Alors, ce gouvernement... technocratique ou politique, ou les deux à la fois ! Commençons par rétablir l'ordre des choses. Partant de l'adage que « tout acte de gouvernement est politique par excellence », on ne peut dénier à ce gouvernement, cette qualité même si à la limite il a « sanctionné »... les... politiques ! En effet, avec le pluralisme consacré par la Constitution et les élections, la classe politique réclamait en quelque sorte son droit d'existence en tant que principal acteur et promoteur de la politique politicienne avec l'accès aux postes ministériels découlant des rapports des forces. Le fait de « contourner » les citadelles politiques comme Ennahdha ou le Front Populaire, ne doit pas beaucoup plaire en ce moment et même Afek Tounès s'intègre dans cette aspiration à la participation légitime à la gestion des affaires de la cité, parce que c'est le rôle des politiciens de faire la politique... mais aussi d'en cueillir les fruits, faute de quoi on pourrait assimiler la montée des « indépendants » et autres « technocrates » à une sorte d'usurpation de vocation ! Si les technocrates veulent accéder au pouvoir de commandement... ils n'ont qu'à faire de la politique comme tout le monde et créer leurs propres partis ou s'intégrer dans les maisons existantes, autrement, ce serait vouloir le beurre et l'argent du beurre, à savoir, avoir les avantages du pouvoir politique et ne pas en assumer les risques et les inconvénients ! C'est ce qui résulte de l'amertume et la déception ressenties par les politiciens (pro) qui crient un peu au « hold up » de la technocratie sur le champ politique. Mais, les politiciens tunisiens devraient aussi se demander pourquoi un Premier ministre comme M. Habib Essid, craint-il en quelque sorte l'ascendance de politique surtout en ce moment. En tout cas, il y a lieu de penser que « l'overdose » politique des quatre dernières années, et la fermentation extrême au niveau de l'idéologique (y compris, la religion) et du social, n'est pas étrangère à ce grand coup de massue qu'ont vient de donner à la politique politicienne pour donner l'opportunité à la gestion des urgences nationales, de démarrer tranquillement et hors du champ politique conflictuel et contradictoire. Il y a lieu, quand même, de rectifier la trajectoire en apparence « dépolitisée » du nouveau gouvernement pour dire qu'il comporte un autre aspect de la politique, bien prononcé. Je m'explique. Il y a d'abord, le parti de M. Slim Riahi qui engrange le gros de la récolte avec au moins trois ministères hautement stratégiques : Le Tourisme, le Développement, la Coopération et l'Investissement, et la Jeunesse et les Sports. L'UPL du président Club Africain accède ainsi au statut de « numéro un... bis » au côté de Nida Tounès dépossédé quand même, des ministères de souveraineté à l'exception de Affaires étrangères de M. Taïeb Bouccouche, ce qui répond aussi à l'une des exigences de la Nahdha de « neutraliser » les ministères régaliens, surtout l'Intérieur, la Sûreté et la Justice. Autre aspect politique, M. Habib Essid, a aussi donné les « assurances » qu'il faut à l'UGTT, en maintenant M. Ammar Youmbaï, aux Affaires sociales en plus de quelques portefeuilles accordés à des « progressistes ». C'est habile et méthodique de ne pas chercher à faire « la guerre » à la centrale syndicale qui est en pleine ascendance, en ce moment, et parce qu'elle joue le rôle de canalisation de la revendication des bases, malgré certains dépassements comme ceux vécus dans le transport et les mines à Gafsa. L'UGTT s'affirme comme le portail de sécurité incontournable de la paix sociale, et Dieu sait si le gouvernement et le peuple tout entier en ont bien besoin en ce moment. L'UGTT a son tour, se doit de renvoyer l'ascenseur et aider le gouvernement Essid par une trêve sociale durable, au moins de trois ans, dans le cadre d'un nouveau contrat social. Toute rupture dans ce champ a très hauts risques, précipitera la chute du gouvernement Essid et la « politique » anti-UGTT, refera surface avec force. Enfin, dernier aspect « politique » de la composition du gouvernement, la porte ouverte à la Nahdha, qui est censé comprendre que Nida Tounès agit par « étapes », selon la technique chère et appréciée du « bourguibien » Béji Caïd Essebsi. Bien sûr que ses leaders sont déçus de ne pas faire partie « structurellement » du nouveau gouvernement. Mais, faut-il rappeler que la Nahdha n'a pas appuyé de façon claire et sans ambiguïté la candidature de Si Béji aux présidentielles, d'où les promesses électorales de la « Maison » Nida Tounès de ne pas associer la Nahdha au gouvernement et de ne jamais rééditer la « Troïka » qui en a fait voir de toutes les couleurs à ce pays pendant la transition. On peut penser que les nahdhaouis seront assez compréhensifs dans « l'étape » actuelle et attendre et voir. Il est plus que certain qu'ils ont eu des « assurances » crédibles et sérieuses sur bien de dossiers « sensibles » et ils n'iront pas à notre avis jusqu'à insulter l'avenir. Plus la Nahdha évoluera sur la modernité, la sécularisation et la rationalisation de la religion plus elle sera acceptée comme parti de gouvernement et de pouvoir. A nous tous de l'encourager sur cette voie pour le bien de la Tunisie et la survie de son modèle démocratique et pacifique. K.G