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«La plus grande menace pour la sécurité de la Tunisie est l'expansion du courant wahhabite » Controverse: Le président du parti de la Justice et du Développement, Mohamed Salah Hedri avertit :
Politologue et religieux, il est aussi le chef du parti d'obédience islamiste de « la justice et du développement ». Dans cette interview, Mohamed Salah Hedri, ancien haut officier de l'armée nationale, nous donne un état des lieux de la situation en Tunisie et analyse les retombées des choix stratégiques de nos politiques. Le Temps : Comment trouvez-vous la situation dans le pays aujourd'hui ? Mohamed Salah Hedri : Elle est inquiétante mais pas catastrophique. On peut, avec des décisions politiques courageuses et révolutionnaires, remédier à cette situation, chose qui n'est pas le propre du parti au pouvoir actuellement. Le gouvernement doit rétablir l'ordre à travers tout le pays et donner un coup de fouet à l'économie du pays en encourageant l'investissement intérieur et extérieur. Pour les causes, on peut citer l'exemple du désordre sécuritaire, du manque de confiance entre gouvernants et gouvernés et le prolongement inquiétant pour l'opinion publique de la période transitionnelle. Les revendications sociales et les grèves et les sit-in qui s'en suivent deviennent exagérés. Sans oublier la justice transitionnelle qui tarde à venir. Les résultants économiques sont, par ailleurs, désastreux. Les chiffres ne manquent pas pour affiner cette idée. Vous avez déclaré il y a peu de temps que le tiers des mosquées actuellement sont sous contrôle des salafistes ? Comment le prouvez-vous ? C'est le ministre des Affaires religieuses, Nourreddine khadmi qui l'a dit en expliquant que toutes les mosquées seront sous le contrôle de l'Etat dans un an. Ce délai m'a étonné parce que seule une politique ferme peut assainir nos moquées de toute intervention wahabbite. Sauf que là il s'est avéré que le ministre des affaires religieuses est adepte de ce courant rigoriste et littéraliste. C'est bien lui qui a nommé Béchir Belhassan, imam de la mosquée de Mssaken. Celui-ci est un leader du courant wahabbite quiétiste (Wahabia ilmia) qui croit que la meilleure stratégie qui mène au pouvoir est celle de s'allier avec le pouvoir en place. La doctrine adoptée par la Zitouna est malékite acharite, expliquez-nous la différence entre l'Islam tel qu'il est prôné par cette école sunnite et celui auquel appellent les wahabbites. Les wahbbites qui se réfèrent à la pensée de Mohamed Ibn Abdelwahab qui a vécu en Arabie dans le Sahara de Najd depuis 250 ans. Il été élevé dans le giron du sunnisme par un père qui lui a inculqué les préceptes de l'école hanbalite avant même qu'il les rejette. La pensée d'Ibn Abdelwahab est par ailleurs inspirée de celle dictée par l'Imam Ibn Taymia. On peut en retenir l'idée de la personnification d'Allah et la question de considérer objet d'hérésie l'innovation ( Bidaa). Ces imposteurs salafistes du temps d'Ibn Abdelwahab ont propagé leur pensée dans un environnement arabique connu par son ignorance de la chose religieuse. La pensée wahabbite se résume à une lecture littérale du texte coranique. Alors que les sunnites appréhendent le texte saint en prenant en ligne de compte la complexité de la langue arabe des temps anciens et le contexte de la révélation. Exemple : les wahabbites considèrent qu'Allah a des yeux et des mains, et qu'il siège sur son trône. Alors qu'Allah a créé le temps et l'espace et donc il ne peut être qualifié selon des critères spatio-temporels. Les wahbbites considèrent comme étant innovation tout ce qui a été édicté par les jurisconsultes musulmans après la mort du Prophète, comme par exemple. J'en cite des exemples : la lecture du Coran dans les cimetières, Doua al Kounout qui se fait lors de la prière du matin (Sobh), la célébration de la fête du mouled, les pratiques soufies, etc. alors qu'une lecture considérée des textes du coran et des hadiths authentiques le permettent. Pour les wahhabites, les savants musulmans ayant vécu avant et après Mohamed Ibn Abdelwahab sont taxé d'apostasie, comme Cheikh Mohamed