Les Tunisiens étaient euphoriques pendant la journée du 23 octobre 2011. Comment ils ne devaient pas l'être alors que c'était la première fois de leur longue histoire qu'ils votaient librement sans qu'on ne le fasse à leur place en leur indiquant la liste à mettre dans les urnes ou qu'on travestisse leur volonté. C'était du moins l'impression qu'ils avaient, car dans les faits, on n'était pas très loin des anciens procédés. Sans s'attarder sur cette question, cette journée-là et en dépit de toutes les imperfections qui l'ont entourée, était unique et historique. Unique, parce que jamais les Tunisiens ne sont intéressés à la chose publique, et en particulier, à la politique avec un tel engouement, et historique, en raison du fait que cette journée était censée être une date charnière marquant une rupture définitive avec l'époque dictatoriale et l'inauguration d'une nouvelle ère, une vrai cette fois-ci. Mais ce passage a-t-il eu réellement lieu ? Ou bien cette dernière était une copie de sa devancière ? Des espoirs trahis Au lendemain de cette journée pleine d'espoir et après la proclamation des résultats, la majorité des Tunisiens, surtout ceux qui ont fait la Révolution, étaient sidérés. La Révolution était récupérée par le dogme au nom d'une utopique « démocratie islamiste ». Ils y voyaient une pure absurdité. Ces « vainqueurs » ont-ils usé de procédés honnêtes pour convaincre ceux qui ont leur ont accordé leurs voix ? Ont-ils essayé de les persuader du bienfondé de leur programme en sollicitant leur intelligence? Ou bien ils ont chatouillé leur sensibilité en jouant sur les ressorts religieux ? Tout le monde sait que les moyens auxquels ils ont recouru ne différaient en rien de ceux qui étaient utilisés par l'ancienne dictature : achat de voix en contrepartie de biens. Autrement dit, si ces « vainqueurs » avaient réussi à tirer profit d'une légalité boiteuse, ils ne pourraient pas se prévaloir d'une quelconque légitimité, ils n'en ont aucune, exactement comme leur prédécesseur détrôné. Le commencement de leur règne était le prélude à nos malheurs et les appréhensions de la veille commençaient à prendre forme. Le ciel s'assombrissait petit à petit et l'ambiance générale dans le pays changeait, considérablement, au point de devenir méconnaissable. Les jihadistes fondamentalistes, qui étaient invisibles jusqu'alors, sortaient de leurs terriers et narguaient le camp de « O,.. ». Et plus le temps passait, plus ils haussaient le ton et multipliaient et accentuaient les provocations. A partir de là, des malfrats stipendiés, ont envahi les quartiers en y installant leurs tentes de prédication, et les prédicateurs de l'orient et du Golfe étaient invités pour leur prodiguer les leçons nécessaires, leur permettant de devenir de « bons musulmans ». Et voilà que la Tunisie, qui était hautement saluée par le monde entier pour avoir réalisé la plus moderne des révolutions, se trouvait plongée de plain-pied dans la préhistoire et faisait un retour spectaculaire vers l'âge de pierre. Les apprentis sorciers Plus tard, et en bons élèves qui appliquaient à la lettre les enseignements des précepteurs et les recommandations de sages, ces jeunes qui annonçaient une « nouvelle culture » ont élu domicile au Mont Châambi pour « pratiquer du sport et faire liquider le cholestérol ». Et avec le temps, ils ont gagné en force et en efficacité. Cette nouvelle carrure leur a donné l'envie de rouler leur bosse à l'ambassade américaine, ce jour où ils ont surpris le ministre de l'intérieur par derrière, lui qui s'attendait à les voir venir de l'autre côté, en face. Mais comme il faut apprendre de ses erreurs, il en a retenu la leçon en faisant fuir leur chef par la porte d'entrée de la mosquée, c'est-à-dire d'en face et non pas par derrière. Et quand leur organisation était classée par les Américains comme étant un groupe terroriste, ils étaient obligés d'opter pour la clandestinité ou bien d'aller exhiber leur art et d'exercer leurs prouesses au-delà de nos frontières. Et pour donner plus d'ampleur à leur action divine, ils ont recruté des jeunes, garçons et filles. L'accès à l'éden céleste était assuré, pour les premiers, grâce à leur jihad par les armes, pour les premiers, et par le corps, rien que le corps, pour les