Dans « Tsunami », Fadhel Jaibi et Jalila Baccar , mettent en scène le Tunisien subitement mis à nu face à ses illusions, ses fantasmes et ses rêves assassinés. A travers cette pièce, on est en face de deux modèles de sociétés : l'une tolérante et l'autre obscurantiste et rigide. Fadhel Jaibi s'interroge et ne propose pas de recette miraculeuse. Il s'en prend dans son tsunami à l'islamisme salafiste, au jihad sexuel et au terrorisme. La pièce ouvre sur une scène totalement nue et noire, déserte. Des hommes et femmes tout de noir vêtus se promènent silencieusement dans les travées, dans un silence absolu, jusqu'à créer un malaise ! La pièce nous plonge dès lors dans les heures troubles de l'après-révolution du Jasmin qui, on le sait, fut le déclencheur du Printemps arabe et comme le souligne Fadhel Jaibi. «La révolution est un retournement total. Tsunami, c'est ce point noir destructeur qui apparaît à l'horizon, grandit et s'abat brutalement, un raz-de-marée qui emporte tous les repères, balaie corps et esprit. Nous avons ainsi été propulsés dans une brèche ouverte sur un avenir incertain. Nous sommes toujours dans l'oeil du cyclone. La première déferlante de la révolution a décomposé l'ensemble des repères, les suivantes risquent de tout balayer ». Durant toute la pièce, Jalila Baccar, Fatma Ben Saidane, Ramzi Aziez et les autres essaient de s'attaquer aux tabous et aux interdits. Ils veulent défendre les valeurs fondamentales : liberté, dignité, justice comme en témoigne cette révolte de Dorra, une jeune fille d'un ancien prisonnier politique islamiste qui ôte le voile après la disparition de son frère, mort en Syrie tout en se révoltant contre son oncle. Accompagnée d'Amine, elle rencontre Hayet, ancienne militante des droits de l'homme. Un rapport dialectique s'établit entre les deux . Une résistance face à la marée islamiste se dessine. Hayet et Amina occupent dès lors le plateau pour faire entendre jusqu'où il est possible d'aller dans la schizophrénie, l'autisme, la peur de soi et la peur des autres. Ces deux personnages féminins cristallisent les enjeux et les contradictions de la révolution tunisienne en y remettant au centre la place des femmes et de la jeunesse. Deux cultures, deux civilisations se font désormais face dans un pays déchiré et menacé par cette montée islamiste. Cette division politique est aujourd'hui double. C'est ce qui rend d'ailleurs difficile et compliqué le dialogue national et l'issue à la crise politique. Il y a un vrai schisme, un pays partagé en deux. Que vont faire les islamistes ? Que va-t-on faire des progressistes ? Ce tsunami va-t-il continuer ? Faire entendre ces voix, dévoiler ce formidable mouvement international de résistance contre l'intégrisme est le but de Jalila Baccar et Fadhel Jaibi qui s'interrogent sur le devenir des révolutions, confisquées par les forces extérieures et les mouvements islamistes. Plus que jamais, ils sentent que la lutte pour l'instauration de l'Etat à caractère civil et de la société moderne et laïque reste d'actualité. Les Tunisiens ont besoin de prendre conscience qu'ils ne peuvent pas affronter le monde moderne avec une culture archaïque. C'est pour cela qu'il faut continuer la lutte et faire face contre ces attaques menées contre les progressistes, les cinéastes, les musiciens et les journalistes. Sans parler des comédiennes qui, sur Facebook, sont traitées de tous les noms. Bien sûr, tous les acteurs sur scène appellent à la résistance contre cette situation. « Le théâtre est le seul moyen qui nous reste, avoue un jeune spectateur, pour faire ouvrir leurs yeux aux Tunisiens et les libérer.