Avec les cabines téléphoniques rouges, le "tea time" ou les autobus à impériale, elles font partie de la "so british" panoplie qui fait le charme un brin suranné du royaume de Sa Très Gracieuse Majesté. Mais les hommes de loi caressent aujourd'hui l'idée de se débarrasser de cet accessoire qui les gratouille et démange depuis le XVlle siècle: la perruque. Le baron Nicholas Phillips, Lord Chief Justice d'Angleterre et du Pays de Galles, plus haut magistral du pays, devrait bientôt trancher, une fois étudié sous toutes ses coutures un rapport examinant les affirmations selon lesquelles le décorum judiciaire, perruques mais aussi grandes robes noires ou rouge bordées de fourrure et autres parures dorées, intimiderait le public. Ses services viennent de confirmer qu'il devrait opter pour une nette modernisation stylistique. Selon Me John Cooper, avocat pénaliste et membre du barreau, l'attirail "perruque plus robes" devrait être réservé aux affaires criminelles. "L'opinion parmi les avocats est de voir le costume préservé pour ce type d'affaire, et le public est d'accord -c'est une des seules choses qu'il apprécie vraiment dans notre profession", note-t-il. Les avocats britanniques portent perruques et robes devant la cour depuis la fin du XVlle siècle. Depuis les années 1840, ils ont cependant renoncé à porter tous les jours la version longue de la perruque, crin de cheval en rouleaux blanc serrés, dégoulinant sur les épaules, se contentant au quotidien d'une petite perruque plus discrète et moins élaborée. Quant au costume des juges de la Haute cour, chargée des affaires les plus graves, il remonte au XlVe siècle, à l'époque où les robes étaient de soie et taffetas, bordées d'hermine et assorties d'étoles, manchettes, jabots, guêtres et autres décorations très codifiées... qu'on ressort encore pour les plus grandes occasions. Un code formel très strict gouverne la couleur de ces robes, le rouge étant réservé aux affaires criminelles, le noir au civil ou aux juges aux affaires familiales. L'été, certains juges ont le droit de s'envelopper frivolement de bleu, violet, lilas... Mais tous sans exception doivent passer à l'écarlate lors des "Red Letter Days", ces jours à marquer d'une pierre blanche comme l'anniversaire du monarque et certaines fêtes religieuses. Pour financer cette opulente garde-robe, un juge de la Haute cour reçoit une enveloppe d'environ 15.000 livres (22.000 euros), un juge de base environ 10.000 livres (15.000 euros). La perruque simple coûte jusqu'à 800 livres (1.200 euros), tandis que la perruque élaborée peut atteindre les 2.000 livres (3.000 euros). Avant sa nomination comme Lord Chief Justice, le juge Phillips avait qualifié de ridicule le protocole vestimentaire alambiqué des tribunaux britanniques. Et estimé, une fois n'est pas coutume, que la Grande-Bretagne ferait bien de suivre l'exemple français et se contenter d'une simple robe noire tout en tombant pour de bon la perruque... L'affaire ne date pas d'hier, plusieurs tentatives de réforme depuis les années 90 n'ayant pas abouti. En 2002, un sondage commandé par le gouvernement auprès de 2.000 personnes avait conclu que 42% des Britanniques voulaient voir leurs juges et avocats garder leur déguisement, contre 27% qui rêvaient de juges tête nue... Pourtant, en 1992 déjà, le président de la Chambre des Communes a abandonné la perruque, imité en 1998 par le Lord Chancelier présidant la Chambre des Lords. Et les Law Lords, qui y siègent en appel dans diverses instances, n'en portent pas non plus.