Il y a, dans la vie politique, des épisodes marqués par des événements majeurs qui participent à dissiper le nuage et à offrir une vue dégagée permettant ainsi de bien cerner le paysage et de se le représenter dans sa vraie dimension et sous tous ses aspects. Ces étapes nous renseignent, donc, sur les vraies tendances et les vrais projets enrobés de discours prétendument modérés et rationnels et que trament chacun des acteurs de la scène politique qui ne peuvent plus de ce fait dissimuler le fond de leurs intentions. La chose se vérifie davantage chez les récidivistes parmi eux. Dépassements flagrants Al Jomhouri, encore une fois lui, tend la perche à Ennahdha pour l'aider à dépasser ses difficultés et sortir de son isolement politique dont les contours se dessinent chaque jour davantage pour devenir infranchissables. Il prend la défense de la 4ème mouture présentée comme étant le projet final de la constitution en dépit de ses imperfections à tous les niveaux et ce de l'avis de tous les spécialistes du droit constitutionnel. Le rapporteur de la constitution au sein de l'ANC est accusé par les députés de l'opposition et certains de la Troïka dont Amor Chétioui de s'être immiscé dans les travaux des cinq commissions et d'en avoir, profondément, altéré les contenus des rapports. Les soupçons portent, également, sur la commission mixte de coordination et d'élaboration de la constitution en raison de sa hâte dans la vérification du contenu du texte paraphé par son président, Mustapha Ben Jaâfar qui déclare que sa version n'est pas définitive et que des amendements y seront apportés, au cours de la séance plénière, conformément aux recommandations du dialogue national dont ils n'ont même pas attendu la fin des travaux, comme convenu, pour prendre leur décision. Mais de tels amendements seraient-ils possibles avec une majorité qui est nettement en faveur de la Troïka ? On adresse la même question à Issam Chebbi qui se montre aussi rassurant et aussi optimiste quant à la soi-disant amélioration de ce projet. De faux alibis Il s'inscrit en faux contre les affirmations des spécialistes qui dénoncent, en particulier, la rédaction de l'article141 qu'ils soupçonnent de laisser la porte grand ouverte à une éventuelle révision de l'article 1 de la constitution relative à l'appartenance culturelle arabo-musulmane en direction d'un Islam en tant que religion de l'Etat, ce qui installerait un Etat théocratique gouverné par la charia où les droits et libertés seraient tout à fait annihilés. Cela cadre parfaitement avec la déclaration faite par Moncef Ben Salem, ministre de l'enseignement supérieur, qui prêche une constitution empreinte de l'idéologie d' Ennahdha. Loin de ces anticipations très plausibles, l'état actuel de la mouture justifie de telles craintes, étant donné que les libertés de presse et d'expression ainsi que l'indépendance de la justice sont d'ores et déjà menacées. Toutes ces menaces attestées et expliquées dans les détails par les constitutionnalistes sont démenties par Al Jomhouri qui, comme d'habitude, fait l'avocat du diable en essayant de présenter le projet de constitution comme étant positif dans l'ensemble et en justifiant sa position par sa volonté de faire avancer les choses pour rapprocher la date des élections oubliant par là que le peuple tunisien ne veut pas de n'importe quelle constitution mais d'une qui réponde à toutes ses attentes qui étaient, clairement, exprimées dans les slogans qu'il a scandés au cours de la Révolution, à savoir « travail, liberté, dignité nationale » dont on ne trouve pas de traces, puisque les droits économiques et sociaux y font défaut. De plus, faire accélérer le processus sur une telle base ne fait pas évoluer la situation, bien au contraire, cela risque fort de l'entraver encore plus, car les députés de l'opposition sont déterminés à intenter un procès contre le rapporteur général et la commission mixte de coordination et d'élaboration de la constitution en saisissant le tribunal administratif en vue de l'annulation des décisions prises par ces parties qui ont, estiment-ils, dépassé leurs prérogatives. Ce qui remettrait la date des élections à une date indéterminée et compliquerait la situation davantage. Donc, cet argument simpliste avancé par Al Jomhouri ne tient pas la route. La perche tendue Ce parti jette encore une fois le gilet de sauvetage à Ennahdha dont la participation au dialogue national n'était pas sérieuse du tout et ce de l'avis de tous ceux qui y ont pris part y compris leurs partenaires tels que Al Massar, et certains d'entre ces participants sont allés jusqu'à dire que cela était entrepris de sa part dans le dessein de rompre son isolement politique. Al Jomhouri a déjà offert ses services au parti au pouvoir lors de ce qu'on appelait « l'initiative de Hamadi Jebali », le jour de l'assassinat de Chokri Belaïd, et la tournure des événements a prouvé qu'elle n'était conçue que dans le but d'absorber la colère populaire mugissante et grandissante. A l'occasion, Ahmed Néjib Chebbi n'a pas tari d'éloge sur l'ex chef du gouvernement en le qualifiant d'homme de confiance lorsqu'il a dit que « aujourd'hui, Mr Hamadi Jebali vient de gagner un capital confiance » (voir notre article du 21 février dernier). Ce témoignage est intervenu après le premier assassinat politique de depuis l'indépendance du pays et dont il assume l'entière responsabilité politique et morale à cause de l'indulgence de son gouvernement à l'égard des auteurs de la violence qui s'est mutée en terrorisme. Cela sans parler de son soutien inconditionnel au gouverneur de Siliana, le responsable direct des événements sanglants dans ce gouvernorat. Le repoussoir Ce n'est pas la première fois qu' Al Jomhouri fait cavalier seul au sein même de la coalition à laquelle il appartient, l'Union Pour la Tunisie, il l'était aussi lors du dialogue de « Dar Eddhiafa ». Et le revoilà, de nouveau, seul à soutenir un projet de constitution faite sur mesure et condamnée, vivement, par toutes les forces démocratiques y compris ses partenaires dont les porte-paroles de Al Massar et Nida Tounes, respectivement Samir Taïeb et Taïeb Baccouche, en ont dénoncé les imperfections et les pièges. De deux choses l'une : ou bien Al Jomhouri est dupé et qu'il est mal conseillé, chose qui est, logiquement, à écarter vu le potentiel humain dont il dispose, ou bien il s'inscrit dans ce projet par calculs politiques étriqués. On serait, donc, tenté de pencher vers cette seconde hypothèse et de voir dans cette implication une volonté de sa part à suppléer à Ettakatol, perdant, considérablement, de son poids et, très vraisemblablement, en voie d'extinction à cause de l'avalanche de démissions qui en font un simulacre de parti, et à occuper une place sous le soleil au sein de la Troïka servant ainsi de repoussoir au parti au pouvoir…