• L'Opposition sans vrai recours ! Tout le monde s'attendait à ce que Sahbi Atig fasse une mise au point et apporte quelques précisions sur son discours véhément de samedi dernier. L'Opposition lui en a d'ailleurs offert l'occasion puisque les propos menaçants du constituant nahdhaoui furent effectivement déformés, Atig n'ayant pas prononcé le mot «sang» en lançant sa mise en garde aux «adversaires de la légitimité». Si Sahbi ne refusa donc pas le cadeau et sauta sur l'aubaine pour s'en prendre aux dirigeants du Front Populaire semeurs invétérés, à ses yeux, de discorde et de sédition. Voilà donc le fougueux tribun à moitié blanchi grâce à cette Opposition parfois très maladroite. Il va sans dire par ailleurs que Sahbi Atig a comme toujours bénéficié de l'appui dénégateur ou édulcorant des hommes et des femmes de son camp. Meherzia Laâbidi ne voit pas de violence dans le discours tenu par le chef du bloc parlementaire nahdhaoui à l'A.N.C. Sur les sites électroniques favorables à Ennahdha, on ne s'explique pas encore (!!) la virulente campagne menée contre Atig. Pour Imed Deïmi (du CPR, proche d'Ennahdha), l'ami Sahbi a juste cédé à un accès de nervosité dont il ne faut pas amplifier la portée. Ettakatol abonde dans le même sens et « s'étonne » seulement qu'un chef de bloc parlementaire s'abandonne à de tels « délires ». En définitive, ce n'était qu'un effet secondaire de la fameuse « hachicha » de Ramadan. Passe donc pour cette excuse de « musulman » et heureux qu'on ne lui ait pas préféré l'argument de l'insolation. Des égratignures, sans plus Que veut l'Opposition après cet affront? En fait, seuls un ou deux partis se sont exprimés sur l'écart de langage de Sahbi Atig. Nous n'avons lu à ce sujet que deux communiqués officiels, le premier émanant du Parti des Travailleurs de Hamma Hammami, le second publié par Le Parti Socialiste de Mohamed Kilani. Le mouvement des Patriotes Démocrates Unifiés de Zied Lakhdar s'est contenté jusqu'ici d'une déclaration de son Secrétaire Général. En ce qui concerne Nida Tounès, les réactions personnelles de Taïeb Baccouche (sur facebook), de Mohsen Marzouk ou de Mohamed Lazher Akrémi ne peuvent être tenues pour des positions de leur parti. Samir Ettaïeb n'est pas non plus Al Massar ; même cas pour Abdessattar Ben Moussa qui a condamné les propos de Atig en son nom personnel en attendant la tenue, hier, d'une réunion de la Ligue Tunisienne des Droits de l'Homme. Quant au Mouvement « Tamarrod », il a répondu aux menaces du constituant nahdhaoui en soulignant la fin de la légitimité pour l'Assemblée Constituante et pour la Troïka gouvernante. En substance, nous pouvons résumer les réactions en trois formes de discours : dénonciation plus ou moins virulente, raillerie, et menace de plainte à la justice. Désarroi de la Gauche Comment lire ces réponses de l'Opposition à la dérive langagière de Sahbi Atig : elles dénotent d'abord la conscience que cette Gauche a de la modestie de ses recours. S'en remettre à la justice n'est en fait qu'un pis aller dont elle est la première à connaître les limites. D'autre part, les déclarations et communiqués retenus n'engagent pas un bloc uni; mais seulement quelques personnalités et de petites formations impliquées séparément bien que faisant partie de grandes coalitions politiques. Autrement dit, revoilà le même effritement et la même absence de coordination déplorés depuis toujours dans les rangs de notre Opposition. Le reste c'est de la littérature partisane relayée sur les réseaux sociaux par les fanfaronnades de quelques démocrates sincères et volontaires mais quelque peu aigris. L'Opposition tunisienne ne s'entend pas encore sur les « armes » avec lesquelles affronter l'arrogance et la violence d'Ennahdha. Un seul combat de tous ceux qu'elle mène résume le désarroi dont nous parlons: elle milite en effet depuis plus d'un an pour la dissolution des Ligues pour la Protection de la Révolution, sans le moindre succès palpable. Ni recours en justice, ni Dialogue National, ni