Les choix qu'on fait reflètent ce qu'on est. C'est une vérité, reste à savoir pourquoi on fait un tel choix et pas un autre ? Certes, il existe quelque part derrière nos préférences, une raison ou un motif qui nous oriente. Néanmoins, il n'est pas évident qu'une personne ait l'aptitude de faire ses choix selon une logique bien définie ou en se basant sur une certaine démarche argumentative. L'un des choix qu'on aura à faire, dans peu de temps, est celui des votes à la présidentielle. Comment le Tunisien voit-il le prochain président de la Tunisie ? Sur quoi est basé essentiellement son choix de la personnalité politique la mieux adaptée à un tel poste ? Les uns sont dans l'embarras du choix, les autres sont décisifs... Le Temps a fait le tour des rues de la capitale et a interrogé différents citoyens sur ce qui détermine leur choix du futur président de la Tunisie. « Je veux simplement quelqu'un de puissant ayant un discours fort et qui a un historique dans la politique de la Tunisie, qui est aussi connaisseur du système et de ce que le peuple veut, non pas quelqu'un qui nous laissera dans l'incertitude le temps qu'il découvre comment ça marche », dit une vendeuse. Un marchand ambulant, Karim, a expliqué qu'il ne se soucie pas des élections pour plusieurs raisons. « Pour commencer, le choix ne se restreint pas à la personne qu'on va élire, cela doit se baser sur le programme, le plan réalisable que cette personne envisage », il ajoute que si le programme ne rapporte rien de concret au citoyen lui-même, c'est inutile de se casser la tête à choisir un président, qui finira par décevoir le citoyen. « Je veux quelqu'un qui me garantisse le droit de vivre, tant que quelqu'un n'existe pas encore, je me charge moi-même d'arracher mon droit de vivre ». Khaled Haddeji, un écrivain poète, a simplement dit que son choix se base sur le programme social et économique du candidat, la cohésion de ce programme avec les attentes du peuple. D'une autre part, il considère que c'est important que le candidat ne soit pas inclus dans les dépassements et la corruption du système de Ben Ali, et qu'il soit intègre, honnête et fidèle à lui-même et à ses principes. Quant à Marwen, un étudiant, il a expliqué qu'il ferait son choix du président selon ce que celui-ci pourrait rapporter de nouveau sur le plan économique et qu'il soit apte de renforcer l'économie de l'Etat ainsi que d'améliorer sa situation sur le plan international, entre autres, du point de vue dettes. Mme Fatma, femme au foyer, voit de sa part, qu'un président doit avant tout être charismatique et présentable pour donner une belle image à l'étranger. D'une autre part, elle explique que son choix est basé sur l'aptitude de la personne à gérer l'instabilité du pays notamment face au terrorisme qui nous menace. Les arguments que présente le citoyen sont diversifiés et donnent une idée globale sur les attentes du peuple de la prochaine phase. Ces attentes sont majoritairement orientées vers la recherche de la stabilité sécuritaire et économique, ce qui est légitime et compréhensible. Sociologiquement, cela s'explique clairement Mme Hajer Boukraa, sociologue, a expliqué que le choix du président diffère selon la catégorie sociale, et dépend du degré de conscience acquise face à la question politique. Selon elle, les élites, sans aucune appartenance politique, se basent prioritairement sur une étude du contenu du programme électoral des candidats pour enfin déterminer son choix. Dans ce sens, le choix est bien fondé et argumenté et n'est pas affectif ni influencé. Pour les gens partisans, le choix n'est pas difficile à faire dans le cas où les partis auxquels ils adhèrent, présentent leurs candidats. Le choix va donc de soi et n'est basé que sur une conviction acquise à priori. Mme Hajer, ajoute que pour la majorité des Tunisiens, les arguments ne sont pas forcément rationnels. « On voit certains s'attarder devant les affiches des candidats cherchant l'image qui leur plaît le plus » dit-elle, elle explique qu'il existe parmi les citoyens ceux pour qui l'image compte le plus ; Ceux-ci