Le retour à Manukau, en banlieue sud d'Auckland s'est fait en douceur. Arrivés en plein week-end, nous avons eu le temps de reprendre tranquillement le rythme routinier. Je crois sincèrement que les éléments de routine sont importants. Quand on est loin c'est rassurant d'avoir des habitudes, sans forcément tout définir, ça recrée un cadre qu'on pense avoir perdu. Et en bonne enfant de « La Mer Blanche du Milieu » j'ai trouvé une excellente façon de maintenir ce cadre: la cuisine. Entre la bonne franquette, les petits plats grecs et la koujina, j'ai toujours été habituée à bien manger, et ça se voit ! Seulement, et c'est peu de le dire, la carte néo-zélandaise n'est pas très riche. La seule barrière qui continue inexorablement de s'interposer entre la culture néo zélandaise et moi est donc culinaire. Par chance, l'Harissa du Cap Bon trouve ses consommateurs partout dans le monde, même en Nouvelle-Zélande (et ce, nonobstant la faible population tunisienne de 42 individus qui y réside!). Ça met du baume au cœur de retrouver ces petites boîtes jaunes sur les étals d'un supermarché. On aurait pu croire que pour un pays où le nombre de moutons est 10 fois supérieur à celui des humains ils s'en seraient fait une spécialité nationale, mais non. Je me suis renseignée à droite à gauche, j'ai cherché des recettes, des épices, des goûts typiques sans succès. Tout ce que j'ai pu en apprendre c'est que les Maoris, comme beaucoup de peuples insulaires par ailleurs, utilisaient la technique dite du « Hangi » qui consiste à cuire les aliments enveloppés dans des feuilles sous la terre à l'aide de pierres chaudes. Alors vous comprenez j'ai dû mettre mon temps libre à profit pour rattraper mon grave retard en cuisine tunisienne et prouver qu'avec l'abondance de produits locaux frais on pouvait faire des merveilles. Kafteji, kosksi sans kèskès, mosli, mléouis, briks et même baklawas : je n'ai reculé devant rien pour faire découvrir nos spécialités colorées et pleines de saveur. J'ai même envisagé de me lancer dans la restauration mais la réflexion n'est pas encore totalement aboutie... Et tout ce temps là, passé à cuisiner ça me ramène pour un petit moment prêt de ma mère. Je la revoie m'apprendre à différencier le tebel de la karouia et me montrer comment on écaille un bourri. Et le chat qui vient nous embêter en se frottant à nos pieds réclamant tantôt des caresses tantôt des restes. Et papa qui passe la tête par la porte pour demander ce qu'on fait. Petit à petit le fait de cuisiner des petits plats tunisiens devient une sorte de « kitchen-therapy » qui permet d'atténuer un peu l'absence. Leyla Katarina CHERIF