Les sondages sont-ils des « tour de passe-passe » pour amuser la classe politique, ou sont-ils des techniques d'orientation de la mobilisation sociale ou tout simplement des indicateurs d'intentions de vote, à l'image du thermomètre pour la température, qui peuvent être utiles à des politiciens et acteurs raisonnables pour rectifier leur parcours et en corriger la trajectoire préventivement. Ils sont un peu de tout cela mais ces statistiques du comportement social et politique ne trompent finalement que ceux qui ne veulent pas les lire et en tenir compte, un peu dans le sens du dicton arabe « Maïz wa law Tarou » (chèvres même si… elles volent) ! J'ai écouté ça et là des réactions aux dernières livraisons de Sigma-Conseil en partenariat avec notre confrère « Le Maghreb », et qui confirment la persistance de certains politiciens « engagés » à ne vouloir pas regarder la vérité en face. Pour eux 40,5% d'intentions favorables à Béji Caïd Essebsi pour les présidentielles (si elles ont lieu aujourd'hui) C'est un « blasphème » ! Idem pour Nida Tounès qui vient en tête des mêmes sondages pour les législatives, talonné par Ennahdha et qui perd plusieurs points. Mais la question n'est pas de convaincre les « têtus » qui ne croient pas à la science, même avec les marges d'erreur limitées mais possibles. C'est plutôt d'en faire une lecture dépassionnée et la plus proche de l'impartialité. Essayons… l'exercice en vaut la peine ! A notre humble avis et en première lecture, la montée de Béji Caïd Essebsi en puissance reflète le désir d'avoir à la tête de l'Etat un homme crédible expérimenté, ayant un grand sens des relations internationales surtout européennes et arabes et capable de sauvegarder l'autorité de l'Etat face à la montée de la menace terroriste sur le pays. A voir des tueurs, accomplir leurs crimes dans l'impunité et des frontières Ouest et Sud non sécurisées, c'est là un facteur décisif dans l'accomplissement de l'intention de vote. D'où un conseil à l'actuel et au futur gouvernement : la lutte anti-terroriste doit être crédible et sans calcul et les instructions à ce sujet ne doivent souffrir d'aucune hésitation idéologique ou religieuse. Pour ce qui est des législatives, Ennahdha maintient une présence respectable, ce qui confirme la bonne crédibilité des sondages, parce qu'elle est bien structurée et rodée pour le « vote utile ». Mais elle perd beaucoup de positions au profit de la gauche démocratique et du Front Populaire, parce qu'elle a essayé par tous les moyens de changer la nature du système social et syndical sans parler du système culturel et identitaire. A la pointe de la mobilisation active contre l'Islam conservateur nous trouvons la femme moderniste et attachée à ses droits conquis en un plus d'un siècle de réformisme et de luttes incessantes pour la liberté et l'égalité. Autre fait marquant la montée relative de M. Hamma Hammami et du Front Populaire. Je l'explique personnellement par son rapprochement avec Nida Tounès et son évolution progressive, bien que laborieuse, vers le « centre ». Ça rassure les Tunisiens, surtout la petite bourgeoisie, les classes moyennes et les entrepreneurs. Si Hamma et ses camarades devraient accentuer quelque peu cette évolution et cette démarche à l'image de Mitterrand, Michel Rocard, Lionel Jospin et du Parti socialiste en France après le SFIO et le Parti socialiste unifié d'extrême gauche. Un dernier constat M. Hamadi Jebali ancien premier Ministre se maintient à 8,6% des intentions, mais sans progression majeure, plutôt du sur place. Pourtant il a un « coup » à jouer qui pourrait lui donner des ailes : créer la « Néo-Nahdha » à l'image de Bourguiba en 1934 à Kssar Hellal où il a transformé le Destour vieillissant et inadapté, en « Néo-destour » jeune, ambitieux et aspirant au commandement politique. A notre humble avis M. Jebali n'a pas d'autre voie aussi royale que celle de lancer une Nahdha « bourguibienne » à savoir adapter l'Islamisme politique ultra conservateur à la modernité. Mais pour cela, il faut de l'audace, beaucoup d'audace ! « Wa faza belladhati al Jassourou » (et seuls les audacieux ont la jouissance) ! Mon Dieu ! Cette chaleur de l'été rend la transition interminable ! Nous sommes en pleines élucubrations !