Par Khaled Guezmir M.Béji Caïd Essebsi à l'image du philosophe chrétien français, a fait un beau pari sur la sincérité et la crédibilité du Cheikh Rached Ghannouchi, président de la Nahdha, avec cette petite différence : Pascal qui a rejoint l'éternel, comme le dirait François Mitterrand au Pape Jean Paul II, maintenant il « sait ». Mais Si Béji, à qui nous souhaitons une très longue vie, lui, ne peut le savoir ! Une lecture appropriée dans la crise majeure, surtout morale que le pays et le peuple tunisien connaissent, montre à quel point les « valeurs » sont malmenées par les doubles et triples langages, par les revirements intempestifs, par les manœuvres qui nous ramènent à ce que nous avons lu au lycée et à l'imaginaire de l'époque antéislamique, où le « ghadr » (traitrise) fait partie de la tactique guerrière de l'époque. L'ancien Premier ministre joue les présomptions et positive de par son référentiel bourguibien et ses fameux concepts : « Al Aham kabla El Mouhim » (Le nécessaire avant l'important), la politique des étapes, mais aussi de par sa vocation de politicien rompu aux affaires et diplomate par excellence. Le cheikh Rached, quant à lui, aussi rompu au secret, semble avoir fait une bonne lecture, la seule valable de la situation en Egypte, après les manifs populaires monstres de Maïdane Attahrir et le coup qui s'en est suivi, du général Abdelfattah Sissi. Cette lecture d'un homme manœuvrier et stratège sur le long terme, a été parfaitement traduite par la déclaration d'un de ses lieutenants, M. Ajmi El Ourimi, qui a déclaré à un journal de la place : « Les « frères » musulmans en Egypte ont voulu l'Etat et le contrôle de la société par le Parti, ils ont fini par perdre… et l'Etat et la société… et le Parti » ! Tiens, ses collègues devraient le féliciter au lieu de le blâmer ! Par conséquent, M. Ghannouchi, contrairement, à ses tristes « faucons » zélés et portés par leur triomphalisme arrogant, après la victoire, combien problématique, du 23 octobre 2011, et qui ne reflète que les faiblesses de l'opposition de l'époque, alors que le monde a bien changé entre temps, sait, comme Mitterrand, que la Nahdha est rejetée par une grande partie du peuple tunisien, par les élites, surtout les femmes et les jeunes, pour avoir tenté d'enfoncer le clou et « réislamiser » l'Etat et la Société, musulmans depuis 14 siècles. C'est ce qui a fait dire à un grand patriote et militant bourguibien, M.Mustapha Filali, à une Radio locale : « La Nahdha a commis une erreur fatale d'ignorer la « tunisianité » de ce pays et de ce peuple depuis Carthage » et il ajoute : « Nous n'accepterons jamais un modèle inspiré du Wahabisme, que les Ulémas de la Zitouna, à l'époque, ont déjà rejeté ainsi que l'appel de Mohamed Abdelwahab et qui a été relaté par l'historien célèbre, Ahmed Ibn Abi Dhiaf, dans ses « Ithafs ». M.Ghannouchi, en homme averti, semble appréhender le « phénomène » égyptien bien que l'armée tunisienne soit plutôt « réservée » en matière politique. Mais, qui sait ! Il redoute l'approfondissement de la fracture identitaire dont l'Islam politique est le principal responsable et instigateur, et son rejet total auprès de larges franges de la population. L'ampleur de la menace terroriste qui est aussi celle de l'Islam radical jihadiste, pour ceux qui veulent l'ignorer encore, et les révélations encore « préliminaires » du ministre de l'Intérieur, qui semble avoir évité des révélations plutôt gênantes pour tout le monde, ne fait que confirmer la peur des Tunisiennes et des Tunisiens, des risques de « Somalisation » de la Tunisie, comme l'a insinué le Général Ammar, à la veille de son départ. Or, un peuple qui a peur votera difficilement pour ceux qui le « terrorisent » ou ceux qui s'acharnent à les protéger et à composer avec eux. Le président de la Nahdha semble avoir bien reçu le message égyptien qui consiste à modérer les appétits de son parti et comme le dirait cette fois, Si El Ourimi : « Il vaut mieux Nida Tounès… qu'un naufrage à l'égyptienne ! ». Finalement, la « pédagogie » Caïd Essebsi peut faire éviter à la Tunisie une confrontation tragique et violente. Elle sert, en partie, les intérêts réels de la Nahdha pour améliorer son coefficient « acceptabilité », alors qu'elle est radicalement rejetée, en ce moment, par la modernisation et l'identité tunisienne millénaire. Mais, il lui reste à prouver aux Tunisiens qu'elle est prête à se comporter en « Parti » citoyen, démocrate et attaché au modèle de société tunisien et non pas religieux. C'est ce que refuse les Ellouze, les Chourou… et même, des ministres nahdhaouis qu'on croyait proches de la modernité et de l'Etat civil. Béji Caïd Essebsi a fait son pari, le deuxième, à notre connaissance. Il a regretté le premier au G8… Pourvu qu'il ne perde pas le second… ! Les excuses, alors, au peuple tunisien, ne suffiront pas, car la démobilisation relative des démocrates est le résultat des espoirs nés de ce pari ! Pascal… aidez-nous ! Vous, de là où vous êtes… Vous « savez » !