Tout au long des JCC, les salles de cinéma ont exceptionnellement grouillé de monde et tout spécialement celles situées au centre-ville. Pendant plus d'une semaine, les espaces de projection n'ont pas désempli, attirant des cinéphiles bien sûr mais aussi des curieux, des nostalgiques, des badauds et de jeunes branchés soucieux de poster sur les réseaux sociaux leurs photos avec les tickets de cinéma car les JCC étaient pour quelques jours « the place to be » pour paraître « in » et tendance, au risque parfois de ne rien comprendre au film programmé et de sortir de la salle au bout d'un quart d'heure. Pire encore, il y a les inconditionnels des selfies qui n'hésitent pas à en prendre en plein milieu d'une projection, aveuglant de leurs flashs leurs voisins. Mais ce n'est rien comparé à ceux dont l'addiction aux smartphones est totale et qui n'hésitent pas à répondre au téléphone en vociférant, envoyer des sms, livrer leurs impressions sur le film en temps réel sur les réseaux sociaux, commenter les statuts, tchater en ligne avec les copains et copines mais aussi appeler le coiffeur pour prendre rendez-vous pour le lendemain matin... Et puis il y a les autres. Ceux qui disent apprécier l'art et respecter la liberté de création des artistes mais s'offusquent du moindre baiser ou de la moindre scène de nudité, prononçant à chaque fois l'indémodable: « Zappe de chaîne ! Remets el wataneya ! » Et que dire des applaudissements à tout-va ? Une réplique poignante, une scène touchante, un dialogue émouvant à portée patriotique par exemple et c'est parti pour une salve d'applaudissements bruyants et interminables quand ce ne sont pas des ronflements, des ricanements, des gloussements ou encore de longs éclats de rire qui retentissent inexplicablement dans la salle et gâchent le plaisir des spectateurs. A tel point qu'un cinéphile a ironiquement proposé que des "chuuutt" réguliers soient diffusés par la sono des salles de cinéma durant les projections. Sans oublier bien sûr les incontournables paquets de chips, les kakis, les glibettes, les cacahuètes, les amandes grillées, les canettes de boissons gazeuses, les chewing-gums, le popcorn et le lot de déchets jonchant le sol à chaque fin de séance. Autre détail et pas des moindres, bien que les salles de cinéma soient des espaces non fumeurs, certains spectateurs n'ont pas hésité à griller une cigarette en pleine projection de film, sans jamais être inquiétés. Mais il n'y a pas que les humains à blâmer. Même les chats s'y sont mis dans une des salles de la capitale, n'hésitant pas à miauler de temps à autre... sans doute pour témoigner leur appréciation ou leur mécontentement de certaines scènes. A quand l'interdiction des chips et kakis dans les salles de spectacle ? Loin d'être un tableau caricatural exagéré, ceci n'est que pure vérité et de nombreux passionnés du cinéma ont assisté, impuissants, à ces scènes et s'en sont plaints notamment sur les réseaux sociaux. Faten Abdelkefi, cinéphile dans l'âme, témoigne: « Il faut le dire et le redire, l'enseigner aux enfants dans les écoles, faire des spots de sensibilisation s'il le faut: les salles de cinéma ne sont pas un salon ou un séjour privé. Personne n'a le droit de déranger les spectateurs avec des sachets de chips et de kakis, de casser la croûte pendant le film, de parler au téléphone, de parler ni de rire pendant la projection. Les autres spectateurs ont le droit de regarder un film dans le silence ! C'est révoltant ! J'aimerai tellement que les responsables des salles interdisent la consommation de nourriture à l'intérieur et les sachets en tous genres.» Mais comment expliquer cette goujaterie et cette attitude sans-gêne ? Tout d'abord parce que la majorité de nos jeunes et même de moins jeunes n'ont aucune culture de l'art et du cinéma. Regarder un film signifie pour eux, être dans leurs chambres, ouvrir leurs ordinateurs, lancer un site de téléchargement gratuit et avoir accès à tous les films de la planète. Se rendre dans une salle de cinéma ne fait pas partie de leurs us et coutumes. Du coup, ils s'y comportent comme chez eux, sans aucun respect des autres spectateurs. Autre détail, le prix des billets qui est de 1,5 dinar. Sensé être accessible à tous et donc permettre à un maximum de personnes de profiter des nombreux films de cette édition, ce prix a également permis à des intrus ne portant pas de réel intérêt pour le cinéma mais n'ayant aucune occupation dans la vie d'assister quotidiennement aux projections et de gêner autrui, juste par ennui. Mais il serait injuste d'augmenter les prix des billets car on ne pénalise pas une majorité de cinéphiles passionnés pour une poignée de trublions. Autre petit couac organisationnel Outre l'attitude déplorable d'une partie du public, la billetterie a quelque fois posé problème lors de cette édition des JCC. En effet, il a été décidé que les détenteurs d'abonnements devront eux aussi patienter dans une file d'attente qui leur est exclusivement dédiée pour avoir droit à un billet dit « gratuit ». Il en est de même pour les journalistes, les cinéastes et les organisateurs. Toutefois, lorsque le quota de billets « gratuits », qui est de l'ordre de 40%, était atteint pour un film, abonnés et accrédités n'avaient d'autre moyen pour le voir que de s'acheter un billet. Autre fausse note, les retards accumulés lors des projections. Ainsi, des films programmés pour 18h n'ont débuté qu'à 18h45. Impossible donc de commencer la projection du film suivant à temps... Une cinéphile rapporte une autre petite anicroche qui s'est déroulée dans un cinéma du centre ville. Au bout d'une demi-heure d'attente devant un guichet fermé, on a annoncé aux abonnés qu'ils pouvaient rentrer dans la salle sans les fameux billets « gratuits » car la personne qui les avait en sa possession était encore chez elle. Rien que ça ! La culture du respect Certes ces petits couacs sont déplaisants voire énervants sur le moment mais tous affirment les avoir vite oubliés devant la qualité des films projetés. Quant aux trouble-fêtes dans les salles, ne nous leurrons pas !Ils ne sont pas propres aux JCC. L'attitude sans-gêne de certains citoyens est tout aussi flagrante dans les cinémas qu'au théâtre mais aussi dans les espaces publics et les moyens de transport. Respecter autrui est une culture, une mentalité et surtout une éducation. Ce qui n'est malheureusement pas à la portée de tous et surtout pas de ceux qui ne vont aux salles de cinéma que pour frimer ou pour passer du temps. Mesdames, mesdemoiselles, messieurs les intrus, ayez pitié de l'art !