• Concurrent sérieux pour Nida Tounès ? Treize ans après la mort du père de l'indépendance et 26 ans après le hold-up opéré par Ben Ali sur le Parti Socialiste Destourien (PSD), la mouvance destourienne semble renaître de ses cendres... Signe qui ne trompe pas sur le surprenant retour en grâce de cette mouvance l'ancien directeur du PSD et l'ex Premier ministre de Ben Ali, Hamed Karoui a annoncé, hier sur les ondes de la radio Shems FM le lancement d'«une initiative visant à rassembler tous les Destouriens et Rcdistes» dans un seul parti ou mouvement politique. «Nous, en tant que membres du parti qui a offert au pays son indépendance et qui a construit l'Etat moderne et civil, sommes fiers d'avoir servi la patrie. Ainsi, je lance une initiative, qui prendrait la forme d'un mouvement ou parti et qui rassemblera tous les destouriens ou Rcdistes», a-t-il notamment déclaré. Le parti qui devrait être créé par Hamed Karoui s'ajoute à une pléthore de formations qui se réclament du courant de pensée moderniste issu du mouvement réformiste des Jeunes Tunisiens lancé en 1907 et qui a donné naissance au Destour de Abdelaziz Thâalbi en 1920 puis, en 1934, au Néo-Destour conduit par Bourguiba. Plusieurs partis se réclamant de la mouvance destourienne ont déjà tenté de se regrouper au sein de coalitions destinées à leur donner un poids plus important. La dernière coalition en date porte le nom de «Mouvement de Destouriens Libres». Initiée par le journaliste Omar S'habou, cette coalition regroupe déjà six partis. Elle est «ouverte aux destouriens et aux indépendants qui ne sont pas impliqués dans l'ancien régime de Ben Ali». La deuxième coalition baptisée «le Front Destourien» regroupe six partis qui se présentent comme des formations à référentiel destourien et inspirées de la pensée réformatrice bourguibienne. La cheville ouvrière de ce front est le secrétaire général du parti Al-Moubadara (L'initiative), et l'ex ministre des Affaires étrangères, Kamel Morjane. En plus de ces deux coalitions, dont on ignore encore le poids électoral, plusieurs dizaines d'autres partis ont puisé dans le réservoir de la mouvance destourienne. Le plus connu parmi ces partis est incontestablement Nida Tounes (L'Appel de la Tunisie) qui se réclame, lui aussi, ouvertement de la mouvance destourienne et de l'héritage du père de l'indépendance. En l'espace d'une dizaine de mois et sans avoir même présenté son programme, ce parti fondé par l'ancien Premier ministre Béji Caïd Essebsi joue des coudes avec le mouvement islamiste Ennahdha, vainqueur des élections du 23 octobre 2011, dans les divers sondages réalisés au cours des derniers mois ! Et Nida Tounes ? Le parti destourien qu'envisage de créer Hamed Karoui pourrait-il s'allier avec les autres partis destouriens, dont Nida Tounes ? Cette option reste peu probable si l'on se réfère aux déclarations de l'ex Premier ministre. «Personnellement, je n'ai pas intégré le parti de mon ami de longue date Béji Caïd Essebsi, car on m'a fait comprendre que les Rcdistes ne sont pas les bienvenus, qu'ils ne représentent qu'une petite minorité au sein de ce parti. Je suis Destourien et fier de l'être et je n'ai pas à me faire petit, tel qu'on nous a soufflé de faire», a-t-il fait remarquer. En termes plus clairs, Hamed Karoui accuse Béji Caïd Essebsi de fermer la porte de son parti aux membres du RCD. « Mis à part les Rcdistes qui ont nui au pays et dont la Justice se chargera, les autres ont le droit de vivre et d'être actifs, et au grand jour», a-t-il fait remarquer. A travers ces propos conciliants envers les Rcdistes, Hamed Karoui fait les yeux doux pour les quelque 2 millions de membres de l'ex parti de Ben Ali dissous par la justice au lendemain de la révolution. Saisissant la portée de ce message, le leader de Nida Tounes est aussitôt intervenu par téléphone durant l'émission diffusée hier sur les ondes de Shems FM pour préciser que son parti n'a pas l'intention d'exclure les Rcdistes non impliqués dans des affaires de corruption. «Nous avons toujours défendu les Destouriens et pensons que seule la Justice est habilitée à déterminer les coupables. Pour le reste, tout le monde est le bienvenu chez nous», a-t-il précisé. Béji Caïd Essebsi a également évoqué l'amitié qui le lie à Hamed Karoui depuis 63 ans, tout en affirmant qu'il n'y a jamais eu de différends entre eux. Le chef de Nida Tounes a même indiqué, sur un ton plaisantin, qu'il est prêt à céder la présidence de son parti à Hamed Karoui s'il le demandait. Mais Hamed Karoui a poliment rejeté l'offre de l'ancien ministre de Bourguiba. Quoi qu'il ens oit, la création d'un nouveau parti destourien à l'initiative de Hamed Karoui, qui jouit d'une bonne image dans la région du Sahel, n'arrange certainement pas Béji Caïd Essebsi, qui s'est longtemps efforcé d'apparaître comme le légitime et l'unique représentant des héritiers de la pensée bourguibienne. L'ex Premier ministre de transition verrait, en effet, d'un mauvais œil la naissance de ce nouveau parti, surtout à un moment où des rivalités comment à éclater au grand jour entre les courants hétéroclites (Destouriens, gauche, anciens syndicalistes) existant au sein de Nida Tounes.