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La métamorphose d'un quartier populaire
La vie dans la cité Bousselsla entre hier et aujourd'hui
Publié dans Le Temps le 15 - 02 - 2013

Dès 1938, des familles pauvres et démunies quittaient Amira, Kisra, Thala, Hencha, Jebeniana et se ruaient sur la Marsa, ville des Beys et des nababs, espérant trouver une vie meilleure. Les Amiriya s'installaient à Fadane Dakhli, un terrain vague entre Marsa-ville et Amilcar. Ils construirent anarchiquement des gourbis en blocs de terre et de paille.
Les Fréchiches squattaient les grottes romaines à Amilcar ou s'engouffraient dans des trous qu'ils creusèrent dans les montagnes. Les Mthalithes et les Ousélites s'éparpillaient partout, logeaient dans des cabanes, des taudis. Les Ouled Moussa occupaient un « damousse » (tunnel) et des gourbis dans la propriété de Gilbert Naccache à Sidi Abdelaziz.
Bourguiba, président de la République, fraîchement installé à Ksar Essaâda à la Marsa, quand il passait dans sa limousine noire devant Fadane Dakhli, avait le cœur gros de voir ces gourbis insalubres d'où sortait une populace disparate, poussiéreuse, vêtue de loques, grouillante et bourdonnante pareille à une fourmilière.
Il paraît même que tout ce beau monde aurait été déplacé en prévision de la visite du Roi du Maroc Mohamed V qui visitera la Tunisie quelques mois, plus tard et du président des USA, Eisenhower, visite qu'il effectua le 25/07/1957. Le jeune président tunisien décida de déplacer ces miséreux et de détruire leurs gourbis qui enlaidissaient le paysage. Il demanda alors à son secrétaire d'Etat à l'Intérieur et maire de la Marsa, Taïeb Mhiri, de faire le nécessaire.
Le maire s'exécuta. Aidé par l'armée, ce dernier expulsa de force tous les habitants de Fadane Dakhli et les fixa plus loin dans un terrain vague à côté du mausolée du Marabout Sidi Ahmed Bousselsla d'où le nom du quartier et rasa les gourbis.
André Barouche, secrétaire d'Etat à l'Habitat et à l'Equipement fournit une cinquantaine de tentes exclusivement pour les Amériya, traça 204 lots de 68 m2 chacun qu'il distribua aux familles.
Les autres tribus : les Fréchiches, les Ouselites, les Mthalithes, les Ouled Moussa arrivèrent et reçurent leur part de lots. L'Etat leur offrit à tous des matériaux de construction.
Naissance d'un quartier populaire
Ainsi naquit le premier quartier populaire tunisien après l'indépendance.
Déjà et selon le bulletin économique et social de la Tunisie paru en septembre 1953, le commissariat à la reconstruction et au logement estimé à 200.000 le nombre de gourbis en Tunisie. Et les « opérations gourbis » ont commencé à Garjouma, Djebel Lahmar, Mellassine et Kabarya.
C'est pour vous dire que nos colonisateurs français au temps du protectorat avait déjà pensé débarrasser la Tunisie de ses gourbis et la doter de logements décents.
Ainsi, donc, chaque famille dut se débrouiller autant que faire se peut pour construire sa maisonnette à Bousselsla.
De jeunes apparenti-maçons formés au centre de redressement pour jeunes délinquants à Gammarth vinrent bâtir bénévolement quelques pavillons pour les occupants des tentes les plus miséreux.
Certains construisent leurs logis de leurs mains sans être maçon. Les Amiriya étaient plus débrouillards, plus dégourdis que les autres.
Tout autour de ce quartier, il y avait des champs semés de sorgho, fenugrec, orge, maïs, des potagers plantés de carottes, navets, radis, tomates, choux-fleurs, céleris et surtout le fameux Gombos (ganaouias) bleuté.
Chaque matin, Ali Ticha, Salem Gourta, Ali Lajribe (le galeux), Othmane, Ali Kaâbi et des dizaines d'autres vendeurs ambulants mettaient le bât sur le dos de leur âne puis les deux boîtes en bois à califourchon, les remplissaient de légumes qu'ils avaient achetés la veille des cultivateurs : les Chalbi, Bouguerra, Sahli, Chaâbène, Tajouri... et allaient vendre leur marchandise en faisant du porte à porte à la Marsa, Amilcar, Sidi Bousaïd et même à la Goulette.
Les femmes et certaines jeunes filles, travaillaient comme bonne chez les Beldias et les coopérants étrangers habitant à la Marsa.
En été, les jeunes écoliers et lycéens, pour aider leurs familles, allaient plonger à la mer, pêcher les oursins qu'ils vendaient aux touristes qui en raffolaient.
D'autres remplissaient leurs gargoulettes d'eau fraîche du Saf-Saf, qu'ils vendaient servie dans des tasses en argile aux baigneurs assoiffés allongés sur les plages de la Marsa et Amilcar.
Les Mthalithes vendaient des poulpes et des seiches qu'ils pêchaient la nuit, munis de tridents et de lampes à carbure. Certains d'entre eux vendaient du sel qu'ils ramassaient de sabkath Raoued et du thym, du romarin et des azeroles qu'ils cueillaient à la colline de Sidi Rahal.
Les Ouled Moussa se spécialisaient dans la vente d'encens, de nard, de cinnamome, de la myrrhe, de l'eau de géranium sauvage, eau de fleurs d'oranger, de l'eau de cologne, et d'autres articles féminins.
