La mort suspecte de deux prisonniers tunisiens en l'espace de quelques jours a suscité une grande polémique chez l'opinion publique et une vague de dénonciation de la part de la société civile tunisienne et étrangère travaillant sur la défense des droits de l'Homme. Depuis, le ministère de l'Intérieur a vite fait de sortir un communiqué dans lequel il dément l'information relayée par les associations qui stipule que les deux détenus sont morts sous la torture. La société civile a, d'ailleurs, formé un collectif associatif composé de 28 associations tunisiennes et étrangères et ont observé hier une manifestation devant le ministère de l'Intérieur afin de dénoncer vivement les pratiques tortionnaires et pour soutenir les familles des victimes. STOP aux mauvais traitements Survenue à quelques jours d'intervalle, la mort d'Ali ben Khemaies Louati, le 23 septembre 2014 et celle de Mohamed Ali Souissi alors qu'ils étaient en détention a provoqué un large mouvement de colère chez la société civile et les citoyens tunisiens. Pour couronner le tout, des photos appuyant la thèse de la mort à cause de la torture, ont circulé sur internet. Une campagne de dénonciation du mauvais traitement derrière les barreaux vient d'être entamée par un collectif de 28 associations à l'instar de la Ligue Tunisienne des droits de l'Homme, l'Organisation Contre la Torture en Tunisie, l'Organisation Mondiale Contre la Torture, l'Observatoire Tunisien des Prisonniers, l'Organisation Tunisienne pour les Réformes Pénales et Sécuritaires ou encore Amnesty International, l'Association Internationale pour le Soutien des Prisonniers Politiques et l'association Tunisienne pour la Réinsertion des Prisonniers et le Suivi de la situation des prisons, etc.... La matinée d'hier, environ 500 manifestants se sont joints aux associations pour dénoncer la pratique de la torture. « Stop à la torture », « Tous ensemble contre les mauvais traitements tels étaient les slogans scandés par les manifestants. Les familles des deux prisonniers morts sous la torture étaient, également, présentes. Affligées et inconsolables, elles avançaient devant le ministère de l'Intérieur criant leur douleur et leur colère. Ayant perdu leurs progénitures dans des circonstances tragiques, elles se sont dites profondément dévastées par la nouvelle macabre. Elles se sont dites notamment impuissantes «face à de telles injustices». L'OCTT et l'OMCT accusent De son côté, la militante des droits de l'Homme, l'avocate et la présidente de l'Organisation Contre la Torture en Tunisie, Mme. Radhia Nasraoui, s'est dite gravement indignée des dernières déclarations du ministère de l'Intérieur où ce dernier a qualifié de diffamatoires les propos de l'OCTT. Elle a rajouté qu'elle n'a nullement confiance dans les rapports des médecins légistes. «Certains de ces médecins, ont, du temps de l'ancien régime, sorti des rapports d'autopsie frauduleux. Il est hors de question de leur faire confiance aujourd'hui.». Le Temps l'a abordée, voici son témoignage : «Il y a certains points qui sont très équivoques dans la mort de Mohamed Ali Souissi. D'abord, le fait que le ministère de l'Intérieur noircisse la réputation du défunt comme s'il excusait le recours à la violence.» En effet, dans ce qui apparaît comme une tentative pour discréditer les deux victimes, le communiqué du ministère prend soin d'énumérer la liste des chefs d'accusation qui pesaient sur Mohamed Ali Souissi, qui était notamment poursuivi pour «port d'arme blanche, agression, trafic de drogue et vol.» Autrement dit, c'est un criminel dangereux qui n'a eu que ce qu'il méritait. Mme Nasraoui ajoute : «Peu importe ce que la personne ait commis, rien n'excuse l'utilisation de la torture ! Je tiens à rappeler que la police n'a aucunement le droit de torturer qui que se soit ! Même s'il s'agit des plus dangereux des criminels. Dans notre loi, la torture est le plus grave des crimes !» Elle revient, par la suite, sur le rapport du médecin légiste : «On veut nous faire croire que ce rapport est sacré comme s'il s'agissait du coran ! Je réitère ce que j'avais dit : je n'ai pas confiance en quelques-uns de ces médecins ! Plusieurs dossiers ont été falsifiés sous l'ancien régime.» Il est à rappeler que pour appuyer ses dénégations, le ministère a communiqu le rapport d'autopsie de Mohamed Ali Souissi. Selon le médecin légiste, «la mort n'est pas de cause traumatique». Ce qui voudrait dire que le jeune homme ne serait pas mort en raison de coups portés contre lui. La mort serait due à une infection généralisée. Quant à l'Organisation Mondiale de lutte Contre la Torture, la directrice du bureau Tunisie a qualifié, hier, «la situation d'inquiétante, il ne s'agit pas de militants ou d'activistes, il s'agit de citoyens ordinaires. On se rend compte qu'il y a encore de nombreuses personnes qui sont victimes de violences policières». «Nous comprenons que leur situation est difficile, mais en aucun cas il ne peut y avoir atteinte à l'intégrité humaine», même sous couvert de lutte contre le terrorisme rajoute la directrice.