne un homme...!
Quittons le beau flou des époques que nulle raison archéologique ou historienne ne maîtrise encore (peut-être à jamais embrumées du pastel des mythes). Entrons de plain-pied dans l'histoire consignée pour percevoir cette consistance du Pays du Jérid, ce Barr El-Jérid, chanté par Saliha de sa voix qui monte des gorges premières de Friga (l'Ifryquia des romains). Consistance si évidemment éloquente que tout Tunisien devrait avoir honte de voir cette région réduite à la misère d'un mesquin tourisme dit “ de passage “et de piteux rendement humain et économique. Une pléthore d'hôtels de luxe mal gérés, au taux d'occupation proche de zéro qui nuisent à la fertilité de l'oasis et ne contribuent en rien à attirer un autre visiteur que le curieux empressé, le pingre vieillard ou le stupide féru de l'exotisme bon marché. Savent-ils, ces zombies d'un tourisme en grappes et les fonctionnaires qui leur servent de guides que ce pays-là ne vivait pas tant de ses succulentes dattes ni de ses savoureux fruits et légumes de toute sorte que d'une situation stratégique qui en a fait avant la colonisation le carrefour obligé d'un florissant commerce de matière précieuse, de tissu et d'ivoire entre l'Afrique subsaharienne et le reste du monde . Savent-ils que deux évêques siégeaient à Tozeur au temps du grand schisme de la prime chrétienté et que ceux-ci correspondaient régulièrement avec Saint-Augustin sur le destin de cette religion et donc sur celui de l'Europe ? Savent-ils enfin (et les interrogations sont encore plus nombreuses) que la paix religieuse de la Tunisie devenue islamique a été ici fabriquée, quand le grand faqih, mystique, Sidi Bou ‘Ali, a définitivement bouté le Chiisme fatimide de notre territoire, alors qu'il avait tout pour s'enraciner (une belle Capitale maritime, Mahdia, et de très nombreux sectateurs en armures !). Aujourd'hui, dans sa Zaouia De Nefta, celui qui a sauvé notre pays des dissensions d'obédience n'est là qu'amoureusement protégé par la mémoire et la vénération des siens et de la haute sérénité du la magnifique médina de Nefta.
Une dernière question tout de même, plus proche de l'immédiat bon sens : est-ce par hasard que le pays tout entier, ainsi que, depuis peu, le monde jusqu'en Chine, vibre et espère au rythme du poème d'un enfant de là-bas, le divin Aboulkacim, (Bessi, pour les intime du Jérid), mort à l'âge de 25 ans ? Et que la plus grande concentration de poètes et d'écrivains donne au lecteur en langue arabe et dans les traductions, le bonheur de lire et de chanter ? A part Chabbi, les frères Khraïef, Mustapha le fin poète et Béchir le géant du roman, Monawar Smadah, enfant lui aussi de Nefta, et tant d'autres qui attendent publication ou d'être déterrés ou découverts.
L'Association des Amis du Jérid pour le Développement, l'Echange et la Culture qui nous a invité le week end passé à une belle manifestation est à ses tout premiers pas pour aider à remédier à tant d'ingratitude nationale à l'égard de ce splendide pays. Des investisseurs sérieux et surtout intelligents et cultivés ont exprimé un réel désir de mieux faire, tels le professeur en médecine, enfant de Nefta Docteur Zargouni et ses frères médecins ou ingénieurs, le génial hydraulicien Amer Horcheni de Degache,et puis les non originaires de cette terre, tel M. Guiga, arrivé de la sahélienne Takrouna par amour du Jérid. Citons enfin cet enfant prodigue de Tozeur, dont les installations et les aires de culture et de loisir ont été frappées de quelque aveugle ouragan d'une Révolution qui ne reconnaît pas encore tous les siens. Ce diable septuagénaire de Abderrazak Chraïet, absent de Tozeur depuis le début de la Révolution, se déclarant à juste titre à notre avis incompris par une Cité qu'il a longtemps gérée en Maire-Mécène, avant d'être démis par une entourloupe juridique, deux ans avant le départ forcé du dictateur !
Il y quatre ans j'ai sollicité des autorités “ compétentes “ de me permettre d'inviter à Tozeur les deux écrivains au pseudonyme commun Mahmoud Hussein accompagnés de leur ami Jean Daniel, directeur-fondateur du Nouvel Observateur, l'ATCE après un premier accord a refusé de permettre leur arrivée et d'autoriser toute prise de parole de nos hôtes en public. C'est M. Chraïet alors maire pourtant qui leur offre une généreuse hospitalité et, plus “ grave “ et périlleux pour lui, il a pris sur lui la décision à son corps (et son poste !) défendant de fournir un public consistant en “ ramassant “ un à un, étudiants, amis, et cadres courageux, au grand dam des délateurs qui se trouvaient, bien reconnaissables, parmi nous. Et c'est lui-même qui animé cette étrange et clandestine soirée culturelle !
Ces trois jours à Tozeur, dans la plus grande sérénité du travail sérieux, ont vu naître des projets extraordinaires, en présence d'ONG et d'Officiels européens attestant du sérieux du labeur entrepris : plan budgétisé, situé et objet d'étude pour installer une école de médecine offshore, sur le modèle de l'Université René Descartes Paris VI, une autre étude pour un centre de thermalisme médicalisé de séjour et de soin. Une troisième, pour repenser l'eau et l'avenir prometteur du palmier dattier et, cerise sur le gâteau, une merveilleuse compétition entre 10 jeunes promoteurs de PME, pour en choisir les 3 premiers à guider, à financer et à suivre, pour s'installer et fleurir.
Si tout cela se réalise, et rien n'empêche de le croire, saluons alors le fondateur-animateur de cette ONG du Jérid, « Si » Hechmi Blousa, enfant de notables, juges et Ulémas de ce Tozeur et de ce Barr El-Jérid.


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