L'actualité de ces trois derniers jours n'est guère réjouissante pour les Tunisiens. Un constituant de l'A.N.C. vient d'être abattu en plein jour sans que ses tueurs ne soient arrêtés. La conférence de presse qui s'en suit au ministère de l'Intérieur déçoit tous les observateurs et désespère presque tout le monde de la possibilité d'apprendre un jour toute la vérité sur le meurtre de Chokri Belaïd et sur celui de Mohamed Brahmi. Un manifestant de Gafsa est décédé ce vendredi suite à l'explosion sur son corps d'une bombe lacrymogène. Les ministres de la Troïka et leurs alliés ou partisans s'obstinent encore à nier les évidences et en premier leur lamentable échec à rassurer les Tunisiens sur leur présent et leur avenir. Mais la nouvelle donne leur impose aujourd'hui de regarder la réalité en face. S'il est vrai qu'Ennahdha et son Gouvernement ne rompent pas encore, les signes récents vont à coup sûr les obliger à au moins plier ! Les signes qui ne trompent pas Quels sont ces nouveaux signes ? On commencera par la sédition à Sidi Bouzid, gouvernorat désormais «autonome». Ensuite, il y a la cascade de « démissions » et de « gels d'activités» au sein des Constituants de l'Opposition et également parmi les députés d'Ennahdha ! En effet, d'après plusieurs sources d'information d'ordinaire fiables, Souad Abderrahim aurait décidé de suspendre sa participation aux travaux de l'Assemblée Constituante. Sur sa page officielle, apprend-on, Sonia Ben Toumiya annonce qu'elle gèle à son tour ses activités à l'A.N.C., qu'elle est solidaire du sit-in des députés de l'Opposition et -cerise sur le gâteau- qu'elle exige l'audition de Sahbi Atig pour son discours incendiaire de samedi 13 juillet 2013. Par ailleurs la rumeur circule sur une imminente démission de Salem Labiedh, Ministre de l'Education. Sur un autre plan, les syndicats de la sûreté nationale appellent à des remaniements profonds à la tête des Directions et Services les plus sensibles du Ministère de l'Intérieur et exigent la mise à l'écart des fonctionnaires nommés récemment sur la base de leur loyauté à des partis politiques au pouvoir. Même les Salafistes d'Ansar Achariâa semblent vouloir se démarquer d'Ennahdha dans « son conflit » avec l'Opposition. L'imam Férid El Béji souhaite quant à lui la dissolution de la Troïka et appelle à assaillir les mosquées à la recherche de caches d'armes. On ne peut brosser plus sombre tableau sur l'actuelle posture d'Ennahdha et de sa Troïka. Pourtant, leurs hommes continuent à afficher l'optimisme le plus arrogant ! Très haute, la barre des revendications ! A quoi faut-il s'attendre ? Manifestement, le Gouvernement n'a pas beaucoup de choix. L'Opposition est de plus en plus forte et unie. L'assassinat de Mohamed Brahmi semble lui avoir montré le chemin pour pousser le pouvoir à battre en retraite, à défaut de capituler. Mais il est encore trop tôt pour que la Gauche crie victoire. Elle doit par ailleurs (ce qu'elle fait jusque-là avec plus ou moins de bonheur) veiller à privilégier la protestation pacifique plutôt que l'affrontement sanglant pour lequel elle n'est pas préparée. De son côté, le Gouvernement de Lâarayedh a intérêt à jeter beaucoup plus de lest que celui de Hamadi Jebali après l'attentat contre Chokri Belaïd. Même si cette fois, l'Opposition a placé très haut la barre de ses revendications !! C'est pourquoi nous sommes curieux de voir à quelles manœuvres Ennahdha et ses alliés recourront pour contenir les laves du « volcan en éruption ». Y répondront-ils par des résolutions sages et mesurées ou bien combattront-ils le feu par le feu ? Les prochaines heures et les prochains jours sont donc décisifs pour la Tunisie, que nos dirigeants optent pour la première ou la seconde solution !