Habitant la Tunisie depuis de longues années, l'écrivain français F.G Bussac vient de publier aux éditions Orizons à Paris un recueil de chroniques sur la révolution tunisienne. Couvrant une période allant de janvier 2011 à janvier 2014, cet ouvrage, préfacé par Youssef Seddik, parait chez l'éditeur dans la collection "Témoins/Témoignages" Ce livre qui comprend une trentaine de chroniques est complété par deux annexes ayant trait à des propositions bibliographiques ainsi qu'une chronologie. Comme le souligne l'éditeur, ces chroniques ont été écrites dans le feu de l'action, en pleine prise avec le séisme politique déclenché en décembre 2011 par le suicide de Mohamed Bouazizi. L'auteur connait bien la Tunisie. Sa mère y a vécu et il y a travaillé avant de s'y installer en 2009. La chronique des événements tunisiens est donc réalisée en direct mais avec la distance de l'écriture. Pour Youssef Seddik, ce livre montre "notre Tunisie traduite dans ses tumultes et ses jubilations, ses inquiétudes et ses espérances, dans les mots les plus justes, dans le lexique de cette belle langue, dans le sentiment des âmes universelles, dans le retrait pudique de ceux qui ne veulent surtout pas donner de leçons". De fait, cet ouvrage est une merveille d'équilibre, de pondération et aussi de tendresse. Entre le canal de la Goulette et son sémaphore en guise d'observatoire, le Capitaine, narrateur de ces chroniques tisse ses récits et, entouré d'improbables compagnons comme un canari, un âne ou madame Prune, parvient à restituer tout un pan d'histoire immédiate. Dans une tradition très française qui englobe les Mauriac, Troyat ou Giraudoux, Bussac écrit avec style et humour. Par moments, il convoque les mânes des écrivains du temps classique mais le plus souvent, il se situe entre la plume débridée d'un Pennac et le sourire adolescent d'un Cabu qui caricaturerait tout en prenant date avec l'histoire. Choc des idéaux et jasmin nouveau Bussac, avec bonheur, parvient à restituer la saga de Bouazizi, petit marchand d'oranges qui mit le feu aux poudres. Il embarque son lecteur dans l'éternelle querelle des croyants qu'il qualifie de combat des haines et des amours. Entre joyeusetés de la démocratie et pays profonds, il décrit l'essence d'un pays entre rupture et choc des idéaux. Parfois, il s'installe tout simplement dans la vie quotidienne et décrit les jours ordinaires avec le son des tambourins, les dominos au café et le triomphe du jasmin fou. Mais, malgré ces oasis de paix relative, c'est le fracas de la révolution qui sort de ce livre de 160 pages. L'optimisme est de mise pour l'auteur qui annonce, du haut de son mât, les éclaircies à l'horizon et le jasmin nouveau. Précis dans ses observations, Bussac date chacune de ses chroniques, nous renvoyant ainsi à l'actualité qui l'inspire. Au final, c'est un livre attachant qu'il nous donne à lire, celui d'un observateur décalé mais pleinement engagé, celui aussi d'un ami de la Tunisie qui, gageant sur l'avenir, illustre la couverture de l'ouvrage avec deux enfants portant le drapeau national, un sourire éclatant sur le visage. Cette photo de Michel Giliberti, un autre ami de la Tunisie, semble en effet nous dire que rien n'est perdu, puisque tout est à recommencer... "La révolution tunisienne" de F.G.Bussac est un livre à lire à haute voix, en une seule goulée ou bien en le dégustant fruit par fruit, chronique tendre après chronique fulminante, comme une flamme au vent. En tous cas, cet ouvrage s'insère à merveille dans l'ensemble de douze livres consacrés par Bussac à la Tunisie.