Le bureau exécutif de l'Association des magistrats tunisiens a réclamé, lors d'un point de presse tenu, lundi 14 juillet, au palais de la justice à Tunis, l'abrogation de la mesure de prolongation pour les magistrats après l'âge de la retraite. La présidente de l'Association, Raoudha Grafi, a estimé que la mesure de prolongation porte préjudice à l'indépendance de la justice et des magistrats, car elle ouvre la voie devant l'allégeance au pouvoir exécutif et l'obéissance à ses directives afin de bénéficier de la prolongation accordée comme une faveur de la part du pouvoir exécutif pour le magistrat, ce qui porte atteinte à l'indépendance du magistrat et à sa neutralité. Le bureau exécutif a envoyé une lettre au chef du gouvernement en date du 9 juillet dans laquelle il explique les aspects négatifs de la mesure de prolongation et demande au chef du gouvernement d'arrêter son application d'autant que le gouvernement envisage de ne plus recourir à cette mesure pour tous les fonctionnaires publics sans distinction. Le point de presse a été tenu, à l'occasion de la clôture de l'année judiciaire, le 15 juillet. Attribution des responsabilités judiciaires La présidence de l'Association des magistrats tunisiens a parlé du mouvement des magistrats devenu du ressort exclusif de l'Instance provisoire de la magistrature créée conformément aux dispositions de la nouvelle constitution. La présidente de l'Association a souligné la nécessité de faire en sorte que le mouvement des magistrats contribue à la mise en place d'une justice indépendante et à la réforme du système judiciaire, notamment au niveau de l'attribution des responsabilités judiciaires à la tête des tribunaux et au niveau de l'attribution des postes de fonction en général dont les responsabilités en rapport avec le ministère public, l'instruction et la présidence des tribunaux et des chambres correctionnelles et criminelles. Elle a demandé à l'Instance d'attribuer ces responsabilités sur la base des critères de l'intégrité, de la neutralité, de la compétence et de la qualification, ainsi que celle de la réhabilitation des magistrats lésés et de la rupture avec le passé. «Le mouvement des magistrats n'est pas, seulement, un ensemble de décisions intéressant la carrière des magistrats, a-t-elle dit, mais ce mouvement est un ensemble de décisions qui doivent tendre, essentiellement, à la mise en place d'une justice indépendance dans cette étape transitoire, et c'est ce que l'Instance provisoire de la magistrature doit réaliser et qu'elle doit concrétiser à travers le mouvement des magistrats, en particulier au niveau de l'attribution des responsabilités judiciaires. L'Instance doit attribuer ces responsabilités et les postes de fonction sur la base des critères d'intégrité, de neutralité, de compétence et de qualification, la réhabilitation des magistrats lésés, l'égalité des magistrats devant l'intérêt général de l'action judiciaire et la rupture avec les pratiques du passé lorsque les responsabilités étaient attribuées sur la base de l'allégeance aux personnes et l'inféodation politique. » Raouadha Grafi a insisté, dans le même esprit, sur la nécessité de faire en sorte que le mouvement des magistrats s'effectue à la lumière d'un examen approfondi des dossiers des magistrats afin de distinguer entre eux dans l'attribution des responsabilités judiciaires, sur la base des critères signalés, soulignant, par ailleurs, l'importance de tenir compte de l'équilibre entre les tribunaux des gouvernorats de l'intérieur, ceux de la Capitale et des gouvernorats côtiers, dans la répartition des magistrats de manière à doter les tribunaux des gouvernorats de l'intérieur du nombre suffisant de magistrats nouveaux mais aussi de magistrats anciens et compétents, au nom du principe de l'égalité. Contrôle judiciaire des élections Une partie du point de presse a été consacrée au contrôle judiciaire des prochaines élections, contrôle effectué par les tribunaux ordinaires en ce qui concerne les listes d'électeurs, le tribunal administratif en ce qui concerne les candidats aux élections présidentielles et législatives, ainsi qu'en ce qui concerne les résultats des élections, alors que la Cour des comptes examine tout ce qui intéresse le financement public de la campagne électorale et l'argent politique en général. Les tribunaux jugent selon leurs spécialités et leurs compétences les contestations concernant ces divers aspects des élections. La présidente de l'Association des magistrats tunisiens, Raoudha Grafi, et les membres du bureau exécutif, Hamdi Mrad et Mohamed Frej El Manâa, ont indiqué que la nouvelle loi électorale du 26 mai 2014 a apporté des améliorations dans ce domaine mais que les délais impartis pour l'examen des contestations sont très courts et fixés à trois jours pour les contestations relatives aux listes des électeurs et entre 5 et 10 jours pour les contestations relatives aux candidats , aux résultats et au financement. Ils ont noté que ces délais ne sont pas raisonnables et ne suffisent pas pour entreprendre un contrôle à même de garantir la crédibilité et la transparence, notamment au cas où on aura affaire à un grand nombre de contestations. La présidente de l'Association des magistrats tunisiens a mis l'accent, aussi, sur l'importance d'avoir des chambres spécialisées et des juges spécialisés dans ces questions afin d'améliorer le niveau de l'action de contrôle judiciaire des élections.