Cette semaine, élèves et étudiants sont en colère. Les premiers veulent un syndicat. Mercredi, ils étaient une centaine à manifester à l'Avenue Bourguiba. Les étudiants, eux, revendiquent principalement le droit à une quatrième inscription. Hier et avant-hier, nous étions témoins du mouvement de protestation organisé à la faculté des sciences humaines et sociales de Tunis (9 Avril). Partout sont affichées des pancartes appelant à une marche vers la Place du Gouvernement à la Kasbah. Nous avons à cette occasion interrogé les premiers concernés, en l'occurrence les étudiants. Ce sont surtout des représentants syndicaux de L'UGET. Nous avons également demandé leurs avis à quelques uns de leurs professeurs. Voici les réponses des uns et des autres. Les étudiants : «La quatrième inscription est un droit !» Dans l'ensemble, les étudiants sont tout naturellement favorables à cette nouvelle revendication. Rares, parmi eux, sont ceux qui s'y opposent. D'un autre côté, leur mouvement exige la reprise sérieuse du dialogue avec le Ministère de tutelle. Waël Naouar (Secrétaire général du bureau exécutif de l'UGET) «Personnellement je pense que nos revendications sont tout à fait légitimes. Ce mouvement de protestation est une réaction normale au silence injustifié du ministère de l'Enseignement supérieur qui, non seulement refuse de dialoguer, mais nous accuse de semer la zizanie au sein des établissements universitaires. Or, nos doléances ne revêtent aucun caractère subversif : nous demandons que l'on accorde aux étudiants une nouvelle chance pour ne pas être privés de leur droit aux études. Tout ce que nous demandons au Ministère pour l'instant c'est d'ouvrir les canaux de dialogue. Ce qui n'est pas le cas, et c'est pour cela que nous menaçons de hausser le ton. Au retour des prochaines vacances, si nos exigences ne sont pas satisfaites, nous boycotterons les examens de la première session, nous irons jusqu'à organiser un sit-in devant le Ministère. Je trouve arbitraire que le ministre nous snobe alors que des partis ainsi que des organisations de la société civile connus nous soutiennent tels que Le Front Populaire, El Massar, le Parti Socialiste, la Ligue Tunisienne des Droits de l'Homme et l'Union Générale Tunisienne du Travail. » Zied Khalloufi(Trésorier du bureau exécutif de l'UGET) «Le mouvement de protestation s'est élargi et touche actuellement toutes les universités du pays, ou presque pour ne pas exagérer. Les étudiants ne peuvent plus admettre les mesures bureaucratiques du Ministère. Une réforme globale s'impose ! Le système L.M.D a montré ses limites, les services universitaires vont de mal en pis ! L'étudiant en est la première victime. La dépression est générale et nous enregistrons de plus en plus de tentatives de suicide à cause du désespoir. De plus, nos militants risquent de se trouver derrière les barreaux pour des causes pourtant justes et légales.» Ali Adel (2ème année mastère de sociologie) « Je suis favorable à l'idée de grève pour maintes raisons. Notre situation empire, le système éducatif « bat de l'aile » et le chômage nous attend à bras ouverts. La grève et le boycott des examens sont les solutions ultimes qui nous restent. La quatrième inscription est un droit car au moins on continue d'étudier sans risque de se trouver dans la rue. » Marwa Meddeb (1ère année mastère de sociologie) « La quatrième inscription, pourquoi pas ! C'est une chance supplémentaire pour l'étudiant. Après tout, redoubler l'année n'est pas un crime. C'est l'étudiant qui de toutes les manières payera les frais d'inscription ; et cet argent rentrera dans les caisses de l'Etat. Ai-je raison ou pas ? Karim Wanassi (2ème année mastère d'Histoire) «Mon sentiment à moi, c'est que ce mouvement incite à la paresse et ne sert nullement l'amélioration de la qualité de notre enseignement ni le niveau de nos étudiants. La véritable mission d'un syndicat c'est tout l'opposé justement ! » Les enseignants et leur syndicat : Des avis mitigés Du côté des professeurs, les positions ne sont pas uniformes. En effet, certains d'entre eux appuient et justifient la doléance estudiantine tandis que d'autres y sont totalement opposés. Slah Daoudi professeur de philosophie, écrivain militant « J'estime qu'on peut cette année seulement accorder cette faveur (la quatrième inscription) mais pour les années à venir il faut penser à une réforme globale de l'enseignement au Supérieur. Quant à l'augmentation du montant de la bourse, il vaut mieux que le ministère de tutelle finance des travaux d'amélioration dans l'hébergement, la restauration, le transport des étudiants et également contribue à la création et à la promotion d'unités et de laboratoires de recherche dignes d'une grande université. » Tahar Labassi Maître de conférences et vice doyen « Il est dans l'intérêt de l'étudiant lui-même de ne pas quadrupler. Mieux vaut pour un tel cartouchard de tenter sa chance dans une autre discipline ou dans un autre domaine. Ni du point de vue logique ni d'un point de vue pédagogique cette soi-disant « cause » estudiantine ne peut se défendre. Cela dit des questions de cet ordre doivent être débattues dans un cadre académique tel le conseil scientifique ou le département. » Zouhaïr Brahmi professeur de philosophie et secrétaire général de syndicat de base « Notre Fédération générale de l'enseignement supérieur est plutôt favorable à ce mouvement estudiantin. D'abord parce que le nombre des étudiants concernés par la quatrième inscription ne dépasse guère les 500 cas sur l'ensemble du pays. D'autre part, les étudiants ne revendiquent pas l'inscription aux études mais seulement aux examens. Autrement dit, cela ne dérange pas le déroulement des cours ni n'encombre les salles de classe. Il est dommage, par ailleurs, que les étudiants n'aient pas un seul syndicat uni pour constituer un vis-à-vis puissant et fiable dans les négociations avec le ministère.»