Tahar Ben Achour, ou Ibn Khaldoun, ou encore Cheikh Il Azhar Khidhr Hassine, (d'origine tunisienne). Plus grave encore est le fait que ces imposteurs salafistes propagent leur pensée selon trois étapes : la théorisation, l'apostasie et les attentas terroristes. A quelle étape sommes-nous ? Les attentas terroristes, malheureusement. On peut citer l'exemple des évènements du Mont Chaâmbi. Les imposteurs salafistes ont utilisé des mines anti-personnelles interdites par le droit international. Ils sont ainsi considérés comme étant des criminels de guerre. Ces gens-là renouent avec leur expérience en Afghanistan, en Iraq, en Bosnie et en Syrie. Leurs mines artisanales ne peuvent pas être repérées par les détecteurs de métaux de l'armée tunisienne. Dans la foulée, je crois que Rached Ghannouchi a élevé un tigre et qu'une fois grandi, celui-ci s'est attaqué à son maître. Nous avons aujourd'hui des informations par rapport à l'existence de plusieurs caches d'armes. Certains lieux ont été localisés par les agents de l'ordre et sous la pression de quelques parties qui ont donné leurs instructions, les armes n'ont pas été saisies. Mais l'on se demande pourquoi donc ces gens-là usent-ils des armes de guerre. La réponse est simple, ils attendent le temps opportun pour s'attaquer aux forces armées. Est-ce vous croyez vraiment que ce que vous appelez les ‘'imposteurs salafistes'' sont les alliés stratégiques d'Ennahdha ? Rached Ghannouchi, lui-même est wahabbite. Il est le leader de ce courant en Tunisie. Il est une catastrophe pour notre pays. Le président du parti au pouvoir est un stratège qui sait trouver le juste milieu pour ne pas défaire ses alliances en même temps avec la Troïka et les imposteurs salafistes. Cette fois, le parti Ennahdha a décidé de sacrifier quelques têtes pour ne pas rompre l'alliance avec ces dits salafistes. Après le discours au ton sévère de Ali Laaraiedh fait au Qatar à l'encontre des pseudo-salafistes, les jugements rendus (2 ans de prison avec sursis) dans l'affaire de l'attaque de l'ambassade américaine à Tunis le 14-09-2012 montrent que la justice n'est pas encore indépendante et que le parti au pouvoir est revenu à sa politique initiale qui consiste à caresser le dos des pseudo-salafistes dans le sens du poil. Cela dit, ils ont le même but, qui est la promotion du wahabbisme. Seules les méthodes diffèrent : Ghannouchi emploie une tactique de guérilla politique alors que ses alliés soi-disant salafistes des ‘'Anssar Chariaa'' sont des anarchiques qui agissent sans réfléchir. D'ailleurs ils sont recrutés parmi les anciens prisonniers du droit commun et des délinquants à qui un lavage de cerveau se pratique plus aisément. Je crois dur comme fer que la plus grande menace à laquelle se heurte l'Etat est l'expansion de la pensée wahhabite. Ces imposteurs salafistes reçoivent un financement de la péninsule arabe. La Tunisie se retrouve en plein dedans dans un conflit d'intérêt entre deux forces qui veulent imposer leur hégémonie dans le monde arabe et musulman, à savoir la pensée wahhabite et la pensée chiite. Sauf que la seconde ne compte pas se propager à la pointe de l'épée. Vous êtes un salafiste pourtant ? Que pensez-vous du projet de la constitution ? Tout-à-fait je le suis. Tous les Tunisiens croyants et pratiquants sont des sa lafistes. Pour ce qui est de la constitution, nous sommes à la troisième mouture de ce projet. Le parti de la justice et du développement est contre ce projet pour deux raisons. La première est que le coran et la sunna ne sont pas pris comme référence pour la législation positive afin d'éviter des textes de lois contraires à la Charia, comme l'interdiction de la polygamie et l'adoption. Nous ne reconnaîtrons pas cette constitution si elle passe telle quelle et avec un vote aux deux tiers à l'ANC. Par contre nous serons obligés de la respecter si elle est adoptée grâce à un référendum. A mon sens la présentation de la version finale du projet de constitution devant l'ANC va encore prendre du retard puisque d'après les déclarations, au cours de cette semaine, de quelques membres de l'ANC, une 4ème mouture est en cours de préparation.