secondes. Pendant ce temps, les jihadistes qui sont restés dans le pays ont renforcé leur présence au Mont Châambi. Tout cela se passait sous le regard du gouvernement des « vainqueurs », et à chaque fois que des voix s'élevaient pour attirer son attention sur la gravité du phénomène et l'appeler à la nécessité d'intervenir pour lutter contre ces fléaux, ce dernier les accusait d'agiter des épouvantails. Le résultat ne s'est pas fait attendre, et le cycle de la terreur était inauguré par l'assassinat de Chokri Belaid. A partir de là, la Tunisie s'est transformée en bain de sang avec les assassinats de Mohamed Brahmi, de nos soldats et de nos agents de l'ordre. Les assassins, les vrais, c'est-à-dire les commanditaires n'ont été à aucun moment inquiétés et aucun d'eux n'était appréhendé en dépit de preuves irréfragables dont, notamment, le document émanant du service de renseignement le plus prestigieux au monde, la CIA. L'existence d'une police parallèle, attestée par les syndicats des forces de l'ordre, n'a jamais été si entérinée que lors de l'infiltration de ce document. Et pourtant rien n'a été fait, aucune mesure n'était prise, faisant comme si de rien n'était. Bien au contraire, le gouvernement de ceux qui craignent Dieu a essayé par tous les moyens de démentir ces vérités flagrantes comme il l'a toujours fait depuis son accession au pouvoir. Les agents du nouveau « Sice-Pico » En fait, ils agissent, conformément, à leur dessein que nous avons eu l'opportunité de dévoiler à l'occasion du fameux lapsus du « sixième califat ». Mais, comme plusieurs d'entre nous sont frappés d'amnésie ou veulent se montrer sympathiques à l'égard de ces islamistes en qui ils voient des gens pacifiques, ces derniers réussissent à intégrer le giron démocratique. Et ce n'est que dans notre pays qu'ils sont considérés comme démocrates, car ailleurs, dans les autres pays arabes, ils ne sont pas vus comme tel, étant donné qu'ils appartiennent à la confrérie des frères musulmans. Ceux d'entre eux nos islamistes qui prétendent n'en avoir aucun lien pourraient-ils nous expliquer pourquoi brandissaient-ils le symbole de « Rabâa » dans l'hémicycle de l'ANC et, tout récemment, à l'occasion de la manifestation de solidarité avec gaza. On se demande comment peut-on classer des islamistes outranciers, qui ont toujours préconisé la violence, parmi les démocrates, alors qu'ils n'ont pas procédé à une révision de leurs dogmes. Car s'il fallait croire les gens sur parole, on aurait dû croire Ben Ali lorsqu'il parlait des droits de l'homme et de liberté ou bien quand il nous a dit, dans son dernier discours, qu'il nous a compris d'autant plus qu'il croyait à la laïcité. Il est, enfin, établi que tout ce qui se passe dans le monde arabe, en Syrie, en Iraq, à Gaza et ailleurs, est tramé par les grandes puissances occidentales qui ont choisi les islamistes, toutes tendances confondues, pour réaliser leur projet destructeur. Il s'agit d'un nouveau « Sice-Pico » visant à émietter les pays de la région arabe en vue de mieux contrôler leurs richesses. Ces islamistes, les auteurs de toutes les atrocités, ne sont que leurs agents d'exécution. Malgré tous ces faits corroborés par des preuves, certains de nos « démocrates » continuent à défendre les extrémistes religieux qui sont les responsables incontestables de tous nos maux et de toutes nos souffrances, ceux qui ont préparé le lit du terrorisme dont ils sont, d'une manière ou d'une autre, les complices. Ils voient eu eux des candidats démocrates à part entière dans cette compétition démocratique où ils usent, comme par le passé, des moyens antidémocratiques par le biais de leurs « associations caritatives » dotées de fortunes colossales. Avec cet argent, qui coule à flots, et le soutien étranger dont ils bénéficient qui pourrait les impressionner ou les concurrencer ? Personne. Alors, si rien n'était fait pour arrêter ce projet nocif visant à saper tous nos acquis politiques et culturels, il faudrait s'attendre au pire. Hitler n'était-il pas arrivé au pouvoir par le biais des élections ? Et le processus de se consolider : Ben Ali avait fait le lit de l'intégrisme. La Troïka a consolidé le lit du terrorisme. Il va falloir choisir entre un groupe et un pays. Et un homme averti en vaut deux...