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Pour redécouvrir le patrimoine oasien à Chénini Gabès ...
Patrimoine et agriculture: L'agroécologiste Pierre Rabhi en Tunisie...
Publié dans Le Temps le 06 - 06 - 2013

Ils étaient nombreux, samedi 18 mai, à être parmi celles et ceux qui ont voulu voir de près, en chair et en os, celui dont ils avaient entendu tout le bien, et écouter de si près le discours dont ils connaissaient l'engagement et la pertinence.
Ils sont venus de l'intérieur de l'île et d'ailleurs, des responsables locaux, des représentants de la société civile, des paysans, des fonctionnaires, des enseignants, des élèves, beaucoup de Français résidents à Djerba, tous étaient au rendez-vous pour réserver à Pierre Rabhi l'accueil qui sied à sa renommée dès son entrée au patio de Zaouia Sidi Abdelkader, siège de l'Association pour la Sauvegarde de l'Île de Djerba , organisatrice de l'événement, et où il devait tenir une conférence sur l'agroécologie et l'avenir de l'agriculture traditionnelle. Avant de venir à Djerba dans le sillage de son bref séjour dans notre pays, il s'est rendu à Chénini Gabès pour y retrouver de vieilles amitiés nouées de longue date lorsqu'il était venu participer à un symposium organisé par l'Unesco en 1994 sur les oasis en tant que patrimoine mondial. Il ne s'est pas rendu à Djerba pour profiter de son soleil, ni de ses plages, mais pour prendre contact avec la terre nourricière, avec les paysans qui la travaillent, pour prendre connaissance des pratiques agricoles en vigueur dans l'île. A cet effet, on lui a fait visiter la campagne djerbienne où il a eu à visiter des parcelles cultivées et à s'entretenir avec deux fellahs s'adonnant à l'agriculture écologique, à Oued Zbib et Sédghiane. Le contact, quoique neuf, était fructueux et facile à établir entre Pierre Rabhi et ses interlocuteurs ; cet homme modeste, spontané, naturel, communicatif et plein de douceur avait tout pour mettre à l'aise son vis-à-vis, pour ne point l'incommoder, pour l'écouter et lui prodiguer ses précieux conseils.
Qui est Pierre Rabhi ?
Pierre Rabhi est un agriculteur philosophe, un humaniste absolu, convaincu et un essayiste français d'origine algérienne. Il a été à l'origine de nombreuses structures, nées de sa propre initiative ou de ses idées : l'associationTerre & Humanisme le Mouvement des Oasis en Tous Lieux, le centre agroécologique Les Amanins, la Ferme des enfants-Hameau des Buis et plus récemment Colibris - le Mouvement pour la terre et l'humanisme
Sa vie se résume en une protestation acharnée contre l'ordre des choses qu'il juge « indigne de l'intelligence généreuse dont le monde a un besoin vital », en une insurrection contre cette « pseudo-économie fondée sur le toujours-plus qui sape les piliers sur lesquels repose tout l'édifice auquel l'humanité doit sa propre pérennité ». Il a passé quarante ans de sa vie à mener inlassablement un combat contre « cette idéologie sans intelligence » qui prône la croissance à outrance, qui favorise le superflu au détriment de l'indispensable. Infatigable militant, il s'est employé sans relâche à vouloir changer les choses et à aspirer à une société plus écologique, plus humaine. Il défend un mode de société plus respectueux de l'homme et de la terre et soutient le développement de pratiques agricoles respectueuses de l'environnement et préservant les ressources naturelles, Ses engagements en faveur d'une agriculture biologique et écologique, humaine et salvatrice ont fait de lui le pionnier et le porte drapeau de l'agroécologie, le maître à penser de l'agriculture écologique et un expert international pour la sécurité alimentaire et la lutte contre la désertification auprès de l'ONU. De l'enfant des sables du désert algérien où il est né en 1938, il est devenu le philosophe trônant au sommet dans son domaine de prédilection ; du paysan sans frontières se déployant sans calcul à faire œuvre utile là où il est sollicité, il est vite devenu l'expert de l'ONU ; du faiseur de causeries dans sa ferme dont il avait métamorphosé la terre aride et rocailleuse, il est devenu le conférencier chevronné habitué des amphithéâtres qui a tout pour séduire et pour drainer à chaque apparition la grande foule ; du jeune agriculteur de l'Ardèche où il s'était installé en 1960 il est vite devenu le porte-drapeau de l'agroécologie dans le monde.
