Faut-il apprendre à tout relativiser, à tout accepter ! C'est ce qu'on appelle le phénomène d'accoutumance qui créé une greffe virtuelle qui vous habite petit à petit et devient votre « réalité » nouvelle imposée. Depuis la Révolution, on s'est habitué, malgré nous, et après quelques réactions de résistance, de mauvaises humeurs et d'expressions de révolte sporadiques mais totalement impuissantes jusque-là, à la saleté des rues, à la dégradation de l'environnement, puis à la violence verbale, puis à l'assassinat politique et enfin au grand « bazar » religieux qui va de notre zeitounien élégant, jovial et courtois, au salafiste d'en face barbu et « kamissé » (différence avec Kamikazé) au jihadiste prêt à rejoindre la Syrie pour gagner le paradis éternel après avoir défiguré le « paradis » terrestre.. Bref, nous en avons vu en deux ans de toutes les couleurs et de toutes les saveurs arrosées en goût de l'Orient médiéval, qui, au nom de l'Islam, mais lequel, on autorise des Musulmans à tuer d'autres musulmans, sans compter les « hors d'œuvre » du genre mariages coutumiers, circoncision des fillettes le tout transmis avec quel cérémonial par ces « Douaât » (prédicateurs) avides de revanche sur l'Islam lumineux de la Tunisie et du Maghreb, venus en croisade (musulmane, cette fois) des cavernes et des ténèbres de l'Orient d'Arabie, pourri par le pétrole et l'ignorance. Je me rappelle encore de cet ami saoudien à l'allure princière, un vrai gentleman que j'ai rencontré à Berkeley, aux Etats-Unis, début des années 80 et qui préparait un PHD (notre doctorat) dans cette université prestigieuse de la Californie, et à qui je posais la question suivante : « Comment, après de si brillantes études, pouvez-vous accepter que votre mère, sœur ou épouse ne puisse pas conduire une voiture au retour dans votre pays » ! Et M'hammed, me répondit : « C'est très compliqué, alors que pour vous, Maghrébins, arabes occidentalisés, la chose est inconcevable, pour nous, la « tradition » est le protecteur de la vie communautaire et l'outil de la stabilité politique et sociale » ! Mais, alors, pourquoi vous venez aux Etats-Unis, ce pays de démocratie occidentale, alors que vous ne pourrez jamais faire comme eux », lui dis-je. Et M'hammed de m'assommer définitivement avec cette réponse intraitable : « La démocratie, on n'en veut pas… Nous, on a le pétrole et on est plus heureux avec notre société traditionnelle » ! (fin de dialogue). A vous d'apprécier ! De cette épisode de ma vie, et au vu de ce qui se passe chez nous, aujourd'hui, je tire la conclusion que beaucoup de nos compatriotes charriés par l'Islam radical, sont convaincus que la modernité est trop compliquée pour eux et ils se rabattent sur la fatalité de la tradition pour ne pas avoir honte de leur impuissance à rattraper l'Occident arrogant de supériorité technique et de sciences avancées. Ce qui est au départ un refuge, la « Religion » devient, au fur et à mesure, de l'échec social et économique, un courant porteur d'agressivité contre la modernité « hégémonique » véhiculée par l'Occident. Pour être plus clair à la « modernité hégémonique » occidentale on va opposer la « tradition orientale de l'Islamisme hégémonique ». Mais, alors, sommes-nous condamnés à cet affrontement tragique qui peut atteindre le conflit armé ou la guerre civile ! Oui et non ! Oui, au cas où la modernité se traduirait par la domination des classes aisées et ne serait plus une exigence des classes moyennes et laborieuses. Non, si l'Islamisme au pouvoir, comme c'est le cas pour la Nahdha en Tunisie, arrive à accepter les règles du jeu démocratique et l'alternance pacifique au pouvoir. La lutte politique restera dans l'espace « terrestre » et non un défi au messianisme religieux ou à la « volonté de Dieu » ! La Tunisie décrétée laboratoire mondial de l'évolution et de la « modernité » et de « l'Islam », est à un tournant décisif de son cursus. Ou bien, elle réussit à « banaliser » le droit à la différence, la démocratie pluraliste, l'alternance pacifique au pouvoir et à rejeter la violence même si elle est recommandée par les « fous » de Dieu et elle aura réussi son pari de concilier la modernité et la tradition. Ou bien, elle s'enfonce dans les méandres de l'irrationnel religieux fanatique et violent, et alors c'est une nouvelle dictature théologique qui viendra renforcer la tendance ascendante de la nébuleuse islamique mondiale en Tunisie. Seul regret : La Tunisie n'a pas le pétrole de l'Arabie Saoudite, de l'Iran ou du Qatar ! Ce sera donc, en plus, une dictature misérable. Seule certitude aussi : la Tunisie survivra. Elle est éternelle, à moins que la Méditerranée sèche par l'effet d'un accident galactique ! Encore un petit mot, pour la fin, permettez-moi d'avoir une pensée affectueuse et émue à nos deux soldats frappés par le terrorisme aveugle au Jebal Chaâmbi. L'un a perdu une jambe, l'autre pourrait perdre la vue, mais les prédicateurs du terrorisme se promènent en toute impunité dans notre pays ! Ils jouissent de la nouvelle conquête de la Tunisie et nous promettent le paradis… « Le paradis » couvert de sang du « Chaâmbi » ! Au fait, qui leur accorde des visas ! C'est à croire que nos consulats sont en vacances ! C'est vrai que le nouveau ministre des Affaires étrangères vient à peine de débarquer… Nous sommes sûrs qu'il va étudier la chose très sérieusement et prendre les décisions « diplomatiques » d'usage ! A vous de deviner lesquelles, en ces temps, de vaches maigres ! Quelle tristesse !