«La photographie c'est un art; c'est mieux qu'un art, c'est le phénomène solaire où l'artiste collabore avec le soleil. » Alphonse de Lamartine Parce que « Photographier, c'est mettre sur la même ligne de mire la tête, l'œil et le cœur » comme l'affirme Henri Cartier Bresson, parce que photographier, c'est recréer le monde, parce que« c'est la photo qui nous prend », parce que photographier est un acte instantané qui se prolonge dans l'éternité, parce que photographier, c'est révéler l'univers, le transfigurer et le donner à voir, Hamideddine Bou Ali a créé ce concours photographique, il y a huit ans et qu'un Passeur, amoureux de l'art et du beau, Mohamed El Bennani a pris la relève pour pérenniser ce projet vital pour la culture, que ce concours survit, continue d'intéresser de nombreux photographes et d'attirer les amateurs de pellicules et d'images. Edouard Bouba remarque que l'instant « sublime de la prise de vue ne ressemble à rien d'autre » et qu'il faut le laisser vivre. » C'est dire que la photo continue à palpiter dans le regard de celui qui la voit, la déchiffre, la dévoile, se l'approprie, s'en imprègne. C'est dire qu'elle continue à respirer et à frissonner pour l'éternité, mystérieuse de ce secret unique de donner de la vie, du plaisir et de l'émotion dont l'art a le pouvoir. Cette année semble moins féconde que les précédentes, puisqu'il n'y a eu que dix-huit participants, sans doute à cause de la difficulté du thème : « tradition et modernité », thème assez complexe à traiter sur le plan iconographique, sans tomber dans les clichés, les lieux communs, la facilité. Omar Lasram, membre du jury, a rédigé un texte afin d'aider les participants en leur désignant quelques pistes de recherche : « choisir entre plusieurs catégories photographiques telles que: la photographie de rue, la photographie d'architecture, la photographie humaniste, la photographie de nature et d'environnement (mettant en valeur une initiative en faveur de l'environnement ou à l'inverse, une atteinte flagrante à l'environnement.), la photographie de portrait, la photographie culinaire... ». Malgré cet éclairage, certains ont manqué de pertinence, faute de temps ou de concentration. La soirée du 22 fut consacrée à une série de visionnages pour éliminer les photos ne correspondant pas au thème. Les membres du jury : Nadia Zouari, Farès Naanaa, Douraid Souissi, Tounès Thabet ont procédé à un tri sélectif des photographies les plus « parlantes », dans une atmosphère détendue et fort agréable. M. Mohamed El Bennani, disponible, a répondu à toutes les interrogations avec amabilité et professionnalisme. La soirée du 23 juillet fut plus festive, grâce à une assistance nombreuse et intéressée. Elle fut sponsorisée par « Cérès Edition » et par « Café Ben Yedder » qui ont offert à l'assistance une dégustation très appréciée de leur légendaire produit. Elle commença par une intervention remarquée de Mme Rabaa Ben Achour Abdelkéfi qui nous a livré une réflexion très intéressante sur les chances de survie de l'islam politique en Tunisie. « La personnalité tunisienne » semble résister au discours religieux extrémiste qui s'est acharné à marginaliser les jeunes et les femmes et à effacer l'histoire et l'identité nationale. Malgré une « modernité inachevée », la Tunisie résiste au discours radical. Ensuite, on a annoncé les résultats du concours : Le premier prix a été attribué à Fehmi Jmel pour une photographie d'architecture représentant ce qui semble être des cheminées ou des tours, déclinées de manière répétitive, sous un ciel menaçant. Les nuances du noir, du gris et du blanc créent un contraste saisissant, mais, également, une belle harmonie. L'élément architectural écrase le paysage et semble dominer. Deux seconds prix ex aequo : Jalel Bessaad qui a proposé l'étendue gigantesque d'un paysage observé par un couple habillé de manière moderne, d'une femme portant le niqab et d'une jeune-fille arborant le foulard. Ces personnages se côtoyant résument les contradictions vestimentaires, mais aussi idéologiques, religieuses et identitaires d'un monde arabo-musulman en mal de repères, à cause de l'émergence d'idéologies utilisant la religion à des fins politiques. Le deuxième est de Amel Medimagh : le portrait de dos d'une jeune-fille, portant un jeans à la mode, en train de fabriquer des pâtes traditionnelles. Un regard amusé sur une réalité dérisoire, mais qui concentre les contradictions dont notre société semble s'arranger. La fin de la soirée fut consacrée à un débat animé par Hamideddine Bouali avec un public jeune, curieux, intéressé et motivé à propos de la photographie en Tunisie, les enjeux, les difficultés rencontrées et la critique photographique. Une belle initiative, une manifestation superbe à encourager, à multiplier, à sauvegarder pour l'art et pour une cause vitale : résister à toutes les tentatives de marginalisation de la culture, de récupération et de manipulation d'une jeunesse avide de savoir, de connaissance et d'activités culturelles fondatrices de la personnalité et de l'esprit critique.