- L'abstention atteindrait des proportions alarmantes - Moncef Marzouki récupère la deuxième place - Le Front populaire avance, Hamma Hammami recule Les premières élections plurielles du 23 octobre 2011, ont dégagé des résultats marqués par une nette avancée d'Ennahdha. Ce qui n'est pas évident lors des prochaines joutes électorales. L'Assemblée Nationale Constituante qui en est sortie est vraiment plurielle. Ennahdha avait 89 sièges, le Congrès pour la République (CPR) 29, Al-Aridha Chaâbia 26, Ettakatol 20, le Parti Démocratique et Progressiste (PDP) 16, le Pôle Démocratique Moderniste (PDM) 5, Al-Moubadara 5, Afek Tounès 4, le Parti Ouvrier Communiste de Tunisie (POCT) 3, le Mouvement du Peuple 2, le Mouvement des Démocrates Socialistes 2 et 16 autres listes se sont réparties les 16 autres sièges à raison d'un siège par liste. Depuis ces élections beaucoup d'eau a coulé sous les ponts. Le paysage politique a beaucoup changé. Les rapports de forces aussi. De nouveaux partis ont vu le jour. Des partis comme Ettakatol et le Congrès pour la République (CPR) ont connu de véritables hémorragies de militants. Le CPR a été scindé en trois partis. Des Fronts et des Rassemblements ont été constitués. Le Front populaire a été formé à partir de douze partis politiques allant des anciens marxistes aux verts en passant par les unionistes arabes. Nida Tounès a été la grande révélation de l'après élections du 23 octobre. Pour tenir le haut du pavé et se présenter comme le principal concurrent d'Ennahdha, ce parti devenu premier dans les sondages des intentions de vote doit beaucoup à son fondateur Béji Caïd Essebsi, ancien premier ministre qui avait conduit avec succès la première période transitoire. Comment se présente aujourd'hui, l'état des lieux de l'opinion publique ? L'Institut d'Eudes marketing, media et opinion 3C Etudes a réalisé du 28 septembre au 4 octobre courant, la vingt-et-unième vague de son baromètre politique post-élections qui avait été lancé en janvier 2012. Ce sondage a été réalisé sur un échantillon représentatif de la population tunisienne âgée de 18 ans et plus, de 1642 personnes. Lors d'une conférence de presse tenue hier, Hichem Guerfali a révélé des données très importantes sur l'évolution de l'opinion publique. Ce sondage laisse apparaître qu'en cas de tenue d'élections législatives, 41,3% des électeurs potentiels qui ont l'intention de voter n'ont pas encore fixé leur choix sur un parti. Le mois dernier, ils étaient 43%. Nidaa Tounes indétrônable se maintient à la première place en dépit d'un recul de 2,5 points par rapport au mois dernier. Il récolte31,4% des suffrages. Pour de nombreux observateurs le recul de Nida Tounès s'explique par les rencontres à Paris et ailleurs entre Béji Caïd Essebsi et Rached Ghannouchi. Est-ce le syndrome d'Ettakatol qui va frapper Nida Tounès ? Les points perdus par Nida Tounès sont récupérés, entre autres, par le Front populaire. Ennahdha (parti islamiste à la tête de la Troïka, la coalition tripartite au pouvoir) n'a pas profité de l'aubaine, en reculant à son tour de 0,5 point. Il réduit tout de même davantage l'écart qui la sépare du leader (qui n'est plus que de 1,3 point) et recueille 30,1% des voix. Ces deux partis restent les deux pôles du paysage politique. Al Jabha Chaabia (le Front Populaire) garde confortablement la troisième place avec 10,7%, en hausse d'un point. La quatrième place revient toujours au Courant Al Mahabba (ex-Al Aridha) malgré une baisse de 0,3 point, en récoltant 4,9% des voix. Al Joumhouri (le parti Républicain) garde la cinquième place, avec pratiquement le même score que le mois dernier soit 3,4%. L'UPL (Union Patriotique Libre) garde sa sixième place avec 2,8%, en baisse de 0,5 point. Pour notre sondeur, le chiffre des abstentionnistes a atteint des proportions alarmantes. Il dépasse les 50%. Rappelons qu'aux élections du 23 octobre 2011, la moitié des électeurs n'ont pas fait le déplacement aux bureaux de vote. Cette abstention élevée profitera à Ennahdha qui dispose d'un bloc solide d'électeurs de l'ordre d'un million de voix. Certains n'hésitent pas à qualifier ces voix de « confessionnelles». «Le niveau d'abstention est directement lié à l'action de l'opposition. C'est un miroir de l'action de l'oppositio », affirme le DG de 3C Etudes. Il estime qu'Ennahdha fait le score de l'opposition. En cas d'élections présidentielles, 36,4% des Tunisiens qui ont l'intention de voter sont encore hésitants, un taux en hausse de 2,4 points par rapport au mois dernier. Béji Caïd Essebsi est indéboulonnable à la première place en obtenant 15,4% des suffrages, pratiquement au même niveau qu'au mois d'août. Au deuxième rang on trouve Moncef Marzouki qui poursuit son retour, entamé au mois de juin. Imperturbable, il est loin d'être affecté par la tension politique qui ébranle le pays depuis l'assassinat le 25 juillet du constituant Mohamed Brahmi. Ses dernières déclarations décriées par l'opposition, prononcées le 26 septembre 2013 devant la 68ème session de l'Assemblée Générale des Nations-Unies, semblent l'avoir bien servi. Il retrouve la deuxième place qu'il avait quittée depuis le mois de Janvier, même s'il ne récolte que 3,9% des voix, en hausse de 0,4 point par rapport au mois dernier. Le constitutionnaliste Kaïs Saïed se retrouve à la troisième place avec 3,8% en baisse de 0,9 point par rapport au mois d'août. Il a été relativement oublié par les plateaux de télévision ces derniers temps, ce qui fait de lui un phénomène médiatique plutôt qu'un homme politique au plein sens du terme. A la quatrième place se trouve l'ex- Premier ministre Hamadi Jebali avec 3,2%, en baisse de 0,7 point. Et à la cinquième place, avec 2% des voix, le dictateur déchu ZABA, en hausse de 1,1 point dans les réponses spontanées des sondés. C'est une proportion qui ne reflète pas une adhésion à ce dictateur, mais une déception vis-à-vis de la classe politique au pouvoir et dans l'opposition. On ne peut croire que l'ex-dictateur fasse un meilleur score que Hamma Hammami. Les 2% expriment un sentiment de dépit. Le porte-parole du Front populaire Hamma Hammami moins présent sur les plateaux de télévisions ces derniers temps, se retrouve en sixième place avec 1,6%, en baisse d'un point par rapport au mois d'août. La progression du Front populaire ne bénéficie pas à Hamma Hammami.