Selon des observateurs avertis, Ennahdha pourrait soutenir indirectement Caïd Essebsi en ne cautionnant aucun candidat dans le cadre d'un marché secret, ou appuyer la candidature de Kamel Morjane en partant du principe que «seul un jeune destourien peut l'emporter face à un vieux bourguibiste» Bien qu'ils soient réputés pour être des fins stratèges, les islamistes d'Ennahdha peinent à choisir un candidat capable de tenir la dragée haute au leader de Nidâa Tounes, Béji Caïd Essebsi, lors de la prochaine présidentielle. Après une première session tenue le week-end dernier, le conseil de la Choura, organe consultatif du parti islamiste se réunira de nouveau cet après-midi pour examiner l'épineuse question du choix du candidat à l'élection présidentielle auquel le mouvement apportera son soutien. Dans ce cadre, les observateurs s'attendent à ce que la haute instance dirigeante d'Ennahdha fasse encore durer le suspens et n'annoncera pas le nom du candidat que le parti cautionnera de peur d'essuyer un nouveau camouflet et surtout d'anéantir leurs chances de participer au futur gouvernement, dont le bail sera cette fois-ci de cinq ans, en cas de défaite de leur candidat. Les dernières déclarations du président du conseil de la Choura du parti, Fethi Ayadi, laissent d'ailleurs penser que l'ancien mouvement de tendance islamique (MTI) prendra tout son temps, reportera son verdit le plus longtemps possible, attendra les résultats du deuxième tour ou ne se prononcera pas du tout... «Nous avons besoin de plus de temps, de plus d'échanges de vues. Le mouvement s'intéresse au plus haut point au scrutin. A présent, nous sommes en train d'étudier la teneur des consultations que nous avons entreprises, les contacts politiques que nous avons établis et la proposition qui nous a été soumises. Les choses prendront le temps qu'il faudra, car nous ne faisons pas cela uniquement pour servir les intérêts de notre mouvement, nous le faisons aussi pour la Tunisie», a déclaré M. Ayadi. Selon des sources proches du mouvement Ennahdha, les contacts et des concertations menés ces derniers jours au sujet de l'échéance présidentielle n'ont pas abouti à des résultats concrets. Ainsi, le président du parti Rached Ghannouchi a notamment rencontré, tour à tour, le président sortant Moncef Marzouki, le président de l'Assemblée nationale constituante (ANC), Mustapha Ben Jaâfer, le président de l'Union patriotique libre (UPL), Slim Riahi, et le président du courant de l'Amour, Hachemi El Hamdi. Dilemme Pour rester à égal distance vis-à-vis de tous les candidats à la magistrature suprême, Ennahdha a précisé dans tous ses communiqués relatifs à ces consultations que les rencontres ont été tenues «sur demande» des candidats à la présidentielle du 23 novembre. Les stratèges de Montplaisir semblent plus que jamais conscients que les cinq noms qu'Ennahdha avait déjà annoncé qu'elle pourrait soutenir (Moncef Marzouki, Mustapha Ben Jaâfer, Ahmed Néjib Chebbi, Hammouda Ben Slama, et Abderrazek Kilani) risquent fort de ne pas faire le poids devant le bourguibiste octogénaire Béji Caïd Essebsi. De crainte d'un nouveau camouflet, le pari préfère patienter... Depuis l'annonce des résultats des législatives, le mouvement Ennahdha s'est en effet retrouvé dans un dilemme. D'un côté, Nidaâ Tounes a fait savoir que toute participation d'un parti à un gouvernement de coalition devrait se situer dans le cadre d'un package. Le parti vainqueur des législatives assortit toute entrée au gouvernement d'Ennahdha à un soutien de Béji Caïd Essebsi à la présidentielle. Cela semble très difficile pour Ennahdha qui risque ainsi d'aller à contre-courant de la volonté d'une bonne partie de sa base qui soutient Marzouki. Mais selon certains observateurs, Ennahdha pourrait soutenir indirectement Caïd Essebsi en ne cautionnant aucun candidat dans le cadre d'un marché secret qui permettrait au parti islamiste d'obtenir certains portefeuilles ministériels clefs ou le poste de président du parlement. Une autre option peu plausible consisterait à ce qu'Ennahdha apporte durant le premier et le second tour son soutien à la candidature du président d'Al Moubadra Kamel Morjane, qui est considéré par les islamistes parmi les Rcdistes les plus fréquentables, en partant du principe que «seul un jeune destourien peut l'emporter face à un vieux bourguibiste».