La Tunisie ne s'est pratiquement initiée au pluralisme syndical que depuis une période relativement récente. Historiquement l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) a été durant de longues décennies la seule et unique organisation syndicale représentant les travailleurs manuels et intellectuels. A présent et avec l'entrée sur la scène d'autres organisations syndicales comme la Confédération Générale Tunisienne du Travail (CGTT) dirigée par l'universitaire Habib Guiza, l'Union des Travailleurs Tunisiens (UTT) chapeautée par Ismaïl Sahbani, ancien de l'UGTT connu pour avoir été l'homme de l'ex-dictateur qui a régné 23 années durant sur le pays, avant que Ben Ali ne l'envoie en prison, on pouvait s'attendre à une émulation saine entre syndicats pour servir au mieux l'intérêt des salariés. Il n'en est malheureusement rien. Une polémique vient d'éclater entre Houcine Abbassi secrétaire général de l'UGTT et Ismaïl Sahbani, patron de l'UTT. Dans une rencontre publique tenue vendredi dernier par l'UTT, en présence de certains Palestiniens, s'est posé le problème de l'Union internationale des syndicats des travailleurs arabes que l'UGTT avait quitté. L'UGTT a formé une autre organisation syndicale pour la région arabe. L'UTT n'apprécie pas cette initiative. Ali Dhaoui, secrétaire général adjoint de l'UTT a déclaré au Temps que la nouvelle organisation panarabe est financée, entre autres, par un syndicat israélien. L'organisation d'Ismaïl Sahbani (qui ne répondait pas hier au téléphone) remet en cause l'attachement et le soutien de l'UGTT à la cause palestinienne. Et pourtant, l'UGTT mène une campagne de collecte de dons en médicaments et effets, qui seront acheminés vers Gaza. La réponse de l'UGTT ne s'est pas fait attendre. Le secrétaire général de l'UGTT, Houcine Abbassi, a accusé le secrétaire général de l'UTT, Ismail Sahbani, de semer le trouble au sein du mouvement syndical tunisien. Il a par ailleurs déclaré que l'UGTT tiendra en octobre un sommet qui réunira les démissionnaires de l'Union des Syndicats Arabes pour annoncer officiellement la création de l'Union Internationale des Syndicats Arabes. Il a rappelé que le choix de l'UGTT a toujours été la défense de son indépendance. Il a affirmé : « Nous sommes engagés dans l'Union Internationale des Syndicats, cette organisation mondiale qui a rejeté à deux reprises la demande d'adhésion de l'UTT et ses consorts. L'UTT est présidée par le cheikh vieillissant Ismaïl Sahbani qui s'acharne toujours à diviser le mouvement syndical, surtout en Tunisie. Nous lui disons qu'il est incapable de le faire. Ses dires et ses critiques sont de la pure fabulation. Il prétend que l'UGTT a lâché la cause palestinienne. L'UGTT ne se détournera jamais de la cause palestinienne. C'est elle qui a bâti l'école Hached à Jénine. Il dénigre l'Union Internationale des Syndicats : je voudrais dire à ce propos à Ismaïl Sahbani, que lorsqu'il était à l'UGTT, il était membre en tant que structure à cette union. D'ailleurs, à la tête de l'UTT, il a envoyé une première et une deuxième demande d'adhésion à cette organisation internationale. Dans les deux cas sa demande a été rejetée. Il vaut mieux qu'il se taise et qu'il prenne garde à se mêler aux affaires de l'UGTT. Il n'y récoltera que la confrontation, la révélation des vérités au peuple et la mise à nu de ces rumeurs». Les rapports entre l'UGTT et l'UTT, n'ont jamais été cordiaux. Les dirigeants des deux organisations se regardent toujours en chiens de faïence. Sur le terrain, à plusieurs reprises, on a vu des actions engagées par l'UTT juste pour affirmer sa présence dans certaines entreprises. Après la formation du Gouvernement Jomaâ, la surenchère sur le plan des revendications syndicales a été présente. Les dirigeants de l'UTT n'acceptent pas que le Gouvernement négocie avec la seule UGTT les augmentations de salaires, ni que l'Union Tunisienne de l'Industrie, du Commerce et de l'Artisanat (UTICA) travaille de concert avec la Centrale syndicale la plus forte du pays. L'UTT en veut à l'UGTT pour sa participation active au Dialogue national économique après avoir réussi, dans le cadre du Quartet, à mener le pays à bon port, après la plus grave crise jamais connue par le pays, suite à l'assassinat de Mohamed Brahmi. Alimenter les rumeurs et chercher des polémiques peut faire le buzz, mais n'élargira, ni ne consolidera, la base syndicale d'une organisation.