En Egypte, Abdelfattah Essissi est désormais le sauveur d'Om Eddonia, la Reine du Nil ! Après moins d'une année de règne islamiste intégriste, Mohamed Morsi fut renversé ; le pouvoir des Frères musulmans ne présageait rien de bon ni pour la démocratie, ni pour les libertés, ni pour le développement du pays des Pharaons ! L'élection récente d'Essissi comme nouveau président de l'Egypte a délié plusieurs langues chez nous : il y en a parmi nos observateurs et « analystes politiques » qui y voient une belle opération de sauvetage ; tandis que d'autres sans condamner ouvertement la « mascarade », se disent sceptiques quant à la réussite de ce changement à la tête de l'Etat égyptien ! Nous avons à ce sujet enregistré, il y a seulement deux jours, la position « de principe » de Issam Chebbi (du parti Al Jomhouri) : pour lui, aucun pouvoir militaire n'est capable de réaliser la démocratie ni de satisfaire les aspirations des peuples à la liberté, à la justice et à l'égalité. Il s'est par ailleurs largement moqué du taux d'abstention qui a marqué l'élection d'Essissi et a mis en doute la transparence de ses résultats. De plus, il en a profité pour railler les autres élections en Syrie comme quoi, elles sont elles aussi truquées et ressuscitent les mauvais souvenirs des scrutins falsifiés de l'ère de Ben Ali (remarquez qu'il n'a pas évoqué le règne de Bourguiba) ! Sauveurs en sursis De son côté Amor Chétioui du CPR a tergiversé mais s'est dit finalement triste des résultats des dernières élections présidentielles en Egypte, tout en souhaitant que le peuple égyptien et ses dirigeants parviennent à une réconciliation nationale qui bannisse l'exclusion des Frères déchus ! Nida Tounès s'est félicité de l'arrivée au pouvoir d'Abdelfattah Essissi estimant qu'avec Morsi et ses partisans ou alliés, l'Egypte et toute la région arabe couraient dangereusement le risque d'une islamisation à l'afghane ou à la soudanaise ou à la somalienne et malienne ! Parlons un peu aussi de la Syrie de Bachar : ce dernier a remporté le scrutin avec une marge rassurante ; mais les critiques furent timides à ce sujet ! Le peuple syrien, on l'a maintenant compris, est la cible d'un projet destructeur qui n'a rien à voiravec les « printemps révolutionnaires » et si donc Bachar reste à la tête du pays, cela doit être perçu comme une victoire contre les ennemis de la Syrie, quoi qu'on puisse reprocher à l'actuel président syrien. En Libye, le même danger plane depuis des mois et notre voisin part lui aussi à la recherche d'un sauveur qui puisse épargner à la Libye l'éclatement et le chaos ! La situation en terre libyenne nous concerne directement, et à notre tour, nous attendons un sauveur tunisien de poids pour nous prémunir du péril salafiste, intégriste, jihadiste mercenaire. L'autre jour, Béji Caïed Essebsi disait : « Ennahdha maintient encore les rênes du pouvoir, et s'il n'y a personne pour nous sauver de ses velléités hégémoniques, je me présenterai aux élections présidentielles avec ce statut de Sauveur potentiel. » Bajbouj et le Nida caracolent en tête des sondages pour les prochaines présidentielle ou législatives ; mais nombreux sont les Tunisiens qui craignent les manœuvres de dernière minute et qui peuvent ramener au pouvoir Ennahdha et une nouvelle Troïka vindicatives et têtues dans leur projet sociétal rétrograde ! Ce qui justifie ces craintes, c'est qu'au Nida, l'atmosphère tend à s'envenimer ; d'autre part, L'Union pour la Tunisie a pratiquement éclaté ; les alliés du Front du Salut se sont dispersés et se jettent les pierres les uns contre les autres ; Ahmed Néjib Chebbi tient des discours séduisants à l'adresse des leaders et des partisans nahdhaouis ; Mohamed Abbou, dont on dit qu'il monte dans les sondages, continue de soutenir les Ligues de Protection de la Révolution et les tient pour moins dangereuses que certains partis politiques (dans la bouche de Abbou, ou même de son épouse, entendez les partis des Azlem recyclés du Nida). Pénurie affligeante En bref, nous ne voyons que de piètres personnalités politiques autour de nous et pas un seul d'entre eux, mis à part peut-être Béji Caïed Essebsi à qui le préjugé favorable reste critique même au sein de son parti, n'a la carrure d'un vrai sauveur. On comprend pourquoi une majorité de Tunisie se retourne vers son idole du passé, vers le héros de l'indépendance, vers le « Combattant suprême ». En Tunisie, comme dans tous les pays déçus par le Printemps arabe, il faut trouver ce sauveur miraculeux et le plus vitepossible ! Sinon la porte sera ouverte à tous les scénarios catastrophiques : même en Algérie et au Maroc, rien n'est garanti ! Abdelaziz Bouteflika n'est peut-être pas l'homme de la situation et le Roi Mohamed VI n'est que provisoirement à l'abri du projet de salafisation du Maroc ! Ainsi en est-il du destin des Nations arabes et musulmanes condamnées de tout temps à pointer l'horizon des yeux dans l'espoir d'en voir surgir le Grand Zorro, ou le Mehdi promis capable de les sortir de leurs marasmes continus et désormais séculaires. Quant aux peuples, qui pourtant ont prouvé il y a trois ans, qu'ils peuvent compter sur leur propre force, nous les trouvons aujourd'hui plus blasés que jamais : ils sont de plus en plus convaincus qu'en matière de sauveur, le monde arabe est actuellement le plus démuni !