De notre envoyé spécial : Ikbal Zalila Pour les talons compensés et les lunettes Prada il faudra repasser. Cette année le parapluie est de rigueur, petit noir pour les plus fauchés, grand marine pour les plus nantis, aux couleurs de l'hôtel pour les Extraterrestres qui paient la nuit à plus de cinq cent Euros. Hiérarchie sans antagonisme de classe sur la Croisette, tout le monde ou presque ici étant acquis aux bienfaits du grand méchant Capital sur le point d'avaler toute crue la Mecque du cinéma si ce n'est pas fait. Quatre jours durant lesquels Bourgeoisie et Prolétariat ont pu égalitairement expérimenter à leur corps défendant, les trombes de pluie qui n'a pratiquement pas cessé depuis le début du festival. Dur pour ceux qui ont tant attendu pour pouvoir s'adonner dix jours durant à leur loisir préféré, le « matage » approfondi. Les bimbos sous des parapluies ce n'est pas très sexy et puis on n'y voit rien ou peut être un petit chouia histoire de ne pas mourir frustré. Mais bon Madame Météo prévoit du soleil pour dimanche, soit une semaine de réjouissances essentiellement plastiques. En attendant on se rabat sur les salles, toujours bondées avec une moyenne de trois à quatre heures de file d'attente pour les projections pour les plus chanceux ceux des badges roses et plus, pour la plèbe, comptez six heures quotidiennes en moyenne, comme quoi on n'échappe pas à sa condition même sous la pluie battante. Pour le cinéma ça commence comme le temps plutôt maussade comme prévu et convenu, Di Caprio a chauffé les foules pour l'ouverture, aujourd'hui c'est au tour de Benicio Del Toro, des valises sous les yeux de susciter l'hystérie des groupies cachées sous leurs parapluies. Partageant la vedette avec Mathieu Amalric dans un film d'Arnaud Depleschin « Jimmy P » (Nous reviendrons dans un article sur le film) Benicio est excellent dans le rôle d'un indien, Jimmy Picard, sujet à des maux de tête terribles du fait de séquelles de la seconde guerre mondiale. Nous sommes aux Etats-unis en 1948, le cas de Jimmy est confié par le patron de la clinique où il est suivi à Georges Devereux Anthropologue, psychanalyste. Un des films les plus intéressants de la compétition de par sa filiation assumée avec l'histoire du cinéma américain mais aussi de par la place qu'y tient la parole, Salvatrice et émancipatrice pour le Jimmy.P, spéculaire pour le thérapeute incarné par Mathieu Aamalric. Second petit coup de cœur « Tel Père, tel fils » du japonais Kore-EdaHirokazu présenté en compétition vendredi soir. Une réflexion sur la paternité, toute en subtilité qui nous donne à voir le vécu de deux familles que tout sépare qu'on informe que leurs fils respectifs ont été intervertis le jour de leur naissance. La paternité biologique semble l'emporter, suite à la décision des deux couples de parents de reprendre chacun son fils éduqué six ans durant dans une autre famille. Pour les enfants à qui on n‘a rien demandé, les liens de sang ne renvoient à rien, leurs papas et mamans sont ceux qui les ont élevés point barre. Kore-Eda a cette qualité très rare dans le cinéma contemporain de la douceur même quand c'est le cas dans tous ses films, les questions sur lesquelles il entreprend de réfléchir sont lourdes. « Tel père, tel fils » parvient par petites touches, sans emphase et par moments dans un décalage jubilatoire à nous donner à penser la question de la paternité. Un rayon de soleil dans la grisaille, en attendant le printemps, le vrai et les plaisirs qui lui sont associés. Prada et talons compensés pour faire comme tout le monde quoi !!