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Ces prédicateurs qui nous divisent...
Tournée du «cheikh» Nabil El Aouadhi en Tunisie
Publié dans La Presse de Tunisie le 30 - 01 - 2013

En pleine crise politique et alors que le projet de Constitution coince sur l'essence même de l'Etat et de la République, la tournée d'un prédicateur wahhabite s'attire les feux de l'actualité, l'indignation publique et la courtoisie gouvernementale. Entre ceux qui y voient un affront et un péril et ceux qui le saluent comme une expression de liberté, une nouvelle polémique éclate. Pourquoi le défilé des prédicateurs wahhabites en terre tunisienne est-il si courtoisement accueilli par les uns et fait-il si peur aux autres ?...
Pour le large public, tout a commencé par une image. Celle d'une fillette toute de rose vêtue et rigoureusement voilée suçant le pouce et séchant à peine des larmes qui trempent un côté du voile...
«Cheikh» El Aouadhi, les dangers des dessins animés et les bienfaits du voile des fillettes...
Au-delà du zoom, elles sont une vingtaine de petites filles âgées entre trois et cinq ans, habillées des mêmes jilbabs multicolores et voilées avec la même rigueur. Elèves d'une école coranique de Zarzis, elles étaient, ce jeudi-là massées à l'entrée de la ville pour accueillir «Cheikh» Nabil El Aouadhi, un prédicateur du Golfe, connu pour ses prêches enflammés sur les supplices de la tombe, la fin de l'Histoire et les dangers des dessins animés... Invité par un collectif d'associations religieuses, le prédicateur de renom arrivé en cortège hollywoodien devait promouvoir à Zarzis comme à travers d'autres villes de Tunisie les antennes d'une association préscolaire pour fillettes voilées intitulée «Ennour Yaktamil» (La lumière fut ). Auparavant, accueilli à l'aéroport de Tunis-Carthage par le conseiller du président de la République, puis par le ministre des Affaires religieuses, Nabil El Aouadhi déclarera à la chaîne Ezzitouna que son projet a obtenu l'approbation du ministre. Mais l'image et l'indignation qui s'ensuit en décideront autrement quand au bout du fil de la chaîne Ettounsia, le prédicateur démentit lundi soir avoir présenté son projet au ministre.
Relayées par les réseaux sociaux, images, reportages, interviews de fillettes voilées filmées par la chaîne Ezzitouna à l'occasion de la visite du prédicateur, ont en effet suscité rage et émotion. Personnalités indépendantes, partis d'opposition et associations dénoncent le projet d'El Aouadhi comme «une humiliation envers le pays, une transgression de la spécificité de son islam des lumières qui en aucun cas n'impose de voile aux petites filles.» Pédopsychiatrie à la rescousse, des spécialistes de l'enfance démontrent les traumatismes causés par le voile, aussi bien chez les petites filles que chez les garçons brimant le jeu, la simple mouvance dans l'espace et jusqu'au processus de reconnaissance et d'identification entre les sexes indispensable à la formation de l'identité sexuelle. (Lire encadré Endoctrinement)
Quand la forteresse des ulémas devient terre de prêche des «cheikhs»
Mais entre ceux qui condamnent une «violation de l'enfance», un «affront contre la souveraineté du pays» et ceux qui saluent l'initiative du «cheickh» et l'expérience des fillettes voilées comme une expression de liberté acquise à la faveur du 14 janvier, la tournée d'El Aouadhi et son programme de prêches à travers les mosquées de Tunisie attise à nouveau la polémique autour de l'importation du courant wahhabite en Tunisie. L'affaire rappelle de près celle de la visite, en février 2012, d'un Wajdi Ghonim, connu pour son apologie de l'excision féminine, son interdiction de la démocratie, sa criminalisation du sport féminin.
