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Reportage: Dans la campagne de Aïn Draham.. La spirale infernale de la misère
Publié dans Le Temps le 25 - 01 - 2015

Selon les prévisions météorologiques, il est prévu qu'une nouvelle vague de froid va s'abattre sur la Tunisie et perdurera pendant quelques jours. La neige sera également au rendez-vous sur les hauteurs ouest du pays. Comme toujours, les plus démunis feront les frais de cette baisse de la température et ceux qui vivent dans la campagne d'Aïn Draham en savent quelque chose. Vivant dans des gourbis, marchant à pied à longueur de journée, sous-alimentés, tremblant de froid l'hiver, suffoquant de chaleur et suant à grosses gouttes l'été, le ventre creux et le regard hagard, certains de nos concitoyens semblent vivre sur une autre planète, bien loin du confort des grandes villes. D'ailleurs, dans ces régions, le degré de misère est représenté en étoiles. Plus une famille est démunie, plus elle a d'étoiles. Ironie du sort... Pour tenter de braquer les projecteurs sur cette région de la Tunisie et sur la souffrance de ses habitants, Le Temps est parti le à la rencontre de certaines familles qui vivent au quotidien dans cet enfer. Immersion au cœur de cette misère qui suscite l'apitoiement des citoyens, donne du fil à retordre à la société civile mais qui semble laisser de marbre les différents gouvernants qui se sont succédés au pouvoir depuis plus de cinquante ans.
Une chèvre, trois poules et des taudis...
Pour arriver à Aïn Draham en partant de Tunis, pas moins de 3h de trajet sont nécessaires mais le jeu en vaut la chandelle tant les paysages naturels sont magnifiques et reposants. C'est samedi. Le centre-ville est bondé de monde car il y a souk. Le café du coin aussi, rempli d'hommes bien évidemment. Plus loin sur la route qui mène à Hammam Bourguiba, les paysages sont encore plus saisissants avec de la verdure à perte de vue. Forêts, montagnes, collines, petites cabanes en bois et maisons campagnardes avec des toits en tuiles rouges... Le décor est digne d'une station de villégiature suisse de luxe. Pourtant, la misère n'est plus très loin ! Perché en haut d'une colline, un point frontalier sépare la Tunisie de l'Algérie. La route serpentine descend vers le bas et les zigzags sont nombreux. Seuls les plus résistants n'auront pas un haut-le-cœur au bout de quelques minutes. Au bout d'une vingtaine de kilomètres, un poste frontalier se dresse au bout du chemin. Finie la civilisation ! Bienvenue dans l'horreur de la misère ! La route bitumée cède désormais la place à une piste caillasseuse sur laquelle les véhicules ont du mal à avancer. Dans ce coin perdu de la Tunisie, la Nature est maîtresse des lieux. Pas de groupements d'habitation, pas de quartiers, pas de maisons de deux étages... Encore moins de voitures, de commerces, un centre de santé de base... Seuls quelques taudis recouverts de plastique et de paille, des chèvres maigrichonnes, des poules bruyantes et des moutons gringalets éparpillés par ci et par là, témoignent de l'existence d'habitants. Sur la route, des citoyens utilisant le seul moyen de transport adapté à la région : des ânes. Il est midi passé. Frêles et peu vêtus, de petits groupes d'élèves en tabliers bavardent bruyamment sur le chemin du retour après la fin des cours. Un constat toutefois : filles et garçons ne marchent pas côte à côte. Certains portent des cartables alors que d'autres trimballent leurs maigres fournitures scolaires dans de simples sachets en plastique. Alors que l'hiver est installé depuis quelques semaines, quelques enfants portent encore des sandales d'été. Pourtant, leurs visages sont joyeux. Comment l'expliquer ? Peut-être que l'innocence des enfants a ses raisons que la misère ne connaît point...
Femmes campagnardes, femmes battantes
Sur le chemin, il n'est pas rare de rencontrer des femmes, souvent âgées, avançant le dos courbé ou travaillant dans les champs. Les filles plus jeunes sont presque toutes envoyées dans les grandes villes dès leurs dix ans pour travailler comme aides-ménagères. Quant aux plus âgées, ces battantes des temps modernes, cueillent les feuilles de tabac, ramassent les branches desséchées et les transportent sur leurs dos, remplissent de lourds bidons d'eau et les traînent sur de longues distances. C'est que dans ces villages reclus tels qu'Ouled Dhifallah, Ouled Khemissa, Jbal Dinar et autres, il n'y a pas d'eau potable à domicile. Un comble pour cette région regorgeant de sources d'eau et qui compte l'un des plus importants barrages de Tunisie, celui de Barbra, inauguré en 1999 et situé à 15 kilomètres au sud-ouest d'Aïn Draham. Avec un apport annuel moyen de 74,528 millions de mètres cubes, l'eau de son réservoir est principalement destinée à l'eau potable. Mais si les femmes travaillent, que font les hommes ? La constatation est amère et révoltante. Les plus jeunes ont quitté les lieux pour s'installer à Béja, Jendouba, Tunis ou Hammamet et y travailler. Si certains reviennent quelques fois rendre visite à leur famille, d'autres ont carrément coupé les ponts et préféré faire table rase du passé. Les moins jeunes, ou du moins une majorité d'entre eux, passent leurs interminables journées attablés à l'unique café de la région, buvant des boissons chaudes, fumant des cigarettes et refaisant le monde. Ce monde qui ignore leur souffrance et jusqu'à leur existence mais dont ils continuent de suivre les nouvelles à travers les postes de radio ou, pour les plus aisés d'entre eux, de télévision.
Quel avenir pour les enfants ?
Plus loin, sur les hauteurs du village Bouhalleb, au beau milieu de nulle part, protégée par une dense forêt, vit une famille composée d'une matriarche, son fils, sa belle-fille, son autre belle-fille et plusieurs petits enfants. Son fils aîné a été tué il y a un peu plus de deux ans alors qu'il tentait de passer d'Algérie en Tunisie, avec de la marchandise de contrebande. Il était alors accompagné de son jeune neveu qui a heureusement été épargné. Le drame s'est déroulé tard dans la nuit, pendant le mois de ramadan. Le défunt a laissé derrière lui une jeune épouse et deux orphelines. Depuis ce jour, la famille vit dans la précarité absolue car sans aucune ressource fixe. Comment décrire leur habitation ? Une pièce unique en béton et le reste est fait de paille. Le coin cuisine crasseux et malodorant sert aussi d'abri pour les deux chèvres et les poules à la tombée de la nuit. Les plus âgés des enfants sont officiellement scolarisés mais ne se rendent à l'école que très rarement. Quel avenir pour eux si ce n'est la contrebande pour les garçons et les travaux ménagers pour les filles ? Malheureusement, dans ces patelins, la misère est une spirale infernale et il est presque impossible d'en échapper. Pourtant, Aïn Draham est un des nombreux joyaux naturels de la Tunisie. Aujourd'hui que le Premier Ministre a dévoilé la composition de son gouvernement, qui sera très probablement approuvé en début de semaine par l'Assemblée des Représentants du Peuple ARP, et que le vrai travail commence pour tous, il ne reste plus qu'à espérer que les choses du pays bougent et que des solutions pérennes et radicales soient rapidement trouvées et mises en place pour sauver ces citoyens qui en arrivent parfois à douter de leur appartenance à ce pays qu'est la Tunisie.


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