choisissent un profil, un certain charisme et non pas un programme. Elle a également précisé que pour d'autres, il s'agit d'un choix influencé par ce qui est commun, ce qui est entendu, ils suivent en quelque sorte le troupeau. Ce qui manque est principalement la conscience de devoir relier l'intérêt du pays à la personne la mieux adaptée à la situation. Ils peuvent être aussi attirés par un discours particulier qui n'est pas forcément adéquat à leurs besoins et idées mais satisfait plus ou moins une certaine tendance idéologique chez eux. La sociologue mentionne qu'il existe un facteur déterminant qui oriente le choix du citoyen Tunisien, celui de l'argent. Il ne faut pas nier, d'après Mme Hajer, que les voix sont rassemblées autour d'un tel ou tel parti par le biais de l'argent, on peut dire qu'on achète des voix. Ceci démontre davantage l'absence de conscience et de choix bien fondés. Pour conclure, Mme Hajer a indiqué que le rôle des médias est d'une importance majeure. On sait d'ailleurs tous que les médias sont le principal modérateur de l'opinion du peuple et exploitent tous les moyens pour valoriser un personnage aux dépens d'un autre surtout pour les médias dirigés par certains partis politiques, là où le parti occupe l'espace médiatique et présente un discours orienté sans pour autant s'afficher. Et psychologiquement parlant... Mlle Ziadi Raja, une psychologue part du fait que les candidats répondent, chacun, à un profil bien défini. Parmi eux il y a ceux qui réveillent chez le citoyen le côté nostalgique d'une époque antérieure, et rappellent un ancien profil de personnalités politiques appréciées par le peuple, ou une catégorie du peuple. Dans un deuxième lieu, la sociologue évoque le style paternaliste recherché par les Tunisiens. Ils ont besoin d'un président père, qui soit à la fois autoritaire, bienveillant, et surtout sécurisant par rapport aux dangers que risque le pays. Certains ne se soucient pas de vivre nouvellement la dictature, bien au contraire, ils adhèrent à cette idée sous prétexte qu'il nous faudra un dictateur pour restaurer la stabilité et qu'on n'est pas fait pour une réelle démocratie. D'autre part, la psychologue a parlé de la catégorie des gens qui se basent sur des critères très subjectifs pour faire leurs choix du prochain président. Certains se focalisent sur le charme du discours et sa beauté, c'est-à-dire pas sur le contenu. Les mêmes peuvent considérer que la beauté physique et le charisme du candidat doivent être là en priorité. Ce qui nous amène à dire que ceux-ci effectuent des choix souvent irréfléchis. Mlle Raja a pris en considération, d'un autre côté, les enjeux individuels sur lesquels se basent le citoyen Tunisien. Chacun recherche ses propres intérêts et donc le candidat qui réaliserait le mieux ces intérêts indépendamment de ce que nécessite la situation du pays. Par exemple, ceux qui appartenaient à l'ancien régime, opteront pour les candidats qui le représentent, ceux qui soutenaient la Troïka iront vers un candidat qui la remet en valeur après la défaite aux législatives. Les féministes s'orienteront automatiquement vers une femme, meme si cette femme devrait représenter les citoyens et non pas les femmes. Les fans de l'argent et des apparences voteront celui qui possède des fortunes. Et pour finir, il y a les révolutionnaires, ceux qui veulent rompre avec tout cela et préfèrent voir un président d'un profil nouveau, qui ne manque certainement pas de charisme, qui soit intellectuel, sache parler et soutienne l'esprit révolutionnaire, ceux-ci chercheront parmi les candidats, celui en qui ils peuvent s'identifier. Malgré la variété des opinions et la multitude des raisons qui seront à l'origine des choix des citoyens aux prochaines élections présidentielles, on ne peut pas tirer des conclusions à travers de simples témoignages, l'analyse sociologique et psychologique éclaircit relativement l'image, cependant ce sont les urnes qui répondront concrètement à notre question : sur quoi se base le citoyen Tunisien pour choisir le prochain président de la Tunisie?