Interview : “Je n'ai pas envie d'être parmi ceux qui détruisent la nature”
Qu'est-ce que l'agroécologie dont vous êtes un fervent défenseur?
Pierre Rabhi : L'agriculture a été investie par la chimie ; on a introduit la formule pK, le nitrate, le phosphore, le potassium, etc…et on a constaté que cette technique était très négative pour les sols, pour l'environnement, pour la santé publique, pour l'eau. L'agroécologie est une réaction à cette dérive, c'est-à-dire une agriculture qui propose en quelque sorte des antidotes à ces techniques nocives. A partir du moment où on a compris, en observant la nature, que rien ne se perd, que rien ne se crée, et que tout se transforme, on s'inspire de ce que fait la nature pour créer une agriculture qui puisse maintenir les sols vivants, qui puisse maintenir tous les cycles de la vie, et qui permette d'améliorer, même dans des situations difficiles comme celles que j'avais eu à confronter lorsque je décidai avec ma femme en 1960 de quitter Paris pour nous installer en Ardèche sur un sol aride et rocailleux. On constate alors qu'avec l'agroécologie on améliore la fertilité des sols, le travail des sols, la qualité de la nourriture, donc on n'est pas du tout dans l'agriculture moderne qui produit et détruit, mais plutôt dans la logique de produire et améliorer, de produire et soigner, de produire et prendre soin de la qualité du patrimoine nourricier. Voilà en gros ce que représente l'agroécologie, une grande alternative, une réponse à la problématique alimentaire mondiale.
D'où puisez-vous cette confiance en l'agroécologie que vous considérez comme « la grande alternative » à l'ordre des choses prévalant ?
Je n'ai pas envie d'être parmi ceux qui détruisent la nature vis-à-vis de laquelle nous avons une lourde responsabilité puisque c'est avec la nature qu'on fait l'agriculture, que c'est à la nature qu'on doit la vie, et qu'il nous faut de penser aux générations futures auxquelles on est en train de vouloir transmettre un patrimoine détruit, réellement détruit, empoisonné, une terre morte, et on n'a pas le droit. Je ne veux pas baisser les bras face à un délit aussi énorme et grave ; c'est pourquoi je m'acharne à essayer d'expliquer, non seulement verbalement, mais en venant en aide aux paysans et aux agriculteurs, en leur enseignant à prendre soin de la terre et de la vie de façon que les générations futures seront satisfaites de nous, non qu'elles nous maudissent pour leur avoir transmis un patrimoine détruit.
Le combat que vous avez mené et que vous continuez à mener est-il gagné ?
Pierre Rabhi : Si les consciences s'éveillent, et qu'elles décident de rentrer dans le combat, on sera gagnant, on peut évidemment gagner ; mais si les gens restent dans l'ignorance, s'ils continuent à s'adonner aux mêmes pratiques, on va évidemment vers un échec généralisé, vers l'échec le plus retentissant qui soit pour l'humanité, parce ce qu'on interrompt le cycle de la vie et c'est extrêmement grave. Aucun, à lui seul, ne peut changer le monde, mais chacun de nous a un pouvoir là où il est, une part de responsabilité à assumer, un rôle à jouer à son échelle, à commencer par l'attitude qu'il peut porter aux autres. Tel le petit colibri qui, selon la légende amérindienne, s'affaire sans relâche, en dépit de ses limites, à vouloir éteindre le feu de forêt, convaincu qu'il doit faire sa part. J'ai lancé le Mouvement Colibri qui tire son nom de cette légende selon laquelle la réussite d'une entreprise collective est liée à la convergence de tous les actes individuels, que le changement commence par chacun de nous.
