Toutes les grandes villes des Pays-Bas, de La Haye à Amsterdam en passant par Rotterdam, se sont mises à l'heure carthaginoise. En effet, les grands carrefours, les espaces publicitaires et aussi les parois de nombreux bus sont pavoisées aux couleurs de Carthage et, par ricochet, de la Tunisie. Spectaculaire et mystérieuse, une statue de déesse à la tête de lion trône un peu partout. Il s'agit de l'affiche de l'exposition "Carthago" qu'abrite le Musée national des Antiquités de Leyden, le fameux Rijksmuseum van Oudheden, l'un des plus importants musées nationaux des Pays-Bas, celui en tous cas dont les collections égyptiennes, grecques et latines lui valent une grande réputation internationale. La face léonine de cette statue qui provient des collections du musée du Bardo, le fait qu'elle illustre de belle manière la complexité syncrétique de l'héritage tunisien, son aspect énigmatique aussi, ont vite fait d'interpeller un public néerlandais très féru de muséographie et d'histoire ancienne. De fait, cette statue s'affirme comme une première clé du succès de cette exposition ouverte officiellement le 26 novembre à Leyden. Les organisateurs auraient pu choisir une statue plus classique, un buste d'empereur ou encore une de ces mosaïques tunisiennes réputées. Ils n'auraient pas surpris le public, n'auraient pas capté tous les regards. Car cette statue qui, selon les différents spécialistes, représente soit la Genius Terra Africa soit la déesse égyptienne Sokhet, a tout pour surprendre et nimber de curiosité un événement qui a bénéficié d'une conjonction remarquable de soutiens. L'initiative de Wim Weijland et Pieter Ter Keurs A l'initiative de cette exposition, deux responsables du Rijksmuseum van Oudheden ont remué ciel et terre pour réunir une collection exceptionnelle. Il s'agit de Wim Weijland, directeur du musée de Leyden et Pieter ter Keurs, responsable des collections et de la recherche. Ces deux responsables néerlandais ont d'abord défini le concept de cette exposition puis mis en mouvement le projet. Ils ont trouvé deux relais tunisiens d'une grande efficacité aux Pays-Bas même en les personnes de Karim Ben Becher, ambassadeur de Tunisie à La Haye, et Zeineb Zouaoui, directrice du bureau de l'Office national du Tourisme tunisien. Plusieurs voyages en Tunisie ont ensuite permis à Pieter ter Keurs, cheville ouvrière de cette exposition, de tisser des liens de qualité avec le ministère de la Culture et son institut national du Patrimoine. Dans cette optique, l'ambassade des Pays-Bas en Tunisie a également eu une contribution décisive. Rapidement, les autorités culturelles tunisiennes ont mobilisé les deux grands musées nationaux du Bardo et de Carthage. Plusieurs pièces maitresses ont ainsi fait le voyage pour Leyden et sont venues renforcer la riche collection tunisienne de ce musée néerlandais. C'est que le musée de Leyden a des liens particuliers avec notre pays. En effet, au dix-neuvième siècle, un ingénieur néerlandais, Jean-Emile Humbert, est venu en Tunisie pour y travailler afin de créer un port à la Goulette. Passionné d'archéologie, il a constitué une collection de statues et de stèles puniques qui ont abouti au musée de Leyden et qui font la fierté de cette institution. Pour la petite histoire, Humbert est considéré comme le découvreur moderne de Carthage. En réunissant une collection remarquable, le musée de Leyden a également voulu donner un prolongement exceptionnel à cette exposition qui se poursuivra jusqu'au 10 mai 2015. C'est ainsi que des contacts ont été pris avec le musée du Louvre en France et le prestigieux British Museum pour enrichir le contenu de l'exposition. Au final, 250 œuvres sont offertes à la curiosité des visiteurs. Ce qui donne un caractère exceptionnel à l'événement. Car il s'agit probablement de la plus grande exposition archéologique tunisienne organisée en Europe. Une ouverture en quatre temps Comme pour marquer l'importance de l'événement, l'ouverture s'est déroulée en quatre temps. En premier lieu, une avant-première a été organisée le 25 novembre en l'honneur de Mourad Sakli, ministre de la Culture, qui a visité l'exposition accompagné de Nabil Kallala, directeur général de l'Institut national du Patrimoine (INP), de l'ambassadeur de Tunisie et de plusieurs responsables du musée néerlandais. Le lendemain a eu lieu l'inauguration officielle rehaussée par la présence de Mourad Sakli qui, dans un discours très inspiré a mis en relief la richesse du patrimoine tunisien et inscrit cette exposition dans le cadre de la coopération bilatérale entre nos deux pays dont les origines remontent à l'accord-cadre de 1964. Remerciant tous les partenaires, le ministre a également émis le souhait que cette exposition renforce le flux touristique néerlandais en Tunisie. Plusieurs responsables ont pris la parole au cours de cette ouverture officielle. Citons Wim Weijland, Nabil Kallala, Pieter Ter Keurs et, au nom du gouvernement néerlandais, Renée Jones-Bos, secrétaire générale du ministère des Affaires étrangères. La soirée a été suivie par une vingtaine d'ambassadeurs et de nombreux journalistes. Les medias néerlandais ont accordé une vaste place à cette exposition. D'ailleurs, une visite de travail organisée en octobre par l'ONTT a réuni en Tunisie douze représentants des plus importants medias des Pays-Bas. La musique était également à l'honneur pour cette ouverture officielle du 26 novembre. La soprano tunisienne Yosra Zekri, accompagnée au piano par Mehdi Trabelsi, a interprété un extrait de l'opéra "Enée et Didon" puis un air de l'opéra "Trab bledi" de Jelloul Ayèd. L'ouverture au public organisée le 27 novembre au musée de Leyden allait s'avérer un succès complet. Près d'un millier de visiteurs ont visité l'exposition en l'espace de trois heures, dans une ambiance festive. En outre des stands d'artisanat tunisien étaient de la partie et ont littéralement été pris d'assaut par un public qui a fait un triomphe à l'huile d'olive et au vin tunisiens. Proximité de Noel aidant, les ventes ont battu des records alors que le public circulait dans les deux étages réservés à l'exposition. Enfin, le 28 novembre, le Théâtre Diligentia a accueilli une soirée tunisienne organisée par l'ONTT et là encore une foule des grands jours a fait un triomphe à la Tunisie. Depuis l'annonce de cette exposition, la Tunisie est en effet sur toutes les lèvres, tous les medias, tous les écrans. Plusieurs dizaines de milliers de visiteurs sont attendus jusqu'au 10 mai, date de clôture de l'événement. Au delà, cette réussite annoncée souligne la qualité du travail en amont avec une pleine implication des ministères tunisiens de la Culture et du Tourisme, le dynamisme des ambassadeurs en poste à Tunis et La Haye ainsi que la pertinence du projet mobilisateur du musée de Leyden.