A chacun sa « Révolution », à chacun son « Islam », à chacun sa « démocratie », à chacun, enfin, son « paradis » et son « enfer » ! La voilà la Tunisie post-révolutionnaire où chacun croit détenir la vérité, indiquer le droit chemin et pousser le peuple vers les paradis terrestres et extra-terrestres. Finalement, qui est « révolutionnaire » et qui est « contre-révolutionnaire »… Même les martyrs n'ont plus de voix pour le dire ! Je lisais une déclaration du cheikh bien populaire Abdelfatteh Mourou, adjoint virtuel du patron de la Nahdha, où il critiquait sévèrement les « salafistes » et les jihadistes « Ansar Achariaâ » et où il leur promet « l'enfer » parce que ni Dieu ni son Prophète vénéré Mohamed, « n'ont autorisé les Musulmans à tuer d'autres musulmans ! ». Le hic, c'est que, d'abord, les « terroristes » (mot que ne prononce jamais ni le cheikh sympathique ni son patron), ordonnent de tuer les démocrates tunisiens qui sont pour eux « mécréants » et donc « non musulmans » ! Deuxième hic, le cheikh leur prescrit l'enfer dans quatre milliards d'années, si l'on croit les physiciens, les plus optimistes mais entre temps, c'est eux qui nous font vivre l'enfer au propre et au figuré en stressant le peuple et en bloquant tout espoir de vie paisible dans ce pays ! Je passe maintenant à un autre acteur de la Nahdha que je considère parmi les plus démocrates malgré toutes les réserves de ses détracteurs sur sa sincérité : M. Samir Dilou , ministre et ancien prisonnier politique pendant des années. Lui martèle haut et fort sur les plateaux TV et au micro de toutes les radios : « La Tunisie n'est ni un pays de jihad … ni un pays de Daâwa (prédication) » ! Voilà, enfin, quelqu'un qui semble avoir compris l'essence même de ce pays et de ce peuple musulman depuis l'an 50 de l'hégire et la fondation de Kairouan. De quel droit veut-on « islamiser » par le parole, l'endoctrinement ou la violence un pays déjà musulman depuis 14 siècles ! Ce pays a toujours été heureux dans son Islam adapté à son mode de vie, à son climat et à la mer bleue qui berce ses rivages, alors que le Wahabisme est un produit pur et dur de l'environnement désertique et rigoureux d'Arabie. Mais, le hic encore, une fois, vient du fait que M. Dilou n'est qu'une hirondelle au sein de la Nahdha, et l'hirondelle n'a jamais fait le printemps. Ses « amis » et collègues du Parti islamiste au pouvoir, ceux qui font la pluie, le mauvais temps et la pesanteur du système dominant ont un avis tout à fait contraire. De M. Ellouze à M. Sadok Chourou au Cheikh Rached Ghannouchi pour ne citer que les plus influents, tous sans exception, affirment avec une simplicité déconcertante que la « Tunisie est un pays de Daâwa et de prédication ». D'où ce foisonnement inimaginable de tentes « salafistes » d'écoles coraniques, d'associations de « bienfaisance » et pour arroser le tout cette « croisade » islamique des prédicateurs d'Orient, porteur de la « Fitna » la plus irréductible et désignés par l'état major de la Nahdha comme des « hommes de bien, pieux » et qui veulent « unifier » (sic) le peuple tunisien autour de l'Islam comme si ce pays était la Russie ou l'Amérique avec des Etats fédérés, des peuples fédérés et des cultures diversifiées et contradictoires. Alors, disons fraternellement à M. Dilou que s'il veut suivre la voie de la « diversité et la démocratisation interne comme l'ont fait avant lui MM. Ahmed Mestiri et Béji Caïd Essebsi au sein du Néo-Destour dans les années 70. Eh bien, il en aura des « congrès de Monastir 1 », Nahdhaouis à venir et où les « faucons » arrivent toujours à avoir le dernier mot ; A notre humble avis, le plus court chemin, s'il veut réellement être crédible, lui et ses pairs qui partagent les mêmes vues, doivent créer une « Néo-Nahdha » comme le Destour en 1934. La nouvelle « Nahdha » pourrait comme le souhaite Abdelfattah Mourou, se déclarer démocratique et civile et doit séparer la religion des affaires de l'Etat. C'est la seule voie crédible pour réaliser ce que la « démocratie chrétienne » a fait en Allemagne, en France en Italie, en Espagne et dans toute l'Europe. Tiens… je vois de loin Si Hamadi Jebali réagir ! Qui sait, sera-t-il le premier à y adhérer ! (A suivre)