Faut-il une loi pour immuniser la Révolution, comme s'il y avait une recette bien déterminée, pareille à celle d'un vaccin contre une maladie infectieuse ? Un vaccin est testé au labo, in vitro, et sur des cobayes in vivo, pendant des années, afin de s'assurer de sa fiabilité et des réactions qu'il est susceptible d'engendrer. L'idée de l'immunisation de la Révolution,, dans ladite loi est fondée sur la même idée de préservation des éléments douteux, notamment ceux qui ont fait partie de l'ancien régime de ses rouages depuis 1987 que ce soit au sein du gouvernement, ou au sein des différentes organisations ou institutions faisant partie de ses structures. Cela va du président d'une cellule du RCD, aux membres du comité central du même parti, les membres du gouvernement de Ben Ali, ainsi que les chefs de cabinets ministériels et membres du cabinet présidentiel, en passant par les députés ( mais non les sénateurs, exception qu'on n'explique pas), ajoutez à ceux-là tous ceux qui ont appelé Ben Ali au renouvellement de sa candidature pour les élections de 2014. Toutes ces catégories de personnes sont exclues de la vie politique pendant 7 ans, à compter de la promulgation de ladite loi. Cela implique que les personnes concernées n'auront pas droit de se présenter aux élections, que ce soit en nom propre ou au nom d'un parti auquel elles peuvent appartenir. Manœuvres fallacieuses ? Adopté en ce sens par la commission de législation de la Constituante présidée par Meherzia Laâbidi, le projet de loi soumis au vote en assemblée plénière, a suscité les réactions les plus controversées, et ce aussi bien par les membres de l'ANC que par les différents juristes et experts en droit constitutionnel, ainsi que les différentes organisations de défense des droits de l'Homme. Pour certains, l'immunisation est un prétexte fallacieux, invoqué par le parti majoritaire pour exclure de la vie politique certains éléments qu'ils estiment gênants ce qui leur permettre davantage de dominer sur l'échiquier politique. Car c'est tout à fait pernicieux d'exclure qui que ce soit sous prétexte qu'il a appartenu à l'ancien régime, ou y a collaboré. Qui en effet ne l'a pas fait que ce soit de manière directe ou indirecte. Le chef du parti Ennahdha, n'a-t-il pas, à un moment donné participé au pacte national dans lequel Ben Ali a réuni à l'époque les partis d'opposition et les organisations sociales ? C'est ce qu'affirment des membres de la société civile qui voient dans cette loi une exclusion et une division pour mieux régner. Dans toutes les révolutions passées, cette méthode d'exclusion, s'est avérée inefficace. Ce fut le cas pendant la révolution de 1789 en France où, les révolutionnaires avaient fini par s'entretuer sous prétexte d'exclure ceux qui étaient favorables au régime monarchique. En Russie, tel le raconte Boris Pasternak dans son œuvre le Docteur Givago, l'exclusion, dans le but de la protection de la révolution n'a pu engendrer que la violence et la violation des droits des citoyens, qui n'avaient rien à faire avec la politique, et qui cherchaient tout simplement la sécurité et la quiétude . C'est justement ce que reprochent certains membres de partis politiques, ou des organisations de défense des droits de l'Homme à ladite loi. A l'occasion d'une conférence de presse tenue dernièrement par le parti Nida Tounes, Ridha Belhaj directeur exécutif , ainsi que Lazhar Akrémi, porte-parole dudit parti ont déclaré, qu'en réalité cette loi est pour exclure les personnalités politiques rivales du parti Ennahdha, dans un but des les éliminer de la course électorale. « Hold-up sur les prérogatives de la Justice » ! Par ailleurs certains juristes et experts estiment qu'abstraction faite de sa finalité, Cette loi est de toutes les façons contraire aux principes des droits Humains. L'exclusion, quelle qu'elle soit, est contraire aux principes des libertés publiques. En outre, ce n'est pas de la compétence du législatif de juger des citoyens en les traitant de corrompus pour les exclure en vertu de ladite loi. C'est de la seule compétence du juge. « C'est un hold-up par la Constituante, sur les prérogatives de la Justice », a déclaré le bâtonnier Lazhar Karoui Chebbi. Il a ajouté que cette loi tend à une double condamnation des mêmes personnes, puisque les anciens membres du RCD dissous, ont été déjà déclarés inéligibles, au cours des élections de 2011. Sur le plan juridique, toute personne déclarée coupable, a le droit de se défendre, et il est présumé innocent jusqu'à preuve du contraire. Ces deux éléments ne sont pas garantis à travers cette loi, selon laquelle, il a été procédé à une condamnation collective, alors qu'elle doit être individuelle, dans un souci de Justice, et d'équité. Ghannouchi prend du recul Le secréataire général du parti Ennahdha, a lui-même déclaré dernièrement , dans une conférence de presse que ladite loi nécessite d'être révisée afin d'y apporter quelques modifications, ou restrictions selon le terme qu'il a employé. Est-ce à dire ces modifications pourront remédier aux imperfections de la loi, dans le sens d'un meilleur respect des droits et des libertés publiques. Ces dernières sont consacrées par la prochaine Constitution. Cependant on ne peut pour l'instant invoquer l'inconstitutionnalité de la loi en question, tant que la prochaine Constitution n'a pas été adoptée, et qu'une cour constitutionnelle n'a pas été instituée. Mais au fond et l'avis de la majorité des experts et des membres de la composante civile, cette loi est inconstitutionnelle, étant contraire aux normes internationales de protection des droits humains ainsi qu'à toutes les conventions ratifiés ratifiées par la Tunisie.