Ils sont des artistes entre slammeurs et rappeurs... et des militants des droits de l'Homme. Entre bons tribuns et moins bons. Ils sont aussi nos collègues de travail, nos voisins, nos amis mais par dessus tout, ils sont des Tunisiens, nos semblables, libérés depuis quelques années du joug d'une dictature, qu'on espère à jamais évincée. La communauté noire tunisienne ... l'expression est porteuse d'une connotation qui l'entache. On a du mal à formuler l'expression qui s'avère lourde de sens tant la traite des noirs à travers les temps et les époques a fait des victimes. Une encre noire a été déversée à l'époque contemporaine sur des pans entiers de l'histoire de la honte humaine faite de trafic « négrier » et de l'embarcation des fortunes. Une histoire de l'esclavage et de la lutte pour la liberté qui a inspiré, notamment, des artistes du cinéma. On en citera bien entendu ‘'Amistead'' de Spielberg, ‘'Slaves'' d'Hebert Biberman ou encore ‘'Beloved'', un film adapté par Jonathan Demme d'après le roman de Toni Morrison (prix Pulitzer). Un film qui revisite le vécu d'une jeune esclave, interprétée par Oprah Winfrey... Qu'en est-il aujourd'hui sous nos cieux ? Une « communauté » noire tunisienne ? Il faut dire que des intellectuels et artistes parmi cette population minoritaire tunisienne revendique d'en être une. La manifestation qui se tient aujourd'hui vendredi 23 janvier à la Maison de la culture Ibn Rachiq en est l'illustration parfaite. Il s'agit en fait de la troisième édition de « Noirs à l'honneur » organisée par l'Association M'nemty HEDUCAP en collaboration avec le Forum social mondial et l'association ‘'GaPhed DreV'' pour commémorer l'abolition de l'esclavage en Tunisie. « L'évènement » dit-on se veut « un moment d'expression, d'échange et de partage entre tous les Tunisiens sur de différents sujets. » Cela portera bien entendu sur l'abolition de l'esclavage en Tunisie par le décret beylical du 23 janvier 1846. La journée sera marquée entre autres, d'une intervention de la militante "Saadia Mosbah ". Au programme également, une projection de film sur l'esclavage, un show du slammeur Anis Chouchane et un spectacle du rappeur Ala Bomba et une performance artistique de Sabry Mosbah et de Fahmi Riahi du groupe Apothéose... Loin d'un Martin Luther King qui avait un ‘'dream'' pour son pays, ou encore d'un Malcom X qui a pu bousculer les mentalités de ceux qui se plaisaient dans le confort de leurs sinistres certitudes ...et d'exclusions racistes, nos compatriotes tunisiens qui se revendiquent de la communauté noire accomplissent de jour en jour le ‘'rêve'' légitime d'être reconnus en tant que tels et d'avoir un apport à tous les domaines de la vie. Leur cachet artistique ne sera autre qu'une belle allégorie qui coupera avec la laideur de la réalité sociale... « La discrimination raciale » est selon les termes de Saadia Mosbah « un fait réel sous nos cieux »... « La communauté noire a besoin de reconnaissance et non de complaisance. Il y a des appellations qui devraient disparaître de la mémoire publique telles que "oussif", "zombak", "ka7la" "m3iz"...et j'en passe. Avez-vous pensé à trouver la solution pour que les mentalités changent, comme les lois et les institutions...» dit-elle dans un discours solennel d'un certain juin 2012 devant un auditoire d'hommes politiques et d'intellectuels tunisiens. Gardons l'espoir.