La saison des mariages se tient rarement chez nous au mois de Ramadan, maintenant que nous sommes à la veille de l'Aïd el fitr, elle peut vraiment commencer. Les mois d'aout et de Septembre battront assurément le plein sur l'ensemble du territoire. Nous parlons là des cérémonies qui s'organiseront entre familles civiles ; quant aux alliances politiques, elles n'ont pas attendu la fin du mois saint pour se fêter : Tout récemment, l'Union pour la Tunisie a annoncé son retour à la vie après quelques mois de froid entre les partis qui la composent. On se rappelle comment Al Massar s'est pour un temps démarqué de Nida Tounès à cause des listes électorales ; le parti d'Ahmed Brahim et de Samir Taïeb se rapprocha alors du Front Populaire, ou du moins en donna l'impression. Aujourd'hui, les quatre formations restantes, après le retrait effectif d'Al Jomhouri, ont décidé de se présenter aux prochaines élections dans le cadre d'un front uni, avec des listes communes ou indépendantes. C'est presque cela que stipulaient les premiers accords présidant à la création de l'Union pour la Tunisie. On peut parler plutôt de réconciliation que d'alliance, c'est comme entre les couples mariés après l'intervention d'une tierce partie pour les ressouder. Ceux qui craignaient un divorce à l'amiable ou (pire encore) une implosion de la coalition sont soulagés, puisqu'ils sont convaincus que sans un front unifié, la gauche démocratique a moins de chances de battre Ennahdha et ses alliés à l'occasion du scrutin d'octobre prochain. Encore faut-il réévaluer ces chances, désormais, vu le désistement d'Al Jomhouri actuellement à la recherche de nouvel allié et de nouveau front électoral. Certes Al Massar est un parti qui monte depuis peu et qui impose le respect grâce à la stature militante de nombre de ses leaders et de ses adhérents, mais au sein de l'Union pour la Tunisie, seul Nida Tounès apparaît comme la locomotive puissante capable de tenir la dragée haute au rival nahdhaoui, bien courtisé ces derniers jours. Renforts nahdhaouis En effet, après avoir fait leurs calculs et escompté leurs chances de peser dans les prochaines élections législatives et présidentielles, certaines formations mineures à l'échelle de leur popularité se sentent plus fortes et plus à même de grappiller des points de bonus en s'alliant au parti de Rached Ghannouchi, encore soudé et puissant malgré les turbulences qui l'ont secoué entre 2013 et 2014. Il y a moins de deux jours, Abdelhamid Jelassi membre influent d'Ennahdha a cité sur les ondes d'une radio privée les noms des partis politiques avec lesquels son mouvement pourrait s'allier : il s'agirait quasiment dans l'ordre du CPR, d'Ettakattol, de l'Alliance démocratique, d'Al Jomhouri, d'Afek Tounès et de Wafa, sans compter les autres formations minuscules dont une partie est issue d'Ennahdha ou bien en a toujours été très proche. Le mouvement islamiste le plus populaire en Tunisie exclut désormais toute hypothèse d'alliance avec Nida Tounès, alors qu'il y a seulement deux mois, il n'était question que de partage du pouvoir entre le parti de Ghannouchi et celui d'Essebsi. La donne a changé en si peu de temps sans que l'on comprenne les dessous du revirement opéré dans les rapports de forces entre les deux formations plus que jamais rivales maintenant. Ennahdha apparaît comme un pilier plus solide que le Nida aux yeux des petits partis ambitieux comme l'Alliance démocratique, Al Jomhouri et Afek Tounès. En ce qui concerne Ettakattol et le CPR, nous les sentons totalement dépendants des « humeurs » nahdhaouies ; certains observateurs vont jusqu'à considérer les dernières positions de Mustapha ben Jâafar à propos de la loi antiterroriste et l'appel du président Marzouki à une manifestation en faveur de Gaza le jour de la Fête de la République et de la commémoration du martyre de Mohamed Brahmi, comme des concessions généreuses accordées à leur principal allié de la Troïka dans l'espoir de se retrouver en 2015 dans une alliance dirigeante semblable à celle-ci. On ne voit d'ailleurs aucune autre chance pour le CPR et Ettakattol dans leur course au pouvoir sinon celle de se plier en quatre pour satisfaire les exigences et les caprices d'Ennahdha, leur unique bouée de sauvetage. La Force III ? Il reste à savoir si le Front Populaire, encore résistant face aux tumultes, compte engager des alliances nouvelles : jusqu'à nouvel ordre, ce Front se composera de cinq formations principales : le Parti des Ouvriers, Al Watad unifié, Attayar Echâabi, Attaliâa et Al Qotb. Même s'il est rejoint par d'autres partis, son poids électoral n'en sera pas vraiment modifié. Le Front Populaire est comme condamné à être la troisième force politique du pays après Ennahdha et Nida Tounès ; cependant certains de ses leaders sont persuadés que leur alliance est plus forte qu'elle ne le paraît. Ils comptent sur les électeurs déçus à la fois par le règne de la Troïka et par l'ambiance anti-démocratique qui règne, selon eux, autour de Béji Caied Essebsi, pour obtenir un meilleur classement après les législatives d'octobre, mais aussi sur une campagne électorale centrée sur la diabolisation d'Ennahdha et de la Troïka, déjà discrédités auprès d'un grand nombre de Tunisiens. Par ailleurs, et pour séduire un plus grand nombre de votants, le Front Populaire mise sur la force idéologique triple sur laquelle repose sa coalition : une gauche marxisante plutôt laïque (Parti des Ouvriers et Watad), une opposition nationaliste arabe très attachée à la Tradition et à l'Islam (Attayyar Echâabi et Attaliâa) et une formation moderniste libérale Al Qotb. Gare aux guignols et aux « exciseurs » ! La Tunisie de demain a finalement le choix entre trois grandes coalitions politiques en ce qui concerne les législatives, mais pour la course à la Présidence, elle aura bien plus de prétendants parmi lesquels figurent quelques candidats sérieux et de nombreux futurs guignols. En principe, les électeurs tunisiens sont désormais maîtres de leur destin ; ils connaissent tous les candidats, ils en ont déjà mis quelques uns à l'épreuve; ils sont prévenus contre les supercheries électorales. Néanmoins, il est toujours à craindre qu'ils finissent par succomber aux divers appâts corrupteurs qu'on leur tend, qu'ils cèdent à leurs chauvins penchants régionalistes ou partisans, qu'ils se laissent manipuler par des médias suspects ou par des marchands d'illusions de tous bords. Certains « partis » (au sens de « prétendants au mariage ») s'adossent à des fortunes colossales pour atteindre la dulcinée, d'autres sur un allié étranger (américain, français, britannique, qatari ou saoudien) capable de leur donner le coup de pouce nécessaire, sinon il y a les groupes terroristes prêts à embraser tout sur leur passage et à imposer la burqa et l'excision à la pauvre Tunisie qu'on remarie très bientôt!!