Qui pense aller faire du tourisme dans la région de Gabès ? Personne ! Eh bien, ils ont tort ! Cette ville présente bien des attraits capables d'attirer des visiteurs et même de les retenir plusieurs jours. Gabès : la porte de l'Orient et du désert Ce sont vraisemblablement les Phéniciens qui ont fondé, dans le golfe de la Petite Syrte, la ville de Tacape. L'embouchure sablonneuse de l'oued devait leur permettre d'échouer leurs vaisseaux de trouver de l'eau douce et de faire du commerce : du troc plutôt. Bien avant les Phéniciens, les hommes préhistoriques de la civilisation capsienne (de Capsa : nom latin de la ville de Gafsa) puis, beaucoup plus tard, les Libous, qui guerroyaient contre les Egyptiens 2500 av. J.C., ont créé une voie commerciale terrestre qui existe encore, d'Est en Ouest. Très vite, la cité-comptoir se développa en raison de sa situation sur les axes des grands trafics commerciaux maritimes et terrestre vers l'Orient et vers Tombouctou et Agadès au Niger, par les routes caravanières. Au milieu du VIIème siècle, Tacape, la ville romaine puis byzantine devint Qabis arabo-musulmane. Sous les dynasties des Aghlabides et des Fatimides du IXème au Xème siècle, elle vécut une période prospère qui permit la construction de nombreux monuments splendides dont parlent les textes. Au XIème siècle, l'arrivée des tribus hilaliennes, venues de Haute Egypte, engendre une longue période de troubles dont la cité ne se relèvera qu'au XVIIème siècle. Il ne reste pratiquement aucun vestige de la splendeur de Gabès antique qu'admirait Ibn Khaldoun. Il semble que ce soit au XVIIème siècle, que les Gabésiens soient venus s'installer aux abords de la palmeraie. Ils ont alors créé les agglomérations de Jara, El Menzel, Chénini … A la veille de l'établissement du protectorat français, les troubles du 19ème siècle n'avaient laissé subsister que deux gros bourgs rivaux de 4 à 5000 habitants : El Menzel et Jara en plus du vieux village de Sidi Boulbaba. En raison de sa position stratégique sur la route de l'est et sur celle du Sahara, un grand camp militaire français y fut construit. La ville a été très endommagée en 1942-43 durant la campagne de Tunisie en raison de sa situation à proximité de la ligne fortifiée de Mareth. Au lendemain de l'Indépendance, malgré la construction de quelques manufactures et d'hôtels, Gabès « vivotait ». L'inauguration, en 1972 du complexe industriel de Ghannouch a radicalement modifié ses perspectives. Gabès est, maintenant, une ville qui s'étale, qui explose, dirions-nous, qui connaît une expansion urbaine fulgurante, voire « délirante ». Les monuments : un passé prestigieux Dans les noyaux historiques de Jara et d'El Menzel, nous pouvons visiter les monuments historiques les plus renommés tels que, le mausolée–mèdersa du compagnon du Prophète : Abou Loubaba El Ansari et le « Houche » Khraïef. La Mèdersa Sidi Boulbaba est située – on ne dit plus : « à la sortie de Gabès », parce que maintenant elle est dans la ville ! – sur la route qui mène à Matmata. Tout le monde vous indiquera où trouver le musée des Arts et Traditions populaires de Sidi Boulbaba l'un des plus beaux – le plus intéressant sûrement ! – de Tunisie. Le monument, situé sur une butte, a été fondé en 1692 sous le règne de Mohamed Pacha souverain mouradite, d'origine turque. Son architecture est l'exemple des goûts officiels de cette époque. L'aménagement intérieur soigné et la valeur des très nombreux objets présentés nous permettent d'affirmer que la visite de ce musée est un des grands moments d'un séjour à Gabès. Le «Houche» – ce mot désigne normalement la cour de la maison et le jardin attenant, ici on l'attribue à la demeure entière ! – Khraïef, situé dans le quartier du vieux Menzel : « El Menzel el Q'dim » mérite aussi une visite même s'il ne date que du début du 19ème siècle. On peut