Congrès contre la violence n'ont abouti à l'éclipse ou à l'assagissement de ces milices plus remontées que jamais contre les adversaires des partis au pouvoir. A Sfax, la société civile vient d'ouvrir une voie en créant une association de jeunes censée protéger la ville des exactions des L.P.R. Si c'est possible à Sfax, pourquoi ne pas l'essayer ailleurs ? Il faut bien passer à l'acte contre ces groupuscules de miliciens parce que c'est se ridiculiser que d'attendre d'Ennahdha et de sa Troïka qu'elle le fasse à la place de son Opposition. Compter les signatures On peut croire que le recours de Sahbi Atig à la menace physique est un signe sur l'affaiblissement d'Ennahdha et sur le manque de confiance de ses hommes quant à leurs autres arguments de défense. Certes, la manifestation de soutien à Morsi ne draina pas beaucoup de monde quoi qu'en pense Atig lui-même qui s'illusionnait drôlement, samedi, sur la masse de ses auditeurs. Mais les rassemblements « populaires » de l'Opposition sont également peu suivis. Certains militants de la Gauche, désespérés de réunir une « milliouniya » dans la rue, se félicitent aujourd'hui que les signataires de la pétition de « Tamarrod » se comptent désormais par centaines de milliers. On s'amuse donc à compter les signatures pendant qu'Ennahdha appose la sienne et celles de ses alliés sur des documents cruciaux pour le présent et l'avenir du pays. De quel pouvoir dispose l'Opposition dans la contestation de la « légitimité » nahdhaouie et troïkiste ? De pas grand-chose en vérité, à part l'appel à la gestion consensuelle des affaires de l'Etat en attendant l'organisation des prochaines élections : Samir Ettaïeb parle d'imposer cette solution à la Troïka. Mais par quels nouveaux moyens ? Cela fait neuf mois que cette approche n'accouche de rien de concret. Le maître à bord, c'est-à-dire Ennahdha, ne fait que les concessions qui arrangent ses affaires ! Tout le monde a encore en mémoire la fameuse revendication sur la neutralité des ministères régaliens ! Quel bilan dresse-t-on de cette « victoire » dont l'Opposition a plutôt honte aujourd'hui? Obligation de résultat L'Opposition doit comprendre une fois pour toutes qu'en politique seuls les résultats comptent. Ahmed Néjib Chebbi -qui, l'autre jour sur un plateau d'Attounsiya, prodiguait les leçons à ses détracteurs- continue de récolter des miettes parce que justement il n'a jamais assimilé la seule leçon qui puisse le propulser au plus haut point de l'échelle politique, à savoir l'obligation de résultat. Béji Caïed Essebsi, lui, est en train de recueillir les fruits de sa réussite réalisée pendant la période transitoire précédant immédiatement le scrutin d'octobre 2011. Il a déjà le préjugé favorable de beaucoup de Tunisiens en vue des prochaines élections. Essebsi a beau être à la fois un homme de Bourguiba et un ancien du RCD, c'est sa prestation en tant que chef du 3ème gouvernement transitoire qui lui vaut sa popularité actuelle. Puissent donc tous nos partis et mouvements de l'Opposition s'inspirer de son exemple et réaliser de vraies victoires contre Ennahdha et la Troïka. Le jour où cette Gauche obligera les responsables nahdhaouis à mesurer leurs propos, à honorer leurs engagements, à renoncer à leurs agendas totalitaires, à bannir la violence, à œuvrer pour l'instauration d'une démocratie effective et à tout sacrifier pour le redressement économique, social et culturel de la Tunisie ; ce jour-là elle aura réellement marqué des points contre le gouvernement en place. Parce qu'en fin de compte, ce n'est pas forcément Ennahdha ou le C.P.R. ou bien Ettakattol qui sont visés, ni leur légitimité ni même la personne de Sahbi Atig, tous bien dérisoires par rapport à « l'intérêt suprême du pays ». Ce qui compte comme l'a dit feu Chokri Belaïd c'est de « se lever tous en l'honneur de la Tunisie ». Contre les défaillants à ce mot d'ordre primordial, il faut sévir efficacement et durablement. Pas avec des pattes de velours ni avec des médisances de commères !