D'autres miséreux mendiaient carrément, mangeaient même du chien, fouillaient les poubelles à Marsa-Cube et à la Corniche.
Leurs enfants pouilleux, teigneux, morveux allaient à l'école chaussant des espadrilles « Ghézala » troués. En hiver, mal vêtus, ils grelottaient de froid. L'école et Néjib Khaznadar installé à Borj Esslassile, leurs donnaient des casse-croûtes et des habits.
Jamoula, l'infirmier, pour les débarrasser de leurs poux et teignes leur rasait la crâne à zéro, qu'il badigeonnait de mercurochrome et couvrait leur tête de calotte bleue.
Les sœurs blanches installées dans leur monastère à quelques pas de la nouvelle cité, enseignaient le français aux filles et soignaient bénévolement les gens en leur donnant même des médicaments gratis.
Les habitants de cité Bousselsla se partageaient tout : les rires et les pleurs, la joie et la tristesse.
Quand une famille célébrait le mariage de l'un de ses membres, tout le quartier était en fête.
La nuit, dans la rue, les convives s'agglutinaient à même le sol. Abdessalem, le joueur de flûte (zakar) et Dhaouadi, joueur de cornemuse (mézaoudi) avec le tabal jouaient de la musique. Le public était émerveillé.
Mais quand Ismaïl Hattab, vedette nationale, vint chanter dans la cité accompagné par ses trois danseuses de Bab Souika c'était la liesse générale.
Toute la cité dansait, sifflait, criait jusqu'à deux ou trois heures du matin.
Et quand une personne du quartier décédait alors toute la cité plongeait dans le deuil. Hommes et femmes se précipitent à la maison du défunt. Et quand le cercueil quittait la maisonnette, tous pleuraient les vaches meuglaient, les ânes brayaient et les chiens aboyaient.
Si un différent survint entre deux citoyens, ils s'adressaient au chef de la tribu. El Gajdare, pour les départager. Il était le plus âgé mais aussi le plus éloquent le plus convainquant. Taïeb M'hiri l'estimait beaucoup. D'ailleurs tous l'appelait : Ezzaïem, le leader.
En été, toute la communauté vivait dans la rue. Tous déployaient des peaux de mouton, des n attes et s'asseyaient devant leur maison se partageaient le couscous, la bithbitha, la khoubiza, le thé...
Depuis 1977, Cité Bousselsla fut baptisé Cité Erriadh. Tout autour du quartier naissaient de nouvelles cités : les juges, Ennacer, Errabia, Djebel Khaoui, El-Khalil... Des dizaines de jeunes filles et garçons, partirent à l'étranger en France surtout. Ils envoyaient de l'argent à leurs parents alors c'est la mutation du quartier. Ces derniers transformaient leurs maisonnettes modestes en villas modernes avec salle de bains et tout le confort.
Aujourd'hui, les gens construisent des appartements aux premiers étages et aux deuxièmes étages.
Les escaliers bâtis empâtant le domaine public rétrécissent les rues mais aucun ne se plaint.
C'est magique ! De ces carrés de 68 m2 poussent des immeubles de trois étages.
Le seul hic dans ce formidable quartier : quelques maisonnettes habitées par des Mthaliths extrêmement miséreux sont restées telles qu'elles depuis 1956, pire, elles se sont dégradées. Il existe des indomptables que rien n'a pu faire évoluer ni le temps ni les hommes.
Cité Erriadh s'est dotée de boutiques modernes, de magasins luxueux, cafés, restaurants, banques, carrefour, express, brocantiers, bijoutiers, dispensaires, infirmerie, poste PTT, mais toujours pas de poste de police !
Mais, à côté de ces merveilles, se trouvent des baraques en taules ondulées qui nous rapellent un autre âge et d'autres cieux. Dommage !
Aujourd'hui, les vieux et les vieilles fondateurs de ce quartier magique sont presque tous décédés, fièrement et dignement. Lalloucha, Halbouda, Nejma, Dabchouna, Zaâra, Ali, Salah, Gaddour. Certains même portaient des sobriquets amusants : Ali Lajrib, Fassati, Dobok, Tira, Ticha, El Far, Chtir, El Fakroune, El Allouche, El Goubaâ.
Quelques vétérans ont survécu : Ahmed Farhat, dit Fassati (93 ans) (l'une de nos sources d'informations), Hamza Kéliti, Ahmed Ticha, Ali Maâtallah, Selma et Hbila.
De ce quartier populaire, étroit, chaud, bouillonnant, de ces 204 maisonnettes, construites, à la va-vite, de ces familles pauvres et démunies qui ont éduqué leurs enfants à la va comme je te pousse, qui ont vécu péniblement de toute sorte de commerces, de bricolage, de débrouillage et même de mendicité sont nés des enseignants, pharmaciens, médecins, ingénieurs, hauts fonctionnaires, banquiers, techniciens, artisans artistes...
Cette promiscuité qu'on croyait néfaste et dégradante, a, au contraire, consolidé les rapports humains.
La misère au lieu de les opposer les uns contre les autres, les a remis confortés et fortifiés à jamais.
Ni la faim, ni le besoin n'ont pu les traumatiser, les handicaper et en faire des marginaux, avares, envieux, et mauvais, au contraire, ils en ont fait des gens équilibrés, fatalistes, généreux même, bons et compatissants.
Hier, ils étaient pauvres nécessiteux mais heureux et satisfaits.
Aujourd'hui, ils sont aisés, riches même, et ils sont toujours modestes, souriants, optimistes, agréables et conviviaux.


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