aussi aller visiter, dans le quartier de la « Petite Jara », la mosquée de Sidi Driss qui date du XIème siècle, aller flâner vers Chénini où on peut encore voir un ouvrage hydraulique de l'époque romaine ou vers Jara. Le souk mérite une – longue – visite : les épices les plus rares côtoient le henné, production traditionnelle renommée, les tissages locaux, les articles de vannerie, le tout présenté dans une atmosphère parfumée sur des étals pittoresques. Les plages : le paradis perdu On peut aussi aller se promener, se baigner, pourquoi pas, le long des plages. Quel dommage que Gabès et les « décideurs » n'aient pas cru, à l'époque, à la nécessité de protéger l'environnement ! Il y a une trentaine d'années, l'industrialisation était la seule solution proposée pour lutter contre le sous-développement et … le complexe de Ghannouch, construit au bord d'une des plus grandes frayères et à proximité immédiate de très belles plages de la Méditerranée, gêne la pêche et le développement du tourisme régional. Le port est situé dans une zone de subsidence et d'ensablement des fonds marins : ce qui impose de le draguer sans cesse. Il se trouve au fond d'un golfe, en dehors des routes maritimes fréquentées qui vont de Gibraltar à Suez : les cargos doivent venir exprès charger les produits de Ghannouch, ce qui engendre un « surcoût ». Il a fallut construire un port et une ligne de chemin de fer alors que la région de Sfax était déjà l'exutoire des mines de phosphate. Faut-il encore transporter, jusqu'au bord de la mer, un minerai contenant un fort pourcentage de terre qui s'accumule et pollue le bord de mer ? Plutôt que de transporter des matières premières, lourdes et sans grande valeur, ne vaudrait-il pas mieux les épurer, leur faire subir une première transformation sur place, dans la région de Gafsa. Les produits semi-finis seraient ensuite transportés vers les sites du bord de mer où ils subiraient une deuxième transformation qui apporterait une plus-value puis ils seraient exportés. L'Oasis : L'écrin de la verdure Pour « disserter » d'économie, on pourrait s'installer dans une calèche et se faire promener dans l'oasis. Diverse «attractions» ont été aménagées dans la «forêt» de palmiers mais nous préférons admirer, tout au long des pistes, bordées de canaux d'irrigation, l'inventivité et les soins traditionnels des agriculteurs qui font pousser sous les grandes palmes qui filtrent les rayons ardents du soleil, des arbres fruitiers à l'ombre desquels croissent céréales, légumes et henné. Il faut, à tout prix, préserver, entretenir ces « cultures étagées » qui font tout l'intérêt de l'oasis. On peut aller jusqu'aux sources et aux cascades après avoir visité le village de Chenini, serti, comme un joyau, dans la verdure de l'oasis. D'ailleurs, toute la région de Gabès est parsemée d'oasis qui ont chacune leur charme. Elles illustrent l'histoire millénaire de la contrée. Métouia a probablement été fondée au XVème siècle par des Berbères venus de Libye. Ouedhref est renommée pour ses tissages : ses tapis « Mergoum », ses couvertures à bandes colorées et ses châles, les Bakhnoug : les éléments décoratifs en laine de couleur claire sont si finement tissés avec le fond plus sombre qu'on les croirait brodés. En remontant le cours de l'histoire, on visitera El Hamma qui a été le centre des possessions des Beni Zid de la confédération des Banou Souleym, pasteurs nomades à l'origine, ils se sont sédentarisés dans l'oasis qui était, à l'époque romaine, une ville thermale importante. Son eau sulfureuse, jaillissant à 47°, soigne, encore, les rhumatismes et les dermatoses. Vous voyez, on peut, à Gabès, faire un tourisme intéressant et instructif. De bons hôtels permettent de séjourner agréablement, plusieurs jours. Gabès mérite, à notre avis, plus qu'un bref arrêt, au cours d'un voyage vers d'autres cieux.