La justice de l'ère révolutionnaire, où tous les membres de la société civile oeuvrent pour la réalisation d'une Justice équitable et indépendante, semble trébucher avec des verdicts inadéquats aux faits incriminés, et des peines aléatoires, tantôt clémentes, tantôt sévères, suivant la nature des affaires mais surtout selon la conjoncture du moment. Les juges sont enclins, selon la plupart des observateurs, à caresser une certaine tendance de l'opinion publique dans le sens de la morale et de la religion ou dans le sens du parti majoritaire au gouvernement. Ces observateurs dont des associations de défense des droits de l'Homme, fondent leur opinion à l'occasion de plusieurs affaires que la Justice a eu à traiter depuis la Révolution , à commencer par celle de Baghdadi Mahmoudi, extradé dans des conditions assez confuses, jusqu'aux dernières affaires des Femen, et la dernière en date celle de Weld El 15. Liberté d'expression dans le collimateur Le sobriquet de ce chanteur de clip, est dû au fait qu'il a commencé à chanter à l'âge de 15 ans. Il avait entre autres produit un clip, dans lequel la chanson a été considérée comme une insulte aux forces de l'ordre. Arrêté et comparaissant devant le tribunal de première instance de Ben Arous, il a été condamné à deux ans de prison ferme. Des troubles ont éclaté suite au prononcé du jugement, ce qui a nécessité l'intervention des forces de l'ordre, par l'usage de bombes lacrymogènes, et l'arrestation d'une jeune fille et d'un jeune homme qui ont été conduits au poste de police. Cette décision a été jugée inadéquate selon certains observateurs qui estiment que l'indépendance de la justice n'est pas encore réalisée. Autant Me Abdesssatar Ben Moussa, président de la Ligue tunisienne des droits de l'Homme (LTDH) a exhorté les artistes à respecter certaines valeurs et à jouir de la liberté d'expression dans le cadre du respect d'autrui, et notamment celui de l'armée et du corps sécuritaire, autant il a affirmé que dans les décisions de justice, il n'y a une inadéquation avec les faits jugés.. Pour sa part le syndicat des professions de musique affilié à l'UGTT a rendu publique un communiqué selon lequel il exprime, son indignation contre le jugement en question qui scelle les libertés acquises depuis la Révolution, ainsi que le traitement réservé par la police aux journalistes aux rappeurs et aux amis venus soutenir Weld El 15. Dans le même communiqué, il est fait appel par le syndicat à tous les artistes afin de resserrer les rangs pour défendre leurs droits et leurs acquis, et les appelle à participer à une campagne artistique et médiatique, afin de défendre la liberté d'expression. Les avocats de la défense entendent bien interjeter appel de cette décision qu'ils trouvent inappropriée, leur client n'ayant pas eu l'intention d'insulter le corps de la police, ou d'agresser quiconque, mais d'adresser des critiques. Et l'intime conviction du juge ? «La loi ne demande pas compte aux juges des moyens par lesquels ils se sont convaincus……Elle ne leur fait que cette seule question qui renferme toute la mesure de leur devoir : Avez-vous une intime conviction ? » Ces termes de l'article 353 du code français de procédure pénale a toujours interpellé les hommes de Justice et les juriste en général, et notre droit qui s'en est largement inspiré, laisse la latitude au juge d'aller en dessous de la peine pour laquelle le code pénal prévoit le maximum. Dans sa fameuse lettre à Abou Mousa Al achaâri, l'un des compagnons du Prophète Mohamed et qui fut gouverneur de Bassorah puis de Koufa du temps de Omar Ibn Al Khattab, deuxième calife de l'Islam, celui-ci lui écrit entre autres : «La révision d'une décision permet de ne pas persévérer dans l'injustice» C'est l'intime conviction qui constitue l'élément déterminant pour le juge, censé rendre sa décision de manière indépendante et sereine, et c'est la raison pour laquelle l'indépendance de la magistrature est mise sur la sellette depuis qu'a été entreprise l'action pour consolider la Justice transitionnelle. Car dans son for intérieur, le juge peut être conscient de la vraie portée de sa décision. Il arrive en outre, qu'un juge, comme tout être humain, prenne sa décision, dans l'hésitation, l'emportement, ou l'angoisse. C'est pourquoi le double degré de juridiction permet la révision d'une décision, dans un meilleur sens de l'équité, et en adéquation avec les faits et la personnalité de l'accusé, apte à évoluer et à revoir lui aussi sa position. Lui tendre la perche afin qu'il puisse faire part de ses contritions, et reconnaître ses torts est la meilleure façon de l'inciter à regagner le droit chemin. C'est le chemin de la liberté d'opinion, d'expression et de conscience qui s'arrêtent lorsqu'elles commencent à nuire à celle d'autrui.