Aujourd'hui, rares sont les artisans qui exercent encore le métier de potier, l'inox, le verre et le plastique ont supplanté les vieilles terres cuites. Néanmoins, il est vrai que, de nos jours, beaucoup de jeunes sont tentés par un retour aux sources et rien ne les empêche d'en faire, ne serait-ce que pour leur hobby. A la maison de l'artisan à Nabeul , Abderahman Makkermi est prêt à révéler les secrets de cet art ancestral. Geste par geste, il nous apprend comment maîtriser l'argile et manipuler la terre pour réaliser une pièce de poterie. Sa poterie traditionnelle ressemble à maints égards aux anciennes poteries aghlabides et andalouses. On y retrouve les couleurs habituelles comme le brun et le vert sur un fond vernissé en jaune. Les motifs, souvent rustiques et linéaires, sont dessinés en brun et rehaussés de taches vertes. Certains objets, laissés sans décor, sont agrémentés d'un vif vernis marron foncé, vert ou jaune clair. Souvent deux vernis se juxtaposent l'un à l'intérieur, l'autre à l'extérieur du plat, ou bien une couleur à la partie supérieure et une autre à la partie inférieure de l'amphore. « Le choix est assez vaste, puisqu'avec l'argile les possibilités de création sont très grandes. Mais je reste quand même dans le domaine de l'utilitaire. Je trouve que c'est agréable d'avoir des objets qui puissent servir au quotidien et qui soient à la fois esthétiques et pratiques; alors j'essaye d'allier ces deux caractéristiques. Et puis je trouve que c'est important de proposer un large choix d'objets, pour avoir une clientèle diversifiée. Certaines personnes préfèrent les arts de la table , alors que d'autres achètent plutôt des vases et pots de fleurs, ou des objets déco comme des bougeoirs ou des brûles parfums. » Abderahmane s'avère un fin créateur doué d'une grande sensibilité et qui a légué à ses mains et à ses yeux, le pouvoir de ses sens perdus. L'ensemble de ces travaux répartis entre vases, pots, soupières, porte- plantes, est une aubaine pour l'œil. Son œuvre est un secret à ne dévoiler que graduellement. Il y a une spontanéité et une envie de créer quand il met la main dans l'argile et essaye de produire. La poterie est un appel au hasard. La matière est, ici consistance, chaleur, tendresse et rythme. Les mélanges de couleurs, les formes mûrement réfléchies évoquent une sensibilité aiguë. Rien à dire de plus, il faut contempler car la poterie d'Abderahmane mobilise plus que le regard.