- Le ministère de la Santé publique a demandé un délai de trois semaines afin de tenter de satisfaire le maximum de revendications - Les blouses blanches protestent contre la détérioration de leurs conditions de travail, les faibles salaires et la montée de la violence dans les établissements publics de santé Le syndicat général des médecins, pharmaciens et chirurgiens dentistes de la santé publique a annoncé, hier, le report de la grève qui était initialement prévue pour le 9 et 10 octobre signe de protestation contre le «refus du ministère de lancer un dialogue sérieux» sur les revendications professionnelles du cadre médical exerçant au sein des établissements publics de santé aux 12 et 13 novembre prochain. « Suite à une réunion de conciliation tenue mardi entre le Bureau exécutif du syndicat et des représentants du ministère, il a été décidé de reporter la grève », a précisé Sami Souihli, le secrétaire général du syndicat rattaché à l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT). Et d'ajouter : « le ministre de la Santé a lui-même demandé un délai supplémentaire de trois semaines afin de tenter de satisfaire le maximum de nos revendications ». M. Souihli a indiqué, par ailleurs, que la principale pomme de discorde est désormais le projet de loi obligeant les médecins spécialistes à exercer durant une période de trois ans dans les établissements publics avant d'être autorisés à s'installer pour leur propre compte. « Ce projet de loi qui a été déjà soumis à l'Assemblée nationale constituante représente une grande erreur. Il doit être débattu en profondeur », a-t-il fait savoir dans ce même registre. Outre ce projet de loi très controversé, les médecins, pharmaciens et chirurgiens dentistes de la santé publique protestent notamment contre la détérioration de leur situation morale le manque d'équipements et la recrudescence de la violence dans les divers établissements publics de santé. Exode vers le secteur privé Le responsable syndical pointe également du doit un « exode massif » des médecins de la santé publique vers le secteur privé. « La Tunisie est aujourd'hui malade de ses hôpitaux. En plus du manque d'équipements et des conditions de travail lamentables, les émoluments perçus par les médecins sont loin de leur permettre de résister à la tentation de rejoindre le secteur privé», souligne-t-il Selon des sources syndicales, quelque 800 médecins ont déjà présenté leur démission pour ouvrir leurs propres cabinets ou partir exercer dans les cliniques privées, où les honoraires d'un seul acte chirurgical peuvent être équivalents au revenu mensuel d'un médecin exerçant dans le secteur public. Le syndicat qui compte près de 5000 adhérents s'inquiète d'ailleurs de l'apparition d'un système de santé «à deux vitesses» : des établissements publics sous-équipés et offrant une qualité de soins médiocres pour les pauvres et des établissements privés ultramodernes et regroupant la crème des compétences médicales nationales pour les riches. « Le fait que le ministère de la Santé ferme les yeux sur l'apparition de ces deux systèmes laisse suggérer que cette politique de marginalisation du secteur public au profit du secteur privé est voulue et méthodique», déplore Sami Souihli, indiquant que «les revendications du corps médical exerçant dans les établissements publics de santé sont intimement liées à celles du citoyen revendiquant une qualité satisfaisante de services de soins dans le secteur public». Se basant sur des études comparatives, le syndicat précise, dans ce cadre, que les médecins et pharmaciens exerçant dans le secteur public sont les plus sous-payés en comparaison avec leurs confrères exerçant dans le privé ou dans des pays ayant une situation économique semblables à celle de la Tunisie comme le Maroc et l'Algérie. Pressions budgétaires Du côté du ministère de la Santé publique, on réaffirma la volonté de mettre à niveau les établissements publics de santé de lutter contre l'écart qui se creuse entre les secteurs public et privé. On précise, cependant, que ce vaste chantier ne peut aucunement être lancé en ces temps de fortes pressions sur les dépenses publiques. Dans un communiqué publié récemment, le ministère de la Santé a mis en avant les répercussions financières importantes des revendications syndicales. « Les revendications matérielles du syndicat ont des répercussions financières supplémentaires sur le budget de l'Etat estimées à 80 millions de dinars annuellement, soit la moitié du budget du ministère de la Santé réservé au développement en 2013», a-t-il souligné dans un communiqué publié récemment. Le ministère réaffirme, toutefois, sa prédisposition à un «dialogue sérieux qui tienne compte de l'intérêt général» avec les parties syndicales au sujet d'une réforme globale du système de santé. « Au cours des deux dernières années, des efforts ont été déployés pour améliorer les conditions de travail dans les établissements de santé à travers le renforcement du personnel hospitalier par le recrutement de 240 médecins spécialistes, essentiellement, dans les régions intérieures du pays, ainsi que de 284 généralistes 150 pharmaciens et 157 médecins dentistes, souligne le ministère. Par ailleurs, le ministère précise que la valeur des équipements installés dans les divers établissements publics de santé durant les deux dernières années a atteint 55 millions de dinars.