Le dossier Kamel Letaïef vient d'être classé sans suite par le juge d'instruction près le tribunal de première instance à Tunis 2 (sijoumi) et ce après une procédure qui a traîné en longueur et une accusation des plus graves, s'agissant de complot contre la sûreté de l'Etat fondée sur des ramassis d'éléments manquant pour la plupart de fiabilité. Cette affaire a commencé en avril 2011suite à un recours au parquet déposé par Me Chrérif Jébali au nom de son confrère qui affirme avoir reçu des sms sur son téléphone, faisant allusion à des faits politiques. Quoique rédigés en termes décousus, ces sms cryptés auraient fait allusion à un kidnapping du frère d'un homme politique, pour l'échanger contre un détenu, proche de Ben Ali. Bref un faisceau de bizarreries, présenté dans un puzzle dont les pièces sont sinon introuvables en tous cas difficiles à rassembler. Il a fallu attendre un an, soit en avril 2012, pour que le juge d'instruction revienne à la charge dans cette affaire, hurluberlu. La troïka est constituée, avec un nouveau gouvernement en place. L'avocat est alors entendu par le juge d'instruction et c'est là qu'il évoque des noms d'hommes politiques, dont celui de Kamel Letaïef. L'avocat aurait présenté le journal d'appel de ce dernier, révélant des communications téléphoniques avec des responsables de l'Etat ainsi qu'avec des médias et des hommes d'affaires. L'avocat veut démontrer à travers ces éléments que Kamel Letaïef serait derrière un complot contre l'Etat. Le juge d'instruction du 5ème bureau près le tribunal de première instance qui mena l'enquête, avait pris une mesure d'interdiction de voyager à l'encontre de Kamel Letaïef. Il lui a adressé une convocation à comparaître, à laquelle il avait cru bon de ne pas répondre. La réaction du juge d'instruction ne s'est pas fait attendre. Munies d'un mandat d'amener, les forces de l'ordre s'étaient rendues à l'époque, au domicile de l'intéressé à Sidi Bou-Saïd pour l'emmener manu militari. Retranché dans une des dépendances de sa villa, Kamel Letaïef avait refusé d'obtempérer et avait fait appel illico à son avocat. Celui-ci avait contacté le juge d'instruction et put négocier avec lui afin d'obtenir son accord pour le report de l'affaire. Les forces de l'ordre, qui ont cerné la villa de Kamel Letaïef pendant un bon bout de temps, avaient fini par quitter les lieux. Par ailleurs l'avocat de l'inculpé, avait démenti que son client ait agressé l'un des agents des forces de l'ordre venus exécuter le mandat d'amener. Il avait ajouté, que Kamel Letaïef n'avait nullement refusé de se rendre chez le juge d'instruction. L'attitude du juge d'instruction qui s'était déplacé au domicile de l'accusé, ce qui constitue une première, le juge ne se déplaçant que dans des cas extrêmes tels qu'en cas de crime, avait suscité un tollé tel qu'il a été dessaisi du dossier. L'affaire avait été confiée à un juge d'instruction près le tribunal de Tunis 2. Il était question que ce nouveau juge procède à la convocation des hommes politiques cités dans la requête, si des fois il y avait des éléments probants confirmant les allégations du requérant. Or au jour d'aujourd'hui, le juge a estimé bon de classer l'affaire sans suite après avoir levé la mesure d'interdiction de voyage prise à l'encontre de Kamel Letaïef. Et dire que l'avocat tenait à l'arrestation de Kamel Letaïef avant même que le juge ne procède à l'audition des hommes politiques tels que Rachid Ammar ou Foued Mebazaâ, qu'il a cités dans sa requête pèle mêle et qui se sont révélés être loin de tout contact avec Kamel Letaïef. Cette affaire servira malgré tout et bien que classée sans suite, de précédent dans les annales de la justice tunisienne, tant concernant les éléments de l'accusation fondés sur des mirages que la diligence du parquet, avec un dossier ballotté entre tribunaux et juges d'instruction !