La politique c'est un peu comme l'eau et la pluie. Elle peut faire du bien à la terre et aux arbres, mais elle peut aussi être nuisible pour le bâtiment avec l'infiltration dans les structures bétonnées qui portent l'ouvrage et les rouiller ! Sans politique, il n'y a pas d'Etat, mais l'Etat est souvent traumatisé par la politique et les politiciens... parce qu'il est manipulable. Que d'institutions ont été créées par les gouvernements et les parlements, de bonne foi, pour rectifier, l'erreur, la maladresse ou la mauvaise gestion des hommes. Mais, que d'institutions aussi ont perdu ou changé de vocations en cours de route pour répondre à tout, sauf ce à quoi et pourquoi elles ont été créés. Propagande Il me revient à l'esprit du temps de l'ancien régime, cet organe nommé l'ATCE (Agence tunisienne de communication pour l'extérieur) qui avait pour vocation, très noble, de diffuser une certaine image de la Tunisie dans le monde, tolérante et où il fait bon vivre, un pays de douceur, d'hospitalité et de liberté. Puis la politique en a fait un organe de propagande et de désinformation totalitaire, malgré la résistance de ses cadres et ses agents et leur attachement à sa vocation initiale. Le phénomène n'est pas limité dans le temps et souvent tout fonctionne par cycle. Les gouvernants les mieux intentionnés et ceux qui sont très zélés au départ, une fois qu'ils relèvent les anciens « locataires » des ministères et des « présidences », finissent et c'est peut être là une fatalité de la nature humaine, par succomber aux tentations d'appropriation de l'Etat et ses institutions pour servir des intérêts voire même quelques désirs freudiens de revanche politique. Aujourd'hui, le cas peut se poser pour l'Instance « Vérité et dignité » qui a certainement pour vocation de par la « loi » de s'inscrire dans le champ de la « justice transitionnelle » mais qui annonce malheureusement bien des menaces sur la solidarité nécessaire des Tunisiennes et des Tunisiens en revenant à des traumatismes et des blessures d'époques lointaines. Finalement au lieu de traiter le mal ancien par l'union nationale et le pardon, ce dont nous avons peur, c'est de voir cette institution sortir de son lit et évoluer vers une sorte de temple de l'inquisition et de la désunion, motivée par la « politique » et non par la justice les droits de l'Homme ou la vertu. Précipitation Il faut remonter aux circonstances de sa création, à l'ANC, et la rapidité et « l'urgence » du vote qui l'a consacré, juste en fin de mandat aussi bien du dernier gouvernement de la Troïka, que de l'Assemblée constituante elle-même. La précipitation n'est pas toujours synonyme d'innocence, en la matière ! On avait le sentiment, quelque part, que des « décideurs » politiques et j'espère me tromper avaient hâte d'enfoncer le clou, et d'institutionnaliser rapidement l'Instance en question, de peur de voir le vent tourner de manière à porter au pouvoir ceux qui n'en veulent pas pour des raisons évidentes de stabilité politique et sociale et de pansement des blessures du passé, plutôt que de les traumatiser davantage par la manipulation de dossiers qui remontent pratiquement à la moitié du siècle dernier. Qu'est-ce qui est plus urgent aujourd'hui, remettre la Tunisie au travail dans la cohésion, espérer et regarder devant, ou de jouer les archivistes de malheurs, pour approfondir le sentiment de culpabilité des hommes d'Etat de l'indépendance nationale, des cadres qui ont construit l'Etat national moderne et de tous ceux qui ont travaillé dur pour garantir la pérennité de l'Etat et ses institutions avec les risques d'erreurs que toutes les époques connaissent sans distinction. Justice parallèle ? La culpabilisation de nos forces de sécurité, de notre police, de notre garde nationale et même de notre armée valeureuse, et digne, juste après la Révolution et Madame Ben Sedrine, la présidente de l'Instance « Vérité et dignité », en sait peut être quelque chose, a eu les résultats qu'on connaît, sur l'affaiblissement des corps sécuritaires et l'émergence, puis l'ascendance du terrorisme dans le pays. Il va falloir pour éviter de nouvelles dérives, possibles, non pas seulement rassurer les Tunisiens que cette instance ne sera pas une « justice parallèle » ni un temple de l'inquisition, contre les libérateurs de la Tunisie du colonialisme et les bâtisseurs de l'Etat national moderne, mais qu'elle sera d'une neutralité intégrale et « dépolitisée » (nous soulignons = dépolitisée). L'instance ne doit pas devenir un tribunal tunisien de Nuremberg (encore une fois politisé), mais un organe de solidarité active et de pardon. D'ailleurs, comme la période (et c'est bien sûr un hasard ... !) s'étend au 31 décembre 2013, il est d'ores et déjà prévisible de compter et de chanter les « dégâts » troïkistes du genre : qui a été à l'origine de la prolifération du terrorisme, qui a tué Lotfi Naggath, Chokri Belaïd, Haj Mohamed El Brahmi, Socrate Charni et ses camarades policiers, gardes nationaux et militaires, qui a fait quoi à Seliana et il vaut mieux fermer les yeux pour éviter le « Rash »... qui... qui ! Comme quoi, à travers l'histoire, les « Robespierre » justiciers finissent toujours par se faire rattraper par leurs propres crimes et actes et comme quoi, tous les hommes sont à des degrés divers « coupables » de quelque chose ! Alors, un conseil d'historien de la politique et des institutions... laissons les archives aux archivistes, l'Histoire aux historiens, et la Justice aux juges ! La politique c'est pas toujours très propre, car le pouvoir conçu pour être une bénédiction pour la cité depuis la Grèce antique peut aussi la détruire au nom de l'absolu et même de la vertu ! Oui, Madame Ben Sedrine, votre militantisme, votre vertu et votre honnêteté dont je ne doute pas, peut détruire et je vous en fait le pari ! K.G