Le Front Populaire maintient son appel à manifester le 23 octobre La date de démission de l'actuel gouvernement et les voix nécessaires à l'adoption d'une motion de censure contre le futur cabinet devraient être l'une des questions les plus discutées dans le cadre des négociations Le dialogue national visant à trouver une issue concertée à la profonde crise politique dans laquelle est plongée la Tunisie depuis le 25 juillet et à préparer la démission de l'actuel gouvernement débutera le 23 octobre. «La date du début réel du dialogue national a été fixée au 23 octobre pour mettre en œuvre la feuille de route de sortie de crise», a annoncé dans la soirée de vendredi à samedi dans un communiqué l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT), qui parraine le dialogue entre la Troïka au pouvoir et l'opposition, aux côtés de trois autres importantes organisations nationales (l'Union tunisienne de l'industrie, du commerce et de l'artisanat, l'Ordre national des avocats et la Ligue tunisienne de défense des droits de l'Homme). Le secrétaire général de l'UGTT, Houcine Abbassi, a salué dans ce même communiqué l'ensemble des partis «d'avoir fait prévaloir l'intérêt de la patrie », estimant que le lancement du dialogue national constitue «que le modèle tunisien en matière de processus démocratique permettra de vaincre toutes les difficultés par l'unité et le consensus, et de régler tous les problèmes par le dialogue loin de la violence». La date choisie pour le début du dialogue marque le deuxième anniversaire de l'élection d'une Assemblée nationale constituante (ANC) qui devait à l'origine adopter une Constitution en un an. La feuille de route élaborée par les quatre plus importantes organisations nationales prévoit la formation sous trois semaines d'un nouveau gouvernement de compétences nationales en remplacement de l'actuel cabinet dirigé par le mouvement Ennahdha ainsi que l'adoption en parallèle de la Constitution et d'une loi électorale et la détermination d'une date pour les prochaines élections. Le gouvernement, dont la principale mission sera de veiller sur l'organisation d'un scrutin transparent et crédible, ne pourra être destitué, selon le plan de sortie de crise proposé, que par une majorité des deux tiers des membres de l'ANC. Ses membres ne devraient pas, se présenter aux prochaines élections. Manifestation maintenue pour le 23 octobre Vingt et un parti représentés à l'ANC ont signé le 5 octobre la feuille de route. Des réunions «préparatoires» qui ont depuis eu lieu pour discuter les différents points en suspens ont débouché sur la mise en place de trois commissions mixtes chargées de plancher sur les processus constitutionnel, gouvernemental et électoral. Malgré ce tableau quasi-idyllique de fin de crise, les doutes sur les vraies intentions du mouvement Ennahdha persistent. En atteste la décision du Front Populaire de maintenir son appel à manifester le 23 octobre pour réclamer notamment «la nomination d'un gouvernement de compétences et dénoncer l'intensification des nominations des partisans d'Ennahdha dans des postes administratifs sensibles dans le but de contrôler les rouages de l'Etat et de préparer le terrain à la falsification des prochaines élections » en dépit de la détermination d'une date de démarrage du dialogue national. Lors de cette manifestation qui aura pour slogan «Errahil» (Le départ), les partisans du Front Populaire devraient aussi dénoncer la recrudescence des actes terroristes, selon le vice-secrétaire du parti des patriotes démocrates unifié (PPDU/ Al Watad). Les partenaires du Front Populaire au sein du Front de salut national (FSN), dont Nida Tounes et le Parti Républicain, ne se sont pas exprimés sur le maintien ou l'annulation de la manifestation du 23 octobre. Le mouvement Ennahdha a renforcé le climat de suspicion en publiant hier un communiqué dans lequel il affirme que tout changement au niveau du gouvernement n'interviendra qu'après l'adoption de la Constitution et l'achèvement des missions constitutives de l'ANC, à savoir l'adoption de la loi électorale, la mise en place de l'instance indépendante pour les élections , l'adoption d'une loi électorale et la détermination d'une date pour les prochaines élections. Dans le même temps, Ennahdha appelle tous les partis à faire réussir le dialogue national afin de parachever la période transitoire dans les plus brefs délais. Le diable se cache dans les détails Selon les observateurs, l'issue heureuse des négociations est loin d'être garantie. D'autant plus que le diable se cache dans les détails. Le premier écueil auquel feront face la vingtaine de partis représentés à l'ANC qui prendront part au dialogue concernera la démission du gouvernement. Le Chef du gouvernement, Ali Laârayedh, qui a jusqu'ici lié le départ de son cabinet au parachèvement de la mission constitutive de l'ANC, acceptera-t-il de s'engager à démissionner dès la séance d'ouverture du dialogue national ? Les députés partisans de la légitimité électorale, notamment ceux d'Ennahdha, du Congrès pour la République, du Mouvement Wafa et de Tayyar Al-Mahabba, accepteront-il le fait que l'ANC se transforme en une chambre d'enregistrement pour valider sans discussion les consensus qui seraient issus du dialogue national ? . Et last but not least, le nombre de voix des membres de l'ANC nécessaire à l'adoption d'une motion de censure contre le nouveau gouvernement risque également d'être un grand point de litige. Ennahdha et ses alliés plaident, en effet, pour le maintien de la loi sur l'organisation provisoire des pouvoirs publics stipulant que le retrait de la confiance au gouvernement nécessite une majorité de 50% des voix, plus une voix. La feuille de route élaborée par les organisations parrainant le dialogue national préconise, quant à elle, que le retrait de la confiance au futur gouvernement de compétences nécessite, une majorité des 2/3 des voix des membres de l'ANC. Ennahdha et ses alliés veulent visiblement s'offrir la possibilité de destituer le gouvernement de compétences qui serait mis en place à tout moment. En d'autres termes, le futur gouvernement vivra constamment sous la menace d'un retrait de confiance, ce qui l'empêchera de prendre des décisions qui pourraient susciter la colère d'Ennahdha comme la révision des milliers des nominations effectuées à la tête des administrations au cours des deux dernières années. Autant dire que tout peut encore capoter…