Depuis plus de quinze jours, on ne parle chez soi, au travail, dans les espaces publics que de politique et plus particulièrement des élections présidentielles. Certains puisent dans leur culture générale et dans l'histoire contemporaine de la Tunisie les arguments les plus convaincants pour défendre leur candidat préféré. D'autres par contre, préfèrent le silence et attendent impatiemment l'annonce finale des résultats pour afficher leur appartenance politique, leur satisfaction ou leur mécontentement. Telle était l'image des espaces publics pendant les quinze derniers jours. En bref, ça parlait essentiellement politique ! Entre les partisans de Béji Caïd Essebsi et ceux de Mohamed Moncef Marzouki, l'on assistait régulièrement à des débats passionnants où chaque groupe tentait d'influencer l'auditoire et de prouver la justesse de son choix. Comme dans un débat télévisé, les deux groupes usent de discours éloquents, de feintes, de subterfuges et de gestuelle recherchée pour appuyer leurs arguments à la manière des grands hommes politiques. Le plus curieux, c'est ceux qui se présentent comme les ''experts'' de la politique. Ceux-ci multiplient arguments d'autorité, statistiques, parfois exactes, mais la plupart du temps erronées et anecdotes généralement inventées pour impressionner le public. Les intellectuels, eux, ne ratent pas l'occasion pour étaler leur savoir. En effet, ces derniers exposent des analyses fines et profondes concernant le paysage politique tunisien. En connaisseurs de la scène politique tunisienne, ils n'hésitent pas à critiquer la position du Front populaire et précisément l'hésitation de Hamma Hammami qui n'a pas soutenu clairement Béji Caid Essebsi lors du second tour, à évaluer les chances des deux candidats et à remettre en question la position officielle du parti Ennahdha qui, selon eux, demeure ambiguë et purement stratégique. En bref, partout où on passait, le sujet central des conversations était les élections. L'évènement a marqué les espaces publics : on y voyait de toutes les couleurs ! Les réactions des Tunisiens à l'Avenue Bourguiba: entre satisfaction et frustration Nous nous sommes rendus à l'Avenue Habib Bourguiba à la rencontre des Tunisiens pour voir leurs réactions après l'annonce des résultats finaux des élections présidentielles. A l'image des résultats, les citoyens tunisiens étaient divisés en deux clans : le premier est très content de voir leur candidat favori monter au pouvoir. Pour les partisans de si Béji, maintenant que Nida Tounès est à la tête des trois grandes instances de la deuxième république, le pays va enfin connaître la prospérité et le progrès tant attendus. Les supporters de Marzouki, expriment leur mécontentement et contestent les résultats annoncés par l'Instance supérieure pour les élections(ISIE). Pour eux, Moncef Marzouki méritaient mieux que cela ! Voici les témoignages des uns et des autres. Aïcha Ghoul (35 ans) femme au foyer «En votant ‘'Béji'', les Tunisiens viennent de mettre fin à un long cauchemar. Finis les assassinats politiques, finies les incitations à la violence et à la haine ! Il est temps que l'on s'occupe des vrais problèmes qui rongent le peuple tunisien. Je fais confiance au prochain président de la république, il est le seul à pouvoir réaliser le ‘'miracle'' tunisien. Lamjed Karray (54 ans) coiffeur « Les Tunisiens doivent fêter la victoire de'' Bajbouj''. Je pense que ce jour est un jour de fête nationale. Pendant les trois dernières années, nous avons beaucoup souffert. Je suis certain que Caïd Essebsi, grâce à son expérience politique remarquable, est capable de mener à bon port son premier mandat'' Mohsen Bayari 58 ans (retraité) «Je suis fier d'avoir voté Marzouki. J'estime que c'est l'homme le mieux placé pour gouverner la Tunisie. L'ancien président a toujours défendu les démunis ! Il est bizarre qu'il ne soit pas réélu pour la deuxième fois consécutive. Je pointe du doigt les membres de L'ISIE et à leur tête Chafik Sarsar. Je remets en cause la transparence des dernières élections'' Lundi et mardi matin, l'Avenue Habib Bourguiba a vibré au rythme des présidentielles. Cependant, beaucoup de Tunisiens ont vite tourné la page des élections et sont revenus à leur sujet favori le sport et plus exactement le football. Passage aux choses «sérieuses»! Maintenant que les citoyens tunisiens ont choisi leur futur chef d'état, il est temps de fermer la parenthèse des élections et de passer aux choses ‘'sérieuses'' : le Derby. Depuis lundi après-midi, les habitués des cafés populaires parlent moins de politique. Le fameux match d'aujourd'hui les préoccupe plus que tout autre sujet. A Bab Jedid, à Bab-el Khadhra, à Bab Souika et à Bab el-Fella, les gens parlent principalement des pronostics du match, de la formation éventuelle de chaque équipe, des nouveaux recrutements et des chances des deux équipes. Comme si rien ne s'est passé, les habitants des quartiers populaires, ont, paraît-il, tourné définitivement la page des élections. Nostalgiques des discussions captivantes autour du Derby et des coulisses du match, les amateurs du foot se sont vite focalisés sur le match d'aujourd'hui qui représente, pour eux, l'évènement de la semaine. Il nous semble que les Tunisiens se sont lassés de la politique. Le Foot est, dès lors, l'ultime échappatoire pour ces derniers. ‘' Au moins, on discute librement sans prise de tête ! » Répliquait Nacer Jilani, propriétaire d'un restaurant à Bab Souika en l'interrogeant sur les raisons pour lesquelles on cesse de parler politique dans les quartiers populaires. Après le Derby politique Marzouki - Essebsi, place au Derby CA- EST. Comme quoi, le Foot est très présent dans le quotidien des Tunisiens.