Qu'est-ce qui a motivé ou poussé Mustapha Ben Jaâfar a annoncé le retour graduel des travaux de l'Assemblée Nationale Constituante (ANC) alors qu'il avait promis que ce retour sera lié à la reprise du dialogue national direct entre les partis de l'opposition et ceux du pouvoir ? Quels sont les signaux d'éventuel rapprochement entre les positions des uns et des autres ? Que pense-il de l'initiative du quartet ? Pourquoi n'a-t-il pas pris l'initiative de retirer les ministres d'Ettakatol du Gouvernement, puisqu'il est convaincu de la nécessité d'un Gouvernement de compétences qui assurera la relève sur le gouvernement actuel ? Mustapha Ben Jaâfar a essayé de répondre à ces questions lors de l'entretien accordé à la chaîne publique Watanya1, jeudi dernier. Mustapha Ben Jaâfar avait suspendu, le 6 août dernier, les travaux de l'ANC, en attendant le démarrage du dialogue entre les différentes composantes de la classe politique. Pourquoi a-t-il décidé la reprise avant ce démarrage ? A cette question, il a répondu en avançant que celui qui observe la situation avant le 6 août, remarque qu'elle était marquée par la division de la scène politique. Le problème de confiance se posait entre les différents protagonistes. Il a généré une tension aiguë. « La décision de geler les activités de l'ANC jusqu'au démarrage du dialogue national, était un appel à la sagesse, au rapprochement et au dialogue pour apaiser les tensions. La décision était politique et patriotique pour servir la Nation et se mettre debout contre toutes les tentatives de division », dit-il. Il a réitéré sa volonté de garder la même distance vis-à-vis de tous les protagonistes politiques. Après près d'un mois, les points de convergence sont devenus plus nombreux que les points de divergence. Il estime que les rencontres qui ont réunit les différents acteurs politiques sous le parrainage des quatre organisations supervisant le dialogue, ont permis de ne plus avoir à évoquer des lignes rouges astreignantes. Un accord a été obtenu pour le remplacement du Gouvernement actuel par un Gouvernement de compétences indépendantes dirigé par une personnalité nationale, elle aussi, indépendante. La transition devra s'achever dans le cadre de l'ANC qui est la source des pouvoirs, habilitée à le faire. Un calendrier est à établir pour entamer la dernière étape de la transition démocratique. Le président de l'ANC trouve que tous les signaux indiquent que la crise actuelle verra probablement son dénouement, en cette fin de semaine. Ça sera l'aboutissement logique des efforts déployés par le quartet durant un véritable marathon de pourparlers. Le dialogue direct est une nécessité imposée par l'intérêt national. Le retour progressif des activités de l'ANC s'explique par l'évolution de la situation politique et ce rapprochement des points de vue des différents protagonistes. La reprise des activités de l'ANC a concerné le bureau, les commissions pour l'examen des projets de loi urgents. «Les travaux concernant la Constitution reprendront après le retour des députés réfractaires », promet Mustapha Ben Jaâfar. Il a eu des mots tendres vis-à-vis de ces députés. Il a réfuté les propos les traitant de putschistes. Il les a appelé à revenir à leur maison pour achever les missions pour lesquelles, ils ont été élus dont principalement l'élaboration de la Constitution, de la loi électorale en plus de la loi sur la Justice transitionnelle. Iyed Dahmani, un des constituants réfractaires, a affirmé hier qu'autant le discours de Mustapha Ben Jaâfar annoncé le gel des activités de la Constituante était un évènement, autant sa décision de reprise est un « non-évènement ». Il considère que le bureau de l'ANC a repris ses activités avec improvisation. « La décision de ne pas remplacer le martyr Mohamed Brahmi est illégale et prive son parti d'un siège qui lui revient de droit ». De son côté, Hichem Hosni, constituant réfractaire a déclaré, hier suite à son entrevue avec le président de la République, qu'il refuse de revenir à l'ANC. Le retour ne se fera qu'après la démission du Gouvernement actuel. Le président de l'ANC pense que tous les points litigieux peuvent connaître des solutions rationnelles et sages dans l'objectif d'arriver aux prochaines élections dans les meilleures conditions, pour qu'elles soient honnêtes, plurielles et transparentes. Les différents partis politiques doivent être préparés pour accepter ses résultats avec un esprit démocratique. Concernant les divergences à propos de la marche des travaux de l'ANC, un calendrier clair et précis sera établi. Il fixera la fin de ses travaux par l'adoption de la Constitution, une constitution qui représentera tous les Tunisiens. Concernant le Gouvernement, les différentes appréciations de son rendement, l'appel urgent pour sa démission et la formation d'un Gouvernement d'intérêt ou de salut national, toutes les solutions sont possibles. Il faut se réunir autour d'une table de dialogue qui rassemble toutes les parties sans exclusion. Réaliste, il reconnait que la crise de confiance ne peut être résolue que par des garanties mutuelles qui permettent d'entamer la nouvelle étape basée sur la confiance réciproque. Les ministres représentant Ettakatol au sein du Gouvernement n'ont pas démissionné bien que leur parti est favorable à un Gouvernement de compétences. Mustapha Ben Jaâfar explique cette position par le fait que son parti fait de l'opposition au sein du Gouvernement. Il a exercé une pression pour convaincre les autres composantes de la Troïka du bien fondé d'un Gouvernement de compétences nationales.