Dans quel contexte s'inscrit votre bref séjour en Tunisie ?
Pierre Rabhi : Le premier séjour fait en Tunisie remonte à l'année 1992 quand j'ai été invité à une sorte de congrès sur les oasis organisé par une association qui m'a invité. Le thème était les oasis en Tunisie, patrimoine mondial. J'ai participé à ce symposium et il m'a été donné de visiter l'oasis de Chénini Gabès, une merveille, un joyau extraordinaire de l'humanité pollué, dégradé, détruit, et j'ai décidé de participer à sa réhabilitation dans la mesure où je pouvais, en introduisant justement une pratique écologique de gestion du milieu. C'est depuis que je me suis engagé : une association intégrée a été créée, l'ASOC en l'occurrence ( Association pour la Sauvegarde de l'Oasis de Chénini), et un programme a été mis en place. Je suis revenu pour un petit séjour qui m'a permis de constater qu'il y avait une très belle mobilisation des gens, tant à Chénini qu'à Djerba où je suis maintenant. Je suis de tout cœur avec vous. Je vais prendre l'avion de retour, mais je suis résolument déterminé à participer au travail qui se fait ici de toutes les personnes qui se mobilisent pour faire du bien à Djerba. C'est pour cette raison que j'ai séjourné pour visiter, pour voir, pour prendre contact avec des gens dont j'ai évalué la mobilisation et la détermination, et ma décision est de participer.
Vous avez pris connaissance, à travers les visites de terrain, de l'état des lieux inhérents à la pratique agricole dans l'île. Est-ce que vous estimez qu'il y a un potentiel à même d'inciter à la réflexion, à l'action, et à la participation ?
Je ne peux pas ne pas être sensible au travail formidable que fait votre association (l'Association pour la Sauvegarde de l'Île de Djerba) et à l'effort remarquable que déploient les gens chez qui j'ai perçu une forte détermination. Dans la mesure de mes humbles moyens, j'appuie, j'accompagne, je suggère, on met un plan global de réhabilitation, on œuvre pour la mobilisation des consciences. Quand je vois ici une mobilisation de ce genre, une telle détermination, une telle volonté de bien faire, je suis donc profondément touché et j'ai envie de participer.
Vous êtes l'initiateur de Terre et Humanisme ; à quel effet avez-vous lancé ce mouvement?
Terre et humanisme est une association créée pour le déploiement de l'agroécologie en France et à l'international. Toute l'humanité est à la terre, et personne n'est hors du lien à la terre ; l'Humanisme, c'est comment l'humanité va évoluer avec moins de violence, avec plus de fraternité. Le plus souvent, les gens confondent entre humanisme et humanitaire. Nous ne faisons pas de l'humanitaire, mais de l'humanisme parce que c'est quand il n'y a pas d'humanisme qu'on a besoin d'humanitaire, et si on partageait, si on était sensible les uns et aux autres, on ne créerait pas la misère et des poches de misères qu'il faut ensuite secourir. Pour nous, l'humanisme, c'est la démarche par laquelle nous voulons ancrer le plus de fraternité, d'amour entre les gens de façon à éviter les guerres, la violence, les misères.
Terre et humanisme Tunisie, est-ce envisageable ?
Du moment qu'il y a une volonté des gens concernés, et si on considère que c'est une belle initiative et que tout le monde est prêt à la soutenir, je ne peux lui être que favorable, nous amenons ce que nous pouvons en termes de moyens, on crée une synergie entre les différentes associations agissant dans le même sens, qui ont les mêmes idées, les mêmes aspirations, à même de constituer cette structure qui aura l'avantage de mener l'essentiel de leurs actions auprès des paysans dans les villages, de les former, d'être un lieu de rencontre, de concertation. L'association Terre § Humanisme est présente dans plusieurs pays du monde dont cinq en Afrique, et elle souhaite renforcer ses capacités de réponse aux sollicitations extérieures, et c'est à cet effet que s'inscrit mon séjour en Tunisie.


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