La formation d'un Front Destourien regroupant, jusqu'ici, sept partis à référentiel destourien et inspirés de la pensée réformatrice bourguibienne, sera annoncée le 28 mars à Tunis, a annoncé hier Tarek Ben M'barek, le coordinateur de ce front. La cheville ouvrière de cette tentative de rassemblement des Destouriens est le secrétaire général du parti Al-Moubadara (L'initiative), Kamel Morjane. Outre ce parti qui dispose de cinq sièges à l'Assemblée nationale constituante (ANC), six autres formations créées au lendemain de la chute du régime de Ben Ali ont donné leur aval pour rejoindre ce front sont le parti Al Watan Al-Horr ( la Patrie libre), La Rencontre Destourienne, Al-Moustaqbel (L'Avenir); la Réforme et l'Unité, le Parti libéral destourien tunisien et le Nouveau parti destourien. «Ce front vise à regrouper tous les partis qui se réclament de la pensée destourienne, laquelle est à la fois issue des pensées de Abdelaziz Thaâlbi, Habib Bourguiba et Salah Ben Youssef: Cette pensée destourienne repose, en somme, sur deux idées clés: le patriotisme bien ancré et la démocratie», précisé Faycel Triki, secrétaire général du Parti libéral destourien tunisien. Qu'en est-il alors du parti Nidaâ Tounes créé par Béji Caïd Essebsi en juin dernier et qui se réclame , lui aussi, de la mouvance destourienne et de la pensée réformatrice bourguibienne? La création de ce nouveau front qui puise dans le réservoir honni mais très convoité des destouriens ne risque-t-il pas d'affaiblir cette mouvance? « Une épine au pied de Nidaâ Tounes A ce propos, les dirigeants du nouveau front destourien restent très évasifs. «La plateforme politique de Nidaâ Tounes est très proche de la pensée destourienne. Dans une deuxième étape, nous pouvons envisager une alliance avec ce parti ou avec d'autres formations qui partagent nos visions», indique Faycel Triki. Même son de cloche ou presque chez Kamel Morjane: « Les dirigeants du mouvement Nidaâ Tounes n'ont pas exprimé leur volonté de se joindre au Front destourien», souligne l'ancien ministre des Affaires étrangères sous Ben Ali, ajoutant que «la porte restera toujours ouverte devant toutes les parties ayant les mêmes principes et objectifs». Quoi qu'il en soit, la création d'un front destourien et le retour en grâce de Kamel Morjane, qui jouit d'une bonne image auprès des Américains, n'arrange certainement pas Béji Caïd Essebsi, qui s'est longtemps efforcé d'apparaître comme le légitime et l'unique représentant des héritiers de la pensée bourguibienne. L'ex Premier ministre de transition qui s'est aussi acharné à défendre bec et ongles le droit des destouriens non impliqués dans des affaires de corruption à participer à la vie politique nationale verrait d'un mauvais œil la naissance de ce front, surtout à un moment où des rivalités commencent à éclater au grand jour entre les courants hétéroclites existant au sein de Nidaâ Tounes. Probable rapprochement avec Ennahdha Certains activistes politiques de gauche et observateurs vont jusqu'à estimer qu'un «marché» aurait été conclu entre Ennahdha et Al-Moubadara. Selon eux, le vote des élus d'Al-Moubadara à l'ANC en faveur du nouveau gouvernement d'Ali Laârayedh, lors de la séance d'investiture, prouve l'existence d'un accord entre les deux partis. L'accord présumé doit permettre à Ennahdha de diviser les destouriens et d'empêcher une union sacrée de cette mouvance autour de Nidaâ Tounes, qui est son principal concurrent selon les sondages. En contrepartie, Ennahdha délaisserait la loi d'»immunisation de la Révolution», qui prive les ex-cadres du régime de Ben Ali, dont Kamel Morjane, de toute activité politique. «« Nous félicitions le mouvement Ennahdha pour son alliance avec le parti de Kamel Morjane », a déclaré le 14 mars sur un ton moqueur Mongi Rahoui, dirigeant du Parti des patriotes démocrates unifié (Al-Watad). Kamel Morjane a démenti ces rumeurs. «Il n'y a jamais eu de marché avec Ennahdha comme en atteste l'interdiction de voyage qui pèse sur moi depuis deux ans», a-t-il indiqué. Dans un communiqué rendu public le week-end dernier, le parti-Al Moubadara a affirmé que son «soutien au nouveau gouvernement émane de la conviction de l'impératif d'un consensus national, notamment en cette période, afin que le pays puisse sortir de la crise». Le parti réitère aussi son «attachement à la nécessité de préserver les institutions de l'Etat et l'unité du peuple». Un ton qui rappelle étrangement le discours d'Ettakatol ou du CPR, les deux alliés déclarés d'Ennahdha...