• «Les députés qui se sont retirés ne peuvent revenir sur un simple appel», affirme Mohamed Hamdi • «Nous continuerons à revendiquer la reprise des travaux», précise Imed Hammami • «Il s'en est sorti avec le minimum de dégâts», constate Nejla Bouriel Presqu'un mois après avoir suspendu les activités de l'Assemblée Nationale Constituante (ANC), son président Mustapha Ben Jaâfer s'est adressé avant-hier soir au peuple tunisien à travers une allocution faite en dialecte tunisien. Il a fait le point sur la situation politique du pays et appelé au cours de son discours les députés réfractaires, qui selon lui ont choisi de faire pression sur le gouvernement en bloquant l'activité de l'Assemblée Nationale Constituante (ANC) à réintégrer leur place naturelle, leur maison. « Ils n'ont pas le droit de se retirer et ne pas participer aux derniers 100 mètres qui nous restent à parcourir », a-t-il dit, en substance. Il a rappelé la nécessité de recourir au dialogue et parachever cette période dans les plus brefs délais, en adoptant la constitution et en formant un nouveau gouvernement avant le 10 octobre 2013. Il a appelé les Tunisiens à s'unir et promis de tout faire dans ce sens. « L'échec est interdit », dit-il. Qu'a-t-il apporté de nouveau ? Les Tunisiens à l'affût des nouvelles qui pourraient les réconforter ne sont-ils pas restés sur leur faim ? Pour nombreux observateurs, le président de l'ANC n'a pas apporté du nouveau. Quant à la date de 10 octobre pour adopter la Constitution, beaucoup en doutent, surtout que ce n'est pas la première fois qu'une date est avancée sans qu'elle soit respectée. Certains s'interrogent, pourquoi, n'a-t-il pas avancé une nouvelle initiative ? Qu'a-t-il dit pour rassurer les Tunisiens, après l'échec de l'initiative de la quartette, Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT), Union Tunisienne de l'Industrie, du Commerce et de l'Artisanat (UTICA), la Ligue Tunisienne de Défense des Droits de l'Homme (LTDH) et le Conseil National de l'Ordre des Avocats (CNOA) ? Mohamed Hamdi, constituant réfractaire et secrétaire général de l'Alliance démocratique, a précisé au Temps, que «Mustapha Ben Jaâfar n'a pas dit grand-chose de neuf. Il a appelé au dialogue. Il a reporté les choses à la semaine prochaine. L'éventuel retour des travaux de la Constituante sans résoudre au préalable, la crise politique, ne fera que compliquer les choses. Ça sera un problème en plus ». Il pense que les choses doivent évoluer ensemble, avec la solution politique et la résolution du problème du Gouvernement. « Il y a un certain blocage, pour le moment », dit Mohamed Hamdi. Le président de l'ANC a-t-il pu se placer au dessus des partis ? Le secrétaire général de l'Alliance démocratique, pense qu'il lui est difficile de se mettre au dessus des partis politiques. Il est président d'un parti, une des composantes de la Troïka. « Certes, il a pris une certaine distance vis-à-vis de la Troïka, mais il en fait partie. En période de tiraillements politiques, il est difficile à un homme politique de se placer à égale distance de tous les partis », dit notre interlocuteur. Quant à l'appel au « retour à leur maison » des députés retirés, Mohamed Hamdi, rappelle que les « députés qui avaient pris cette position par conviction, ne peuvent changer d'avis, sur un simple appel, alors que les causes de leur retrait sont toujours là». Imed Hammami, constituant nahdhaoui, sans manquer de respect à Mustapha Ben Jaâfar, n'a pas caché sa déception. Il précise au Temps : « nous avons attendu qu'il annonce la reprise des travaux de l'ANC, fut-elle avec retard. Depuis presqu'un mois et demi, les activités de la Constituante sont suspendues. La situation générale, économique et sécuritaire du pays ne supporte un tel gel d'activité. Nous n'étions pas d'accord avec la suspension des travaux, le 6 août. Nous avons respecté sa position, en espérant que l'objectif de sa décision soit atteint. Nous avons demandé le groupe Ennahdha et d'autres, la reprise immédiate des travaux. Dans son dernier discours, Mustapha Ben Jaâfar n'a pas pris la mesure qui mette le pays dans la logique du consensus. Il a fait rater à lui-même et au pays cette occasion. Ce qui ne diminue en rien notre respect pour lui. Le différend s'est élargi. Nous continuerons à revendiquer la reprise des travaux, avec tous les moyens dignes de l'action parlementaire ». Nejla Bouriel, députée du camp démocrate qui s'était retirée, pense que Mustapha Ben Jaâfar a essayé de servir sa personne. Elle affirme au Temps que « son allocution, lui a permis de se placer en dehors du problème. Il a envoyé un message aux durs qui s'agrippent à la reprise des travaux de l'ANC et veulent lui faire peur. D'un autre côté, il a parlé du petit peuple, une flèche aux militants de Gauche, pour leur dire qu'ils l'ont oublié. Il s'est adressé à l'UGTT pour lui demander de faire aboutir le dialogue national ». Et lui ? N'a-t-il pas une carte à utiliser ? « Il pouvait retirer ses ministres qui sont au Gouvernement. Il aurait envoyé un message politique. Il n'a fait qu'essayer de sauver sa personne. Enfin de compte, il a montré qu'il est très rusé. Il en est sorti avec le minimum de dégâts. Pour la reprise des travaux de l'ANC, il va convoquer le bureau de la Constituante. Ce bureau prendra la décision. Il a fait l'éloge de son initiative de suspendre les activités de l'ANC, chose qui a fait baisser les tensions. Son discours est tactique par excellence. S'il avait appelé à la reprise immédiate des activités de l'ANC, on dirait qu'il a perdu. S'il tient bon à continuer sur la voie de la suspension, il perdra ses alliés. En bref, il a cherché à tirer son épingle du jeu, sans donner de solution pour sortir de la crise ». La députée pense que le durcissement de la position d'Ennahdha n'est pas le fait du hasard. «Quelque chose se trame derrière », dit-elle.