Dernièrement, Me Leïla Hadda a tenu une conférence de presse, au siège du Syndicat National des Journalistes Tunisiens (SNJT), en compagnie des anciens détenus de Kairouan, les étudiants qui étaient les derniers à apprendre que Ben Ali s'est enfui… c'était le 17 janvier, c'est-à-dire trois jours après l'événement majeur qui a bouleversé tout un pays et dont les effets se sont fait sentir au-delà de ses frontières, c'était comme s'ils étaient des hommes de caverne. Le scénario de Ben Ali Selon l'avocate, la Révolution du 14 Janvier a connu deux processus. Le premier était celui des marches pacifiques qui ont été réprimées par les armes et où plusieurs de nos enfants ont été soit assassinés soit blessés dont plusieurs ont les jambes amputées et sont immobilisés sur des chaises roulantes. Quant au second processus, il était celui des arrestations dans les zones de sécurité qui étaient en ébullition telles que Makhtar, où huit des manifestants ont été arrêtés le 7 et relâchés le 15 du même mois, après avoir été torturés, Tala où plusieurs de ses habitants ont subi le même sort, puis transférés à Kasserine où on a continué à leur a faire vivre un calvaire pire que le précédent par des agents spécialisés en la matière. Et là, nous avons un autre échantillon, celui des étudiants de Kairouan qui ont subi un traitement encore plus atroce. Tous ces martyrisés sont ceux que désignait Ben Ali, lorsqu'il a parlé, le 10 janvier, sur la chaîne nationale, de terroristes cagoulés qu'il comptait présenter comme étant les responsables des événements pour étouffer le soulèvement populaire et faire croire à un complot. C'était le scénario qui se manigançait dans toutes les zones de sécurité du pays, et plus particulièrement, dans les caves du ministère de l'intérieur pour faire des boucs émissaires de ces jeunes auxquels on a fait signer de force des procès verbaux où ils ont avoué avoir commis de graves crimes visant le renversement du régime et dont la condamnation varie entre 10 ans de prison et la perpétuité. C'était l'autre visage occulté et oublié de la Révolution tunisienne sur lequel l'avocate a voulu jeter de la lumière pour rafraîchir les mémoires. La non-prescription du crime de torture Les témoignages des 13 étudiants de Kairouan étaient des plus bouleversants. Ils étaient arrêtés le 10 janvier et transférés, le lendemain à l'aube, aux caves du ministère de l'intérieur où ils ont subi des tortures à contre sens des conventions internationales et de l'article 101, précise Me Leila Haddad, qui ajoute que ces jeunes ont déposé une plainte pénale, auprès du tribunal de première instance de Tunis, qui est, actuellement, instruite par le juge d'instruction qui a, déjà, procédé à l'audition de certains symboles du régime déchu comme l'ex ministre de l'intérieur, le directeur de la sûreté nationale, un bon nombre d'officiers exerçant au sein de ce ministère, le chef de la zone de sécurité, vu qu'il était le responsable direct de l'arrestation de ces jeunes et les agents qui les ont torturés. Il a été accordé à l'ensemble de ces étudiants des missions d'expertises pour les soumettre à un examen médical qui va déterminer le taux d'invalidité de chacun d'eux. Donc, et toujours d'après l'avocate, on est face à un procès avec une double dimension, humaine et légale, au sens du crime de la torture conformément à l'esprit de l'article 101 bis et l'article 250, attendu que le procédé d'arrestation de ces jeunes empiétait sur les textes légaux, en ce sens que celle-ci était assimilable à un vrai enlèvement. Ce qui est étrange dans cette affaire, selon Me Leila Haddad, c'est que la Tunisie a ratifié les conventions internationales, le statut de la cour pénale internationale ainsi que les conventions de Genève, mais le décret 106 paru sous le gouvernement Essebsi se contredit avec toutes ces conventions, puisqu'il ramène le délai de prescription à 15 ans, alors que la torture, qui est considérée comme un crime contre l'humanité, ne s'éteint jamais avec le temps. Il est vrai, soutient, l'avocate, que le procès en présence n'est pas concerné par ce décret, étant donné que les faits sont récents, mais, en l'évoquant, elle veut, tout simplement, et en tant que défenseur des droits de l'homme, en réclamer l'annulation et la consignation dans la constitution du principe de la non-prescription des crimes de torture.