Ainsi, à coup de publicité, de tapis rouges ou de silence tactique, suscitant plus ou moins de réactions, le défilé des «cheikhs» wahhabites a commencé bien avant Ghonim et devra se poursuivre bien après El Aouadhi. Tout porte à le croire à la lumière de l'attitude mitigée de la classe au pouvoir qui accueille avec courtoisie forcée ou réelle complicité les prédicateurs du Golfe. Si selon le chef du parti Ennahdha, le wahhabisme et sa filière salafiste «marquent l'avènement d'une nouvelle culture», le gouvernement de la Troïka, use de l'alibi démocratique pour n'exclure personne de la terre tunisienne. Interviewée par la chaîne Ettounssia, la ministre des Affaires de la femme et de la Famille, Siham Badi choisit de répondre à côté et de noyer le risque du voile des fillettes et de l'endoctrinement wahhabite des enfants dans la mare de tous les périls qui les guettent : «Internet, la drogue, la pauvreté... sont autant d'autres menaces que vous devriez aussi dénoncer et ne pas instrumentaliser politiquement un seul problème ...»
Jouissant en définitive d'une liberté légitime pour les uns, et abusive pour les autres, les cheikhs wahhabites multiplient les tournées, les conférences populaires, les prêches dans les mosquées et les déclarations, exultant de fouler un sol interdit depuis des siècles (Lire encadré Revanche du Wahhabisme) et de diffuser un courant qui n'y a jamais été le bienvenu. Associations, écoles coraniques tournées vers l'enseignement de la doctrine wahhabite, financements généreux d'œuvres acolytes, tous les moyens sont désormais utilisés pour encadrer une enfance et une jeunesse sous l'œil ou hors du contrôle des parents.
«Islam contre Islam»
«Il faut protéger l'islam tunisien des dérives et des perversités du courant wahhabiste contre lesquelles il a su se blinder depuis des siècles !...» Le cri du cœur et de la raison lancé par Docteur Mohamed El Kamel Sâada, imam zeïtounien et magistrat à la retraite sonne comme un signal d'alarme. Relatant les épisodes successifs de l'échec du courant wahhabite en terre tunisienne, l'imam propose deux voies : «L'Etat doit prendre toutes ses responsabilités et agir pour nous protéger de ce fléau. En second plan, il appartient à la société civile, aux élites et, notamment, aux associations religieuses de combler les espaces vides, développer la culture et les sciences charaïques, promouvoir la foi malékite qui a toujours protégé la Tunisie du savoir et des lumières...»
Islam malékite contre courant wahhabite... Cela peut-il suffire à renverser la puissante et fort prospère tendance wahhabite à jouir d'un tout nouveau leadership en terre interdite ? Rien n'est moins sûr au regard du contexte politique local et géostratégique... A moins peut-être d'un sursaut culturel aussi puissant et profond qui ressusciterait l'exception tunisienne...
Revanche du Wahabisme
En 1744, Mohamed Ibn Saoud, émir local de Najd, une région de la péninsule arabique, signe avec un réformateur musulman, Mohamed Ibn Abdel Wahhab, un pacte appelé plus tard le Pacte de Najd. L'alliance politico théologique avait pour objectif de «faire triompher la parole de Dieu, même si cela devait passer par les armes» et de consacrer une union sacrée entre les prêcheurs et les sultans, laissant aux premiers la liberté d'endoctriner les peuples et aux seconds celle de les gouverner sans partage. Après deux brèves tentatives au dix-neuvième siècle, Abdelaziz, un membre de la famille Al-Saoud, descendant de l'émir de Najd, va s'emparer de Ryadh en 1901 et conquérir une partie importante de la péninsule, dont les villes saintes de la Mecque et de Médine. Le Royaume d'Arabie Saoudite ainsi créé va défendre et protéger la doctrine de Mohamed Ibn Abdelwahab. Cette doctrine est contenue dans un simple bréviaire intitulé «Le livre de l'Unicité», fondé sur une lecture rigide de l'islam, le rejet des innovations, le refus des intercessions. Quinze siècles sont mis entre parenthèses. Un refus total de l'histoire, de l'accumulation du savoir, des sources, de l'interprétation... Le wahabisme connaîtra son âge d'or après 1973, quand les revenus pétroliers du royaume explosent et lui permettent de financer des institutions puissantes à travers le monde en s'appuyant sur l'exportation de milliers de prêcheurs et sur l'ouverture des écoles à l'intérieur du royaume pour les étrangers. Dès les années 90, la création des chaînes satellitaires permettra d'ancrer le wahabisme, par le biais de prêches en boucle, à l'intérieur même des familles arabes. Quant aux années 2000, elles marquent l'entrée du Net au service de l'embrigadement des jeunes et des entraînements au Jihad. L'armement et l'usage des technologies numériques permettent de créer sur e terrain le lien entre le wahhabisme et sa filière salafiste. Dans son livre le «Pacte de Nadjd : Ou comment l'islam sectaire devient l'Islam» publié en 2007, le politologue tunisien Hamadi Redissi a exploré l'histoire de l'Islam wahabite au fil d'une enquête croisée sur le wahabisme et l'islamisme moderne et a démontré les «affinités électives entre le salafisme et le wahhabisme», ses «liaisons dangereuses avec l'islamisme», le prosélytisme, l'alliance avec diverses puissances étrangères dont les Etats-Unis et... l'argument du pétrole...
Le savant zeïtounien Mohamed El Kamel Saâda, explique l'exportation actuelle du courant wahabite au fil des périples des prédicateurs par une revanche sur les échecs historiques répétés accusés par ce courant devant le fort pouvoir d'argumentation scientifique des ulémas zeïtouniens. Le premier remonte à 1810, date de la réponse désarmante des ulémas tunisiens à une correspondance wahabite, et marque la supériorité de la conférence d'Ahmed Abi Dhiaf sur le maigre exposé d'un cheikh emblématique dans l'enceinte de la mosquée Ezzitouna. Le second échec aura lieu en 1966 et le troisième en 1975, quand les disciples se chargent eux-mêmes de congédier les cheikhs à court d'arguments.
Faute de prêcher dans les mosquées tunisiennes, les cheikhs trouveront alors dans les chaînes satellitaires le meilleur outil d'atteindre notre société.
Hedia BARAKET
Périls de l'endoctrinement
«Le kouttab a toujours existé. Cela a été depuis toujours notre jardin d'enfants. Les écoles coraniques dans le sens du kouttab ce n'est pas de l'endoctrinement mais de l'apprentissage des textes coranique. Alors qu'est-ce qu'on entend aujourd'hui par école ou association coraniques ? Si c'est pour faire de l'endoctrinement, c'est grave !» éxplique la psychanalyste Hajer Karray. Mais ce qui est plus grave encore, ajoute-t-elle, c'est que, dans le prolongement même de cette logique, les écoles primaires, les collèges, les lycées seront aussi des institutions où l'embrigadement pourra se poursuivre. «Et si c'est le cas, nous n'allons plus nous reconnaître ni reconnaître nos enfants.» La question, pour la psychanalyste, est de savoir si c'est le premier jalon qu'on pose aujourd'hui pour s'étendre progressivement. «Dans ce cas, nos enfants sont en danger. On va probablement créer des fondamentalistes, des extrémistes. Sur le plan de la personnalité, l'enfant ou le jeune sujet à l'endoctrinement n'existe plus. Il n'a plus de personnalité. Il n'y a plus d'hommes, plus de femmes, il y a des instruments de propagande ou de violence. L'endoctrinement par essence permet d'annihiler la pensée. On ne pense plus et si on ne pense plus, en tant qu'humains on n'existe plus. On n'est plus des individualités à part entière, on est annihilé. En contre-partie, on est instrumentalisé. On devient l'outil de cet endoctrinement. Les crimes commis contre l'humanité sont commis par des hommes. Mais ce sont des hommes qui ont perdu leur humanité à cause de l'endoctrinement qui est derrière...». Le cri de la psychanalyste sera-t-il entendu par des parents eux-mêmes obnubilés par l'utopie de mettre quinze siècles entre parenthèses